Ce projet a pour nom "Service national universel", et une série de problèmes pratiques (logement, transport...) à résoudre pour voir le jour. Mais peu importe, le service national jadis supprimé sera rétabli, et il sera universel, quand le service militaire touchait au plus haut 67 % d'une classe d'âges et seulement les garçons.
Rappel du contexte
La « conscription » et le service militaire font partie de la mémoire collective, avec désormais une image plutôt positive, celle d’un « soldat-citoyen », et les armées ont, elles aussi, plus globalement un a priori favorable dans l’opinion. Cela tranche largement avec l’image du « bidasse », peu valorisante, qui mettait en avant le peu d’intérêt de ces mois qu’une partie des jeunes hommes de notre pays (65 % environ) passaient « sous les drapeaux ».
Quant à l’idée d’un service civil, assez floue après la suspension du service national en 2001, elle sera concrétisée en 2010 par le Service Civique, dans un contexte déjà marqué par le questionnement de la cohésion nationale, à partir des événements qui ont suivi le décès de Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois. D’autres dispositifs seront créés, impliquant l’Education nationale et la Défense, comme les Cadets de la Défense, les classes Défense et Sécurité, ou encore service militaire adapté ou volontaire. Avec l’EPIDE (initialement « Défense Deuxième Chance »), les armées, composées désormais de professionnels du combat, s’affirment paradoxalement plus encore comme un partenaire de l’action sociale.
Aujourd’hui, le Service Civique est un succès. Dispositif d’engagement volontaire, il répond à ce jour aux aspirations des jeunes (défendre une cause, se rendre utile, s’engager au service des autres tout en se préparant à la vie active), toujours plus nombreux à le réaliser (les objectifs sont fixés 150 000 jeunes par an). L’idée de le rendre universel (90 % des 16-25 ans se disent enthousiastes à l’évocation du service civique et en ont une bonne image) est très souvent évoquée. Il est néanmoins contesté, en raison de pratiques très inégales dans les organismes d’accueil (substitution d’emplois, manque d’encadrement, moyens insuffisants pour réaliser les projets…).
Engagement de campagne du candidat Macron, le projet de Service National Universel dont les contours étaient flous semble devoir se concrétiser rapidement autour d’objectifs de mixité sociale et d’engagement de tous les jeunes français dans des actions d’intérêt général. Ce service national universel, encadré par les armées et la Gendarmerie nationale, s’adressera aux jeunes femmes et hommes aptes de toute une classe d’âge. Au travers d’une expérience directe de la vie militaire, chaque jeune français ira ainsi à la rencontre de ses concitoyens, fera l’expérience de la mixité sociale et de la cohésion républicaine durant un mois. (Emmanuel Macron, 18 mars 2017)
Cette promesse électorale s’explique entre autres par le constat, dans les sondages d’opinion, d’une large majorité en faveur d’un service militaire obligatoire. 85,6 % des sondés par l’IFOP en 2016 pensent ainsi que les valeurs prônées pendant ce service serait bénéfiques aux jeunes. Autant pensent nécessaire pour la société française de disposer d’un outil d’intégration puissant qui pourrait, outre un brassage des différents milieux sociaux, assurer une transmission des valeurs républicaines et renforcer la cohésion nationale. (éléments rapportés par Bénédicte Chéron, historienne et enseignante à l’ICP, dans la note de recherche de l’IRSEM - Ecole Militaire n° 53 d’avril 2018). L’actualité
Depuis les élections présidentielles, plusieurs hypothèses ont été avancées pour la mise en place du Service National Universel. Des objections de tous ordres ont été opposées, notamment économiques, mais rien ne semble aujourd’hui pouvoir s’opposer à la mise en œuvre d’un large dispositif d’engagement obligatoire, pratiquement dessiné dans les conclusions du rapport rendu le 26 avril dernier par le Groupe de Travail SNU désigné par l’exécutif et confié au général Ménaouine. Les premières expérimentations sont annoncées pour 2019.
Juliette Méadel, ancienne ministre, membre du groupe de travail sur le Service National Universel, évoquait ce rapport sur France Inter en présentant le projet comme une véritable révolution et qu’ainsi avec le SNU c’est toute la société, les jeunes bien sûr mais aussi leurs parents, grands-parents, leurs frères et sœurs et qui va se mettre en mouvement : envoyer quelques mois des jeunes au service d'autrui pour une mission d'intérêt général avec à cœur d'être utiles de donner un sens à sa vie à son engagement oui, c'est un projet de société (sic).
La presse s’est fait par ailleurs écho de la volonté du Président de la République de consulter cet automne les jeunes français sur le dispositif, à travers les associations, les syndicats d’étudiants et de lycéens, et peut-être d’autres canaux (consultation massive en ligne ?). Ces consultations ont été lancées par le Premier Ministre Edouard Philippe, en Avignon, il y a quelques jours (https://www.ledauphine.com/vaucluse/2018/09/14/edouard-philippe-a-avignon-son-discours-les-reactions-des-jeunes).
Ce que nous savons du dispositif envisagé
Le but du Service National Universel :
Permettre à la jeunesse d’acquérir les éléments essentiels pour un civisme actif au sein d’une société qui perçoit les menaces et les dangers pesant sur elle, et lui proposer des possibilités d’engagements lui permettant de déployer des talents à des fins d’altruisme et de solidarité. (GT SNU)
En pratique, le SNU doit :
-Etre l’occasion pour une classe d’âge entière de rencontrer et de partager la vie de personnes du même âge que des trajectoires sociales individuelles ne permettraient sans doute pas de se côtoyer ; -Permettre de confier à chaque jeune une responsabilité et de le reconnaître capable de l’exercer alors même que l’échec scolaire ou sociale a déjà pu frapper ; -Assurer l’adhésion à un projet collectif et favoriser le lien social ; -Préciser des choix d’orientation par la découverte de milieux professionnels.
Les objectifs annoncés du projet :
1.Permettre la cohésion sociale et nationale (mélange des sexes, des origines sociales et géographiques, des cultures, des mœurs) en faisant se rencontrer une génération à l ‘âge où elle acquiert les principaux repères qui vont structurer sa vie sociale ; 2.Prendre conscience des enjeux de la défense et de la sécurité nationale et déterminer le rôle que chacun peut y jouer ; 3.Affirmer les valeurs de solidarité pour provoquer une implication personnelle au service d’autrui et de la communauté nationale ; 4.Donner à chacun une fierté, le sentiment d’une utilité propre dans un rôle à jouer pour construire l’avenir.
On observera que ces objectifs sont présentés comme complémentaires au « parcours citoyen » qu’est devenu l’éducation civique scolaire, et qu’il est difficile de ne pas y discerner une forme de constat d’échec de l’Education nationale dans sa capacité à développer une forme de culture républicaine, tant sur le plan des valeurs de référence que sur le brassage des populations.
Le déroulement : Le SNU se présente comme la fin du « parcours citoyen » proposé à l’école et au collège (programme d’EMC – enseignement moral et civique) dont le but est, rappelons-le, d’associer dans un même mouvement la formation du futur citoyen et la formation de sa raison critique, l’élève acquérant ainsi une conscience morale lui permettant de comprendre, de respecter et de partager les valeurs humanistes de solidarité, de respect et de responsabilité (source Eduscol).
Le SNU se déroulerait en 2 phases majeures : 1.Temps de cohésion et de projet collectif (obligatoire) 2.L’engagement volontaire
Le temps de cohésion et d’engagement est conçu comme un stage résidentiel d’au moins 12 jours sans retour au domicile, suivi immédiatement ou brièvement différé d’un temps d’action collective. Cette étape se déroulerait dans l’année suivant la 3ème, sur les congés scolaires (sauf vacances de Noël et mois d’août). Son contenu ressemble à une journée défense et citoyenneté étendue (bilan de santé, bilan de compétences simplifié, présentation des forces armées, cybersécurité…) émaillée de moments de cohésion (activités de groupe, sportives ou non). A l’issue les jeunes participeraient à une période de préparation à l’engagement (soit de type préparation militaire, soit à travers la réalisation d’un projet collectif par exemple dans le cadre scolaire ou des collectivités territoriales).
5 modules sont envisagés : -Développement personnel (de la détection de l’illettrisme à des entretiens d’orientation professionnelle en passant par la mise à niveau informatique) -Résilience (secourisme, mises en situation de groupe, effort physique…) -Droits et devoirs dans la République (présentation du monde de la justice, sécurité routière…) -Esprit de défense (risques et menaces, rencontre avec des unités militaires, opex) -Préparer l’engagement (présentation de la phase 2 et thématiques d’engagement)
La participation à cette première phase serait sanctionnée par un titre, remis lors d’une cérémonie solennelle, qui pourrait être ultérieurement exigé pour passer le code ou accéder à certains examens.
Le temps d’engagement volontaire, ouvert de 18 à 25 ans, pourrait prendre 2 formes, l’une militaire (ou dans la sécurité publique), l’autre civile (inspirée du service civique actuel) sur des thématiques identifiées (aide à la personne, environnement, culture et mémoire, éducation). Des associations agrées seraient mises en réseau pour accueillir les appelés.
Durant l’ensemble des phases du SNU, le jeune appelé aurait qualité de « collaborateur occasionnel du service public », avec des conséquences précises en terme d’application du principe de laïcité (neutralité).
L’encadrement : Le projet qui se dégage devra assurer l’accueil de 800 000 à 900 000 jeunes appelés, durant des périodes étalées sur une année scolaire, et notamment une quinzaine de jours en résidentiel. A terme, la volonté est de voir l’encadrement des jeunes assuré par des personnes issues elles-mêmes du dispositif (une forme de « réservistes du service national ») ; d’ici-là, la question reste entière (militaires, pompiers, secouristes, réservistes… ?). Dans tous les cas, les armées assureraient la formation de ces cadres, au titre de son expérience et de ses méthodes reconnues de conduite de groupe, d’exercice de l’autorité, de gestion des conflits et des situations à risque. Cette formation conduirait à la délivrance d’un brevet de qualification reconnu par ailleurs.
Le déploiement envisagé Un premier appel de jeunes pourrait avoir lieu dès 2019. Le GT SNU envisage toutefois un développement de 7 ans pour permettre la mise en œuvre totale du programme.
photo : The Mud Day, ASO