Vous trouverez, ci-dessous, la traduction en français de son intervention portant sur le Brexit, les relations entre la Bretagne et le pays de Galles ou encore la place du pays de Galles en Europe devant les 270 personnes présentes.
Discours de M Carwyn Jones Premier ministre du pays de Galles
Carwyn Jones, Premier ministre du pays de Galles
Pnawn da a diolch am y gwahoddiad i siarad yn eich cynhadledd.
Bonjour et grand merci de m'avoir invité à intervenir cet après-midi,
Je suis très heureux d'avoir été invité à m'exprimer à cette rencontre Bretagne-pays de Galles organisée par le Festival Interceltique et d'avoir pu inaugurer notre superbe programme musical et culturel de cette Année dédiée au pays de Galles. J'espère que vous avez pu apprécier certains de nos artistes durant ce premier week-end.
Très heureux aussi qu'un Gallois ait gagné cette année le Tour de France et nombre d'entre vous ont pu voir ces images extraordinaires à Paris d'un Geraint Thomas levant haut le drapeau gallois.
Les tables rondes porteront sur nos liens culturels et linguistiques, je vais donc plutôt intervenir sur nos relations avec la Bretagne et sur le Brexit qui est pour nous une préoccupation majeure actuellement.
Tout d'abord, quelque chose qui peut paraître évident mais qu'il est bon de répéter, c'est que nous sommes tout à fait décidés à maintenir et à renforcer nos relations avec nos partenaires et amis européens ; et notre relation avec la Bretagne est sans aucun doute l'une de nos relations les plus fortes.
Nos liens culturels et historiques fondés sur nos racines celtiques communes remontent à des siècles sinon à des millénaires, sans parler des Sioni Wynwns ( les Johniged) qui restent dans ma mémoire : des légendes communes de cités englouties, les liens entre Cardiff et Auray et d'autres ports bretons avec le commerce du charbon pour fabriquer de l'acier comme à Trignac et d'autres fourneaux à travers la Bretagne. Des exilés gallois comme l'oncle d'Heny Tudor trouvèrent refuse en Bretagne le révérend gallois Price édita la première bible en breton.
La liste est longue comme avec notre équipe nationale de football basée en Bretagne durant le dernier Euro ou tout simplement les artistes, les étudiants, les chercheurs, les touristes, les entrepreneurs qui voyagent entre nos deux nations et développent leurs propres histoires et leurs propres réseaux.
Notre culture et notre langue font partie d'un héritage celtique beaucoup plus large et que nous partageons avec toutes les nations celtiques, un véritable lien évident, réel et spécial, que l'on peut constater ici au Festival de Lorient.
Cependant notre première relation officielle avec la Bretagne ne remonte qu'à 2004 lorsque mon prédécesseur, le regretté Rhodri Morgan signa la première convention de partenariat avec l'ancien président du Conseil régional, Josselin de Rohan.
L'actuel ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, M. Le Dorian, et moi-même avons confirmé cette relation en 2011 et cette année en janvier dernier, je suis venu à Rennes signer le renouvellement de ce partenariat avec le Président Chesnais-Girard.
Notre relation est construite sur de solides fondations et je suis persuadé qu'elle ne peut que se développer à l'avenir. Nous ferons tout notre possible pour que le Brexit ne compromette pas notre coopération.
En novembre 2017, nous avons accueilli à Cardiff un colloque sur le thème de « la coopération européenne au-delà du Brexit » durant lequel des représentants de gouvernements régionaux européens, dont Jean-Michel Le Boulanger pour le Conseil régional de Bretagne, signèrent la déclaration de Cardiff, un engagement important pour travailler ensemble à relever les défis résultant du Brexit.
Au cœur des négociations avec le Royaume-Uni, la question d'une relation positive avec l'Europe est de première importance pour le gouvernement gallois. Nous voulons nous assurer que le pays de Galles reste partie prenante de la scène européenne post-Brexit.
Une des conclusions de la rencontre de Cardiff était que les défis posés par le Brexit se posait non seulement au pays de Galles et autres régions du Royaume-Uni mais aussi à l'ensemble de l'Europe de différentes manières et à des degrés différents.
Le Conseil régional de Bretagne et le CESER, le Conseil économique, environnemental et social de Bretagne) furent, par exemple, parmi les premiers à produire une excellente analyse sur les conséquences du Brexit et leur travail correspond en grande partie à notre propre évaluation du problème.
Je souhaite aussi vous rappeler que le gouvernement gallois a fait campagne pour le maintien dans l'Union européenne. Bien que nous regrettions le résultat du référendum, nous devons le respecter, et maintenant nous devons faire au mieux pour sauvegarder les intérêts du pays de Galles.
Un Brexit sans accord avec l'Union européenne serait une catastrophe et nous tentons à chaque occasion de défendre l'idée d'un Brexit rationnel et réaliste.
Par rapport à ce que nous voulons à l'avenir, nous sommes tout à fait clairs : l'accès au Marché unique est fondamental. Plus de 60 % des exportations galloises se fait à destination des autres pays européens, une proportion plus élevée que dans le reste du Royaume-Uni, et parmi les emplois gallois les plus productifs et les mieux payés dépendent de ce commerce.
Le rapport du CESER sur le Brexit cite par exemple les 50 entreprises en Bretagne qui dépendent de centres de décisions basés au Royaume-Uni et qui représentent un total de 3700 emplois ici en Bretagne.
Nous voulons aussi que le Royaume-Uni maintienne le principe de la liberté de mouvement des travailleurs et des étudiants tout en combattant l'exploitation des travailleurs exposés.
Le pays de Galles reconnaît la contribution des travailleurs européens et des migrants à la construction de la société galloise actuelle et nous refusons les messages négatifs tournant autour de l'immigration, discours qui est devenu malheureusement dominant dans le débat politique.
La Bretagne et le pays de Galles réaffirment fortement et à bon droit leur identité et en même temps nous partageons les mêmes valeurs d'ouverture au monde et aux autres. Nos identités ne sont pas exclusives et ne sont pas basées sur la peur de l'autre et de l'inconnu, peur qui se révèle être extrêmement dommageable.
Clairement, je le répète, quitter l'Union européenne, ce n'est pas quitter l'Europe. Nous vivons dans un monde de plus en plus interconnecté et nous ne pouvons pas tourner le dos à nos partenaires internationaux. Il est vital pour nous que nous préservions ces relations au bénéfice de notre économie, notre environnement, notre culture, autant que pour des raisons diplomatiques et politiques.
Nous pensons fermement que l'Union européenne, avec le Royaume-Uni comme membre, a joué une rôle vital pour renforcer la démocratie et la paix sur notre continent, et, plus récemment, conforter notre sécurité contre les menaces insidieuses du terrorisme et du crime organisé.
De mon point de vue, une des conséquences inattendues de la décision du Royaume de quitter l'Union européenne est d'avoir renforcé le sentiment européen dans d'autres nations européennes et je m'en réjouis.
Le gouvernement gallois croit aussi que les droits sociaux et environnementaux que nous avons obtenu en tant que membres de l'Union européenne doivent être conservés, droits qui ont fait de notre société commune, une société plus civilisée et plus progressiste que dans bien d'autres pays du monde développé.
Nous nous opposerons vigoureusement à toute tentative d'éloigner le Royaume-Uni du modèle social européenne, tentative qui résulterait dans l'affaiblissement des standards sociaux et environnementaux ; nous souhaiterions en fait que le Royaume-Uni préserve ces acquis et que nous puissions nous développer grâce à nos compétences et non à cause d'une régression sociale ou environnementale.
Selon les capacités que nous donne la dévolution et malgré le Brexit, nous voulons continuer à suivre et à mettre en place au pays de Galles les politiques européennes positives au fur et à mesure de leur adoption.
Nous avons aussi appelé le Royaume-Uni à continuer à participer à toute une série de programmes européens après le Brexit, comme Erasmus, Interreg ou Creative Europe, sachant que cela nécessitera bien évidemment une contribution financière proportionnelle de notre part.
Il y a une dynamique de coopération entre la Bretagne et ses partenaires d'outre-Manche à travers des programmes comme sur l'énergie marine, la culture, la dimension linguistique, la recherche et l'innovation. Il est hors de question que cette coopération soit remise en cause.
Par exemple, depuis deux décennies, nous avons travaillé avec la Bretagne sur une problématique linguistique spécifique : comment promouvoir deux des plus anciennes langues européennes, le gallois et le breton, dans un environnement dominé par deux langues mondiales, l'anglais et le français. Ou encore la problématique du développement durable face au changement climatique.
Nous avons aussi une longue histoire de coopération avec la République d'Irlande, notre voisin maritime et nous nous sentons tout à fait concernés par les implications irlandaises du Brexit.
Le gouvernement gallois a toujours souligné l'importance de ne pas en revenir à une frontière « dure » entre la république et l'Irlande du nord. Nous pensons que la solution la plus rationnelle et de loin la meilleure est que l'ensemble du Royaume-Uni reste totalement aligné sur les règles du Marché unique et de l'Union douanière européenne. Ce qui protégerait aussi les intérêts des ports gallois et leurs relations avec l'Irlande, un point important pour le gouvernement gallois.
L'histoire de la dévolution au pays de Galles est liée fortement à l'Union européenne.Durant la campagne pour la dévolution à la fin des années 1990, un des rares slogans partagés par les partis politiques, les syndicats, les unions patronales et une partie importante de la société, c'était la nécessité de donner au pays de Galles toute sa place en Europe.
Et depuis 20 ans, je crois que nos institutions et l'Union européenne ont efficacement répondu à cette attente. Nous avons rapidement mis en place une représentation à Bruxelles, un étage en dessous dans le même bâtiment que nos amis bretons, et une des premières réalisations fut la mise en place du programme le plus important de financement régional structurel du Royaume-Uni.
Le Brexit ne doit pas être un obstacle aux relations entre le pays de Galles et la Bretagne, relations qui se renforcent, relations que l'on doit favoriser. Des relations symbolisées par notre hymne commun, écrit par un barde gallois, Evan James, et repris par Taldir sous le nom de « Bro Gozh ma Zadoù ». Nos pays sont les pays de nos ancêtres comme notre hymne le dit, et malgré tous les obstacles, côte à côte, nous serons capables de sauvegarder nos langues et nos cultures.
Diolch. Trugarez. Merci.