Dans les années 70, la Grande-Bretagne est confrontée à une crise économique et sociale sans précédent dans ses villes et villages. La disparition des industries traditionnelles, entre autres facteurs, entraîne une hausse de la pauvreté, des logements insalubres et du chômage, mais la réponse du gouvernement, sous la houlette de Margaret Thatcher, ne fait qu’aggraver les problèmes, avec ses politiques régressives d’aide sociale et sa stratégie économique du laisser-faire. C’est dans ce contexte qu’une nouvelle génération de photographes engagés émerge. Essentiellement formés à l’université, ils rejettent les voies traditionnelles de carrière en photographie, afin de documenter les problèmes qu’ils rencontrent dans leurs communautés et de confronter les autorités avec leurs images sans concession. Tish Murtha était à l’avant-garde de ce «mouvement». Issue d’une famille de dix enfants d’un quartier défavorisé de la classe ouvrière de Newcastle, elle était, plus que beaucoup d’autres photographes, complètement à l’aise dans l’environnement où elle avait choisi de travailler. Ses années passées à étudier avec le reporter Magnum David Hurn, à la nouvelle School of Documentary Photography de Newport, lui ont donné la formation et l’expérience nécessaires pour documenter l’inégalité et l’injustice dont elle était elle-même victime dans sa ville natale. Publié par les éditions britanniques Bluecoat Press, Youth Unemployment est un ouvrage essentiel de l’histoire du documentaire britannique. Le livre de 168 pages est une plongée au cœur de la crise britannique. Il montre une jeunesse victime du désespoir du chômage, livrée à elle-même dans une zone tout aussi laissée à l’abandon, et dont les programmes gouvernementaux de création d’emplois mal conçus n’ont guère contribué à améliorer les choses. Les portraits de Murtha sont percutants mais ne manquent pas d’humour. Sa proximité avec ceux qu’elle a photographiés – dont beaucoup étaient des membres de sa famille, des amis ou encore des voisins – est perceptible dans cette remarquable série d’images noir et blanc. La décadence et les conditions de misère sont palpables dans ses clichés de la photographe, qui loin de dresser un portrait voyeur et dramatisant, pose un regard doux et franc sur ces rues délabrées. L’ouvrage est maintenant disponible sur la boutique en ligne des éditions Bluecoat Press.