La formule résume la nouvelle tournée européenne de U2. Plus qu'un concert, les 8, 9, 12 et 13 septembre dernier, le groupe a donné une conférence politique rock'n roll de 2h30.
Pour nous parler de ses combats et nous donner son opinion, U2 mise sur les mots, certes, mais aussi sur les images... En surplomb de l'avancée scénique, un écran géant double face fend la salle. Y défile de quoi se préoccuper de la paix dans le monde ou s'interroger sur le sort des migrants. Flot d'images... Aux archives d'une Europe croulante sous les bombes fascistes des années 40, répond un discours de Chaplin sur le sens du progrès. Charlot porte une petite moustache à la Adolf : on aura compris qu'utilisé à mauvais escient, le progrès est mauvais... C'est alors que retentissent les premiers accords de Blackout. Bono, The Edge, Larry Mullen et Adam Clayton apparaissent... dans l'écran ! Ils se sont glissés dans l'espace qui sépare les deux faces du panneau. Le jeu de lumière, aligné sur les frappes de Larry Mullen, dessine les silhouettes du quatuor. Le morceau, puissant, rythmé comme un métronome et issu de leur dernier album, défoule l'arène.
Redescendu de son écran, Bono s'approprie l'avant-scène. Elle est particulièrement longue et coupe la salle en deux. L'extrémité de droite forme un " e " et celle de gauche un " i ", illustration du nom de la tournée eXPERIENCE + iNNOCENCE.
En " i ", le groupe déclenche des tubes comme Beautiful Day ou I Will Follow ponctués d'incursions dans le passé de Bono avec Iris et Cedarwood Road. Transition, Larry Mullen troque sa batterie pour un tambour. Sous les couleurs du drapeau irlandais, U2 rend un énième hommage à sa patrie avec la version arrangée de Sunday Bloody Sunday. La scène a clairement été recyclée de la précédente tournée. Mais qu'importe, un tube reste un tube et, admettons-le, on en redemandera toujours.
En " e ", Bono (re)devient Mephisto de la tournée 92, son nouvel outil de dénonciation. Incarnant l'incarnation même par Faust du diable, le comédien improvisé assène ses convictions. Il se paye les têtes les plus affolantes de la planète. Il les met à prix. Poutine, Trump, Kim Jong Un... Tous sont placardés sur l'énorme panneau ! Et l'accusation qui vaut condamnation : " They lie ! " Foi de Bono. Le règlement de compte serait incomplet sans la dénonciation de l'extrême droite et des néo-nazis. Images évocatrices sur l'écran géant... Et, paradoxalement, U2 les accompagne de Pride, jouée littéralement aux quatre coins de la fosse : Bono et Larry se postent aux deux extrémités de la scène tandis que The Edge et Adam se frayent un chemin au milieu des fans.
Mais un sujet mène toujours à un autre.Un concert de U2, c'est comme une discussion. Qui dit extrême droite dit Europe. Bono la chérit au son de New Year's Day.
Malgré ces cris d'alarme successifs, le groupe sait faire la part des choses. Pas d'images de société détruite, pas de batterie ou de guitare électrique, juste une projection de la lune, une guitare et des percussions acoustiques : on assiste à une interprétation épurée de You're the best thing about me.
Rappel ? Ce sera One, Love is better than anything in its way et 13, performées sans faille, au bonheur du public. Parce que 20000 personnes qui communient par la gestuelle, c'est beau. Parce que même si la voix de Paul Hewson alias Bono est fragilisée, elle fait toujours l'unanimité. Et parce que la mise en scène qui boucle le concert comme Bono l'avait ouvert 3 ans plus tôt ( Tournée iNNOCENCE + eXPERIENCE) en traversant la foule de la porte à la scène, c'est pertinent et ça ravive la nostalgie.