L'aube féconde entra en moi. M'envahit.
Rugueuse et belle. Froid et douce
Elle me submergea de sa lumière
Moi l'enfant humble et fragile
Je péris presque de ses vagues funestes
Alors endoloris par ses jasmins d'avenir
Je fus un instant ce que le monde a été
Déporté dans des lieux aux nuits immondes
Moi frêle instant de vie ballotté par la nuit
En haillon grelottant aux vents des rêves gris
Je sentis l'aube hardie me laver
Par ses lumières tenues et tièdes
Moi, souvenir errant dans mes obscurités hurlantes,
Moi l'homme en haillon, n'ayant que la vie sur les os
J'entendis l'aube se lever au lointain
Enhardis par la lumière naissante
J'osais regarder la nuit bêlante aux monstres passés
Moi l'enfant nu et maigre je naissais de la nuit dévorante
La lune reine du noir blessant
S'effaçait, s'affaissait, vieille et rabougrie
La lune aux souvenirs glaiseux
Fuyait devant mes yeux
Sur l’eau noire qui me portait
En tumultes féconds je faisais silence
Moi, mots indistincts, images flétries missionnaires de mes démons
La lumière naissante caressait mes émois indolents
Ma peau pourpre et violente se laissant couvrir de ses ondes
Mon corps en famine se rassasiait
De ses grains de lumière glanés aux cieux si souvent haïs
Les phares au loin s'éteignaient
Leur lumière ne saignaient plus de ses terres lointaines
Et je fus un instant ce que l'homme ne fut pas
Je rejoignais les passés en dévorant l'avenir qui venait au devant
Esquisse frêle aux bois nacrés
Aux voiles songeuses je tutoyais la nuit
J' arrachais ses ténèbres, perpétuel fléau, et ses lambeaux d'obscurité
Maintenant pourrissaient dans les nasses des souvenirs terreux
Moi le lointain, celui qui ne devait pas venir, je portais la lumière à l'horizon
Vous mes âmes oubliées dont, obstiné, je portais le deuil
Vous voilà ce matin libérées de vos supplices
Et buvant la nuit jusqu'à la lie, je savourais vos devenir sereins
La lumière étouffa la nuit
L'aube féconde entra en moi. M'envahit.