d'Annie ErnauxAutobiographie - 100 pagesEditions Livre de poche - mars 1986Prix Renaudot - 1984 Annie Ernaux veut écrire sur son enfance à Lillebonne, sur ses parents qui se sont fait leur place dans un petit monde rural, sur son regard sur eux, sur leurs attentes sur elle, sur les années qui ont creusé une certaine distance sociale. Avec en fil conducteur la vie de son père, Annie Ernaux aborde des sentiments et des situations sociales qu'il est délicat de décrire. D'une famille modeste de Lillebonne (76) Annie a été un élément ayant emprunté l'ascenseur social comme on l'évoquerait prosaïquement. C'est simple à dire, simple à comprendre. Elle est devenue professeure de Lettres en région parisienne. Changement de région, province quittée pour la capitale. Changement de réseau social, milieu ouvrier et commerçant normand pour une sphère plus cultivée. Extrait :"Il s'énervait de me voir à longueur de journée dans les livres, mettant sur leur compte mon visage fermé et ma mauvaise humeur. La lumière sous la porte de ma chambre le soir lui faisait dire que je m'usais la santé. Les études, une souffrance obligée pour obtenir une bonne situation et "ne pas prendre un ouvrier ". Mais que j'aime me casser la tête lui paraissait suspect. Une absence de vie à la fleur de l'âge. Il avait parfois l'air de penser que j'étais malheureuse.
Devant la famille, les clients, de la gêne, presque de la honte que je ne gagne pas encore ma vie à dix-sept ans, autour de nous toutes les filles de cet âge allaient au bureau, à l'usine ou servaient derrière le comptoir de leurs parents. Il craignait qu'on ne me prenne pour une paresseuse et lui un crâneur. Comme une excuse : « On ne l'a jamais poussée, elle avait ça dans elle. » Il disait que j'apprenais bien, jamais que je travaillais bien. Travailler, c'était seulement de ses mains. " Pour elle, cela ne s'est pas passé sans difficulté, sans devoir se positionner dans un certain conflit, dans un certain rejet, en ne pouvant s'empêcher de souligner ces handicaps vécus par le père réfractaire à l'ascension, du moins pour lui-même.Et pour autant, elle refuse l'oubli de ses origines et ce texte hommage en est la preuve. Et indéniablement, elle trouve les mots justes pour nous livrer un petit objet sociologique tiré de son expérience intime, et lointaine. L'avis de Nathalie - OnLaLuL'avis d'Accro aux mots - Accro aux mots