Molloy de Samuel Beckett

Par Etcetera

Voici un livre pour le moins étonnant, qui constitue une lecture commune avec Goran, du blog Des livres et des films et je vous invite à prendre connaissance de sa critique ici-même !

Précisons tout de suite que ce roman se compose de deux parties à peu près égales : dans la première nous suivons les pérégrinations de Molloy, un vieillard hideux et asocial, qui souffre de diverses difformités physiques et qui se déplace à travers villes, campagnes, bords de mer, et finalement forêts d’abord à bicyclette, puis à pied, et finalement en rampant sur le sol. Que cherche Molloy ? A retrouver sa mère, avec laquelle il entretient des relations fortement conflictuelles, mais avec qui il pense avoir une affaire à régler, et bien qu’il ne dise jamais quelle est cette affaire. Il croise au cours de son voyage quelques individus isolés mais aucun lien positif durable ne se noue avec eux, il reste un étranger solitaire.
Dans la deuxième partie du roman, nous suivons les faits et gestes de Moran, une sorte d’agent secret ou de détective, qui est chargé par un « messager » de retrouver la trace de Molloy dans le pays de Ballyba et tandis que lui vit dans la ville de Shit. Moran parait beaucoup mieux intégré dans la société que Molloy : il a une propriété terrienne, avec des poules et des ruches, il dispose d’une vieille domestique, il a un métier, il entretient des relations privilégiées avec le Père Ambroise, le curé de la ville, il règne avec autorité et même un peu de sadisme sur son fils unique, un garçon de treize ans assez récalcitrant. C’est précisément avec son fils qu’il est chargé de partir pour retrouver Molloy. Les préparatifs du départ durent assez longtemps, Moran ne cesse de repousser l’heure du départ, il se demande ce qu’il devra faire de Molloy quand il l’aura retrouvé.
Les deux héros du roman vivent dans une grande ignorance : Molloy ne sait pas son propre nom ni celui de la ville où habite sa mère, Moran se pose des tas de questions métaphysiques, surtout au terme de son voyage, des questions d’ordre biblique en particulier.
En lisant ce texte, on cherche des sens cachés, des symboles, aussi bien sur la psychanalyse et sur la filiation, mais aussi sur la religion ; on peut voir ces deux voyages de Molloy et Moran comme des processus de destruction, les deux personnages ne cessant de se dégrader physiquement et moralement.
Il m’a semblé que le thème du Mal était aussi très présent, car le mouvement de reptation de Molloy fait évidemment penser au serpent de la Genèse, et Moran lui-même se demande à la fin du livre  » le serpent rampait-il ou, comme l’affirme Comestor, marchait-il debout ? » ou encore  » serait-il exact que les diables ne souffrent point des tourments infernaux ? »

Ce roman très passionnant, mais dont la lecture est un peu difficile par moments, a été publié pour la première fois en 1951 aux éditions de Minuit, et l’exemplaire que je me suis procuré est paru chez Minuit Double.