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The Magnetic Fields - Live à KarlstorBahnhof, Heidelberg le 03/07/2008

Publié le 08 juillet 2008 par Oreilles

Même en découvrant la salle dans une vieille gare où il n'y a que des places asssises, et le programme horaire qui annonce un entracte, ceux pour qui c'était le premier concert de The Magnetic Fields ne pouvaient s'attendre à un concert si singulier. Tout le monde est assis, et le groupe aussi. "Il y a encore des sièges devant; on vous prévient, il n'y a vraiment aucune raison de rester debout" annonce la pianiste sans avoir l'air de plaisanter. Et tout le concert sera ponctué de ce genre de réplique, lancées avec un humour toujours pince-sans-rire. Ainsi ce que nous aurions détesté chez un autre groupe devient ce que nous adorons chez The Magnetic Fields : le bavardage et l'immobilité. Après tout, ils ne sont pas là pour donner dans la frime rock, et encore moins forcer l'humilité folk. Puisqu'ils sont sur scène, autant qu'il y ait jeu de scène, et jeu de soi. Le spectacle ce soir est entre le concert pop, la pièce baroque et le théâtre absurde. Néanmoins, même si l'immobilité du groupe relève du parti pris de mise en scène, les musiciens restent aussi figés sur leur siège simplement parce qu'ils n'ont pas envie de bouger, ni de sourire. La théâtralité du concert s'inscrit donc non pas dans l'artifice et dans l'hypocrisie, mais dans le jeu des visages et des parfois instruments. De gauche à droite, les visages accentuent respectivement la souffrance, l'intensité, l'inexpressivité, la nonchalance, et le désarroi. Stephin Merrit, tout à droite, surjoue dans la voix grave, le froncement de sourcil et la moue boudeuse. Bertolt Brecht aurait adoré. The Magnetic Fields impose sur scène une interprétation au énième degré, si bien qu'on ne sait jamais auquel on se situe. C'est une distanciation intelligemment créée : on assiste au concert de musiciens qui interprètent avec humour des musiciens tristes qui interprètent des chansons tristes écrites avec humour.
Malgré la distance mise en place, un concert de The Magnetic Fields est aussi un bel hommage rendu à ses auditeurs. La playlist comporte des extraits de tous les albums du groupe, et même des extraits des projets parallèles de Stephin Merrit (notamment The Gothic Archies). Et l'ironie que l'on apprécie tant dans ces chansons est ici restituée dans les traits forcés (quoique) des interprètes. Ainsi "Smoke and mirrors", extrait de Get Lost (1994), dont l'ironie se situait dans l'habillage electro pop sexy, est ici réarrangé en version pop baroque; mais l'effet s'est déplacé sur les visages des musiciens. Et, chose inattendue, la totalité des titres extraits de Distortion sont réinterprétés tout en cordes. Encore une belle révérence aux auditeurs déroutés par le son noisy pop de ce dernier album, qui retrouvent sur scène tout le style de The Magnetic Fields. L'effort est inpressionnant : il s'agit de passer du son de The Jesus and Mary Chain à celui de The Divine Comedy qui se serait débarassé des rythmiques (aucune basse ni batterie). Ce qu'est devenu le "groovy" "Three Way" en est le meilleur exemple.
Les musiciens possèdent les partitions des morceaux, ce qui dénote d'un grand souci de précision. Et oui, ils forment un parfait quintet à cordes (voix toujours très bien placées, piano, guitare, viloncelle et banjo) dont le jeu délicat révèle au spectateur un émotion cachée mais bien réelle. Car derrière l'ironie, les voix sombres et et les beaux pincés de cordes ne trompent pas, et touchent sans détour.__Le site officiel de Stephin Merrit et de ses projets.Le Myspace de The Magnetic Fields._Une vidéo postée sur la page You Tube de Merrit : "All the umbrellas in London". C'est du live, mais il est toujours question de distanciation...


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