Avant de devenir la chanteuse que l'on connaît, celle au timbre devenu rauque et abîmé par la clope, Marianne Faithfull, jeune ingénue du " Swingin' London ", livra cinq jolis disques de Folk avant de marquer une pause de près de dix ans.
Cette fille d'aristocrate, encanaillée aux côtés des Stones, devenue égérie rock comme le furent d'autres icônes féminines (Patti Smith, Nico, Anita Pallenberg, Jane Birkin...), possédait à ses débuts un timbre de voix soprano absolument délicieux. Dans le même registre que Carole King et Joan Baez.
" North Country Maid " est le quatrième disque d'une carrière qui en compte plus d'une vingtaine. Un recueil de reprises, exercice de style très en vogue à l'époque. Aussi bien des standards traditionnels tels que celui du XVIIème siècle, Scarborough Fair (également revisité par Simon & Garfunkel) que des reprises d'artistes contemporains ( Sunny Goodge Street de Donovan). Côté arrangements Marianne Faithfull s'entoure notamment de Mick Taylor, pas encore adopté par les Stones.
Green Are Your Eyes en ouverture. On comprend instantanément que l'on a affaire à une œuvre immense et délicate. Une guitare qui brode un arrangement au carillon fragile. Lui succède ce chant au grain renversant. Lequel s'immisce au plus profond de nous.
" North Country Maid " est un superbe album de Folk aux couleurs automnales. La voix de Marianne Faithfull est ici pleinement mise en avant, cerclée d'arrangements couchés dans leur plus simple appareil. La guitare acoustique domine, épaulée ici et là par de rares notes d'harmonica, lignes de sitar, violons qui grincent, percussions timides, contrebasse chancelante...
Ce qui frappe à la redécouvert de ce disque réside dans la beauté de cette voix comme on en entend plus actuellement. Un genre disparu (?) ou snobé par les labels et médias (?)... Une tessiture d'une pureté enjôleuse. Qui embrasse parfaitement bien le genre Folk mais aussi les compositions aux influences Country comme The Last Thing On My Mind qui n'est pas sans évoquer le " Ring Of Fire " de Johnny Cash. Une teinte Country également perceptible sur Cockleshells où la guitare folk de Mick Taylor s'assure une présence discrète mais lumineuse.
Ce disque ne contient que des chansons exceptionnelles à l'image de Scarborough Fair dont le jeu en arpèges et les variations mélodiques ne sont pas sans rappeler " The House of the Rising Sun " de The Animals. Marianne Faithfull y couche une voix divine. Charnelle. Impérieuse. Délicate. Ce tout à la fois.
Sally Free And Easy hypnotise fiévreusement avec son folk jazz tribal. Du Velvet Undergound avant l'heure ! La reprise western folk de Sunny Goodge Street est une merveille où un harmonica " desperado " prête son flanc à un chant au velours ensorcelant.
North Country Maid et Lullaby rappellent avec nostalgie à quel point la voix de la jeune Marianne Faithfull conférait au sublime... On l'imagine là, se tenant près de nous, déclamant religieusement son verbe poétique, faisant frissonner nos entrailles.
Ce disque intimiste revêt aussi des allures de chansons de geste à l'image de ce How Should I Your True Love Know pétri de ferveur et dévotion. Une ferveur qui ne se tarit pas sur la procession onirique de She Moved Thru' The Fair dont le sitar est pour une fois introduit avec intelligence. Un arrangement rythmique novateur pour l'époque avant qu'il ne soit exploité parfois de façon boulimique par de nombreux artistes... Wild Mountain Thyme clôt le disque avec superbe. Une marche martiale aux teintes " Irish Folk ". Des vibrations ésotériques. Des dissonances celtiques. Le Folk est bien une musique du monde puisant sa sève dans les entrailles de la terre et le sel de la vie.
" North Country Maid " est un chef d'œuvre méconnu du genre Folk. Le quatrième chapitre d'une chanteuse exceptionnelle avant que les 70's ne la crament et n'abîment cette voix d'ange. Un statut d'album culte, souvent oublié ou sous-estimé par la critique. Mais un disque qui n'a rien à envier à des monuments du genre comme " Five Leaves Left " de Nick Drake ou " Sound of Silence " de Simon & Garfunkel.