« Ainsi mourrions-nous, jamais plus séparés, un pour l’éternité, sans fin, sans réveil, sans angoisse, êtres sans nom pris dans une étreinte d’amour, l’un à l’autre pur abandon, pour ne plus vivre qu’à l’amour ! »
Voici le souhait de deux amants qui s’aiment d’un amour absolu: mourir ensemble.
Qu’il est rare et doux à l’ère de l’amour géolocalisé, algorithmé, consommé et rejeté, de pouvoir rêver au romantisme. C’est ce que nous propose l’Opéra Bastille avec la reprise de Tristan et Isolde de Wagner, mis en scène par Peter Sellars et accompagné des création vidéo de Bill Viola.
Cet opéra, considéré comme une des pièces les plus importantes du théâtre lyrique occidental, met en scène et en musique l’amour passionné mais interdit de Tristan et Isolde, deux êtres à l’honneur brisé, happés par l’amour et la mort. Lorsque Wagner a écrit cet opéra, il avait lui-même une passion adultère avec la poétesse et femme de son mécène, Mathilde Wesendonck, qui l’aurait aidé dans l’écriture du livret. Il applique ici ce qu’il a théorisé dans La Musique de l’avenir (1860): un opéra total qui met la musique au coeur du théâtre, non plus subordonnée à l’intrigue et à la poésie, mais vectrice elle-même d’émotions et de dramaturgie. L’une des idées fondamentales - et nouvelles à l’époque - de Wagner est celle que « l’orchestre possède indéniablement une faculté de langage (propre à) l’affirmation de l’inexprimable ».
Il en résulte une pièce en trois actes à l’intrigue d’une géniale simplicité: Tristan a tué le fiancé d’Isolde et l’a enlevée pour l’offrir comme fiancée à son ami le roi Marke de Cornouailles. Isolde, tiraillée entre son désir de vengeance et son amour naissant malgré elle pour Tristan, lui fait boire un poison, qu’elle boit à son tour, dans le but de le tuer et de le suivre dans la mort. Mais la suivante d’Isolde a subtilisé au poison un filtre d’amour. Un amour absolu est alors révélé aux deux amants hébétés. Ils débarquent tous deux en Cornouailles où le roi Marke les attend pour épouser Isolde. Ils poursuivent en cachette leur relation, insouciant du danger d’être découverts, et préférant l’idée de mourir ensemble que de vivre séparés.
Peu de personnages sur scène, une action très simple qui nécessite peu de décors, aucun passage du texte déclamé … dans cet opéra la musique prend le pouvoir et déferle sur la scène et sur les spectateur en une vague d’extase.
© Vincent Pontet
Pour dialoguer avec cette musique, Peter Sellars a fait le choix d’une mise en scène minimaliste - voire inexistante? - laissant complètement la place à l’oeuvre visuelle, monumentale, de Bill Viola. Bien plus d’une illustration du récit de « Tristan Et Isolde », ou qu’un accompagnement de la musique façon clip, ces créations audiovisuelles permettent à l’amour si intense et si profond de Tristan et Isolde de transcender l’enveloppe corporelle des chanteurs. De l’eau purificatrice qui prépare au sacrifice et permet le passage vers la mort, jusqu’aux flammes dévorantes de la passion qui anéantissent l’individu, Bill Viola symbolise à l’écran les grands thèmes de cet opéra romantique.
© Vincent Pontet
Il ne faut surtout pas reculer devant ces quatre heures d’opéra en allemand, mais au contraire s’offrir le luxe de « cette oeuvre sublime et morbide, incandescente et magique, initiée aux mystères les plus maléfiques et les plus nobles du romantisme » (Thomas Mann, Souffrance et Grandeur de Richard Wagner, 1933).
Tristan et Isolde se joue à l’opéra Bastille jusqu’au 9 octobre. Il reste des places à partir de 70 euros. La représentation dure en tout 5h20 avec deux entractes de 45 et 30 minutes. N’oubliez pas votre pique nique pour ceux qui auront mis toutes leurs économies dans le prix des places (il est également possible de sortir et rentrer de l’opéra pendant les entractes).
TRISTAN ET ISOLDE
Opéra de Richard Wagner
Opéra Bastille - du 11 septembre au 09 octobre 2018
5h20 avec 2 entractes
Langue : Allemand
Surtitrage : Français / Anglais