Oppressé ?
C’est que l’on ne nous laisse pas beaucoup d’espace. Les carcasses de nos vies séquestrées s’entassent en quotidiens moroses sur le béton crasseux des progrès techniques de notre modernité.
Vaut-il mieux être exclu de cette sphère marchande par les rouages sélectifs de notre politique experte ; ou faut-il plutôt s’insérer, se soumettre et consentir aux ordres imbéciles de notre hiérarchie sociale, afin de participer pleinement au consommationnisme-productivisme de notre usine-monde ? Le pire, c’est que ces deux options ne sont pas vraiment exclusives l’une de l’autre : il est fort possible que les impératifs économiques achèvent notre précarisation par une exclusion radical, jusqu'à la condamnation de l’errance plus ou moins affamées dans les sillions de nos villes affairées à faire tourner cette mécanique macabre de l’essorage du genre humain, mais aussi de la nature dans son ensemble… il est fort possible de se faire expulser de ce milieu où manger et dormir sont des préoccupations secondaires, alors même que nous avons sacrifier notre vie à la misère d’un travail d’arrache-pied, à la bassesse d’une révérence inconditionnelle envers ceux qui exploitent les richesses de pacotilles de notre labeur asphyxiant.
Si l’option n’est pas vraiment entre désir d’insertion et résignation à l’exclusion, du moins s’il n’est pas en notre pouvoir, quand bien même notre docilité serait exemplaire, d’être assurer de la protection de notre société - protection habituellement accordée lorsque l’on respecte ses décrets – n’est il pas plus sage, avant que ce monde malthusien de nous rejette, de le rejeter d’ors et déjà, de l’exclure comme terrain de nos ambition, si ce n’est en tant que champ de bataille ?
Pour dire juste : n’est il pas morbide que prétendre réussir à notre compétition assassine ? N’est il pas inique de se faire acteur probant de notre grand spectacle tragique ? Est-ce simplement parce-que l’on sait, maintenant, que notre criminalité structurelle peut s’abattre presque sur tous, qu’il faudrait renoncer à mouliner son grain ? N’est-ce pas plutôt, simplement, parce qu’elle est criminelle, ne serai- ce que pour quelques uns ? Et quand bien même ne condamnerait-elle pas à crever de faim, jusqu’à dans nos villes vitrinés de luxe en tout genre, quand bien même notre logique marchande ne sacrifierait pas sur l’hôtel de ses dogmes mercantiles des millions de vies non-rentables - ou du moins plus rentables en tant que morts - quand bien même notre productivisme ne condamnait pas notre environnement à pourrir sous la grisaille de notre atmosphère viciée, ne faudrait il pas rejeter de toute notre force ces logiques marchande et productiviste, qui, même lorsque ne nous massacre pas physiquement, nous épuise et nous hypnotise, nous accapare et nous téléguide ?