« Ce qui importe à nos yeux, c’est la trace que l’Histoire et la politique
laissent sur des êtres humains. » – Marcel Ophuls
Du 23 septembre au 13 octobre 2018, le Mémorial de la Shoah célèbre l’importance du travail de Marcel Ophuls en organisant une grande rétrospective de ce réalisateur incontournable, grand acteur du réveil mémoriel des années 1970.
Né à Francfort en 1927, le fils de Max Ophuls quitte avec sa famille l’Allemagne nazie en 1933 pour Paris puis en 1940 Hollywood. Rendu célèbre en 1971 par le scandale suscité par Le chagrin et la pitié (1971), son oeuvre se construit sur plusieurs décennies. Il est le premier à se servir méthodiquement du témoignage pour attester de l’Histoire par l’expérience, la voix et la présence des survivants.
Cinéaste inventif et implacable qui brise les conventions du style documentaire, il obtient l’Oscar du meilleur film documentaire en 1988 avec Hôtel Terminus ; Un hommage à celui pour lequel « L’Histoire ne s’arrête jamais. »
L’Auditorium Edmond J. Safra propose les projections de l’ensemble de ses films en présence du réalisateur : Le Chagrin et la Pitié, Munich 1938 ou la
paix pour 100 ans, L’empreinte de la justice, Le Voyageur, Hôtel Terminus.
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Des rencontres réunissant les historiens et penseurs de notre temps sont également organisées à l’issue des projections, avec notamment Henry Rousso, Julien Blanc, Olivier Wieviorka, Samuel Blumenfeld, Christian Delage, Antoine Garapon, Annette Wieviorka, Costa Gavras, Frederick Wiseman, Vincent Lowy…
MARCEL OPHULS
Par Vincent Lowy, directeur de l’École Normale Supérieure Louis-Lumière
Né en 1927 à Francfort mais de nationalité franco-américaine, Marcel Ophuls est un des rares cinéastes dont l’œuvre a révolutionné le regard collectif sur le XXe siècle : son film Le Chagrin et la pitié a permis une révision complète de notre perception de l’Occupation et plus largement, a ouvert la voie à une vision critique de l’histoire contemporaine, à travers une écriture pluraliste et dialectique. En outre, aucun des grands films sur la Shoah, à commencer par celui de Claude Lanzmann, n’auraient été possibles si Marcel Ophuls n’avait au préalable énoncé les termes d’un usage performatif du cinéma documentaire, en utilisant l’interview comme un opérateur de récit mémoriel pour rendre visible à l’écran la traque des témoins et l’élucidation des responsabilités. Ophuls a renouvelé l’utilisation des archives et des documents d’époque, avec un art du collage qui évoque moins Godard que les Monty Python. Et il a inventé le genre du documentaire d’investigation, en élaborant de toutes pièces un cinéma démystificateur auquel Michael Moore et les médias indépendants d’aujourd’hui doivent tout.