Ah, le « risque », le bel argument. Dans de nombreux domaines, l’argument principal pour refuser tout changement – voire tout immobilisme ! – est qu’il y a un risque à ne pas courir ! Personne ne sait si ce risque est réel ou non, si sa probabilité de survenance est élevée ou non, si l’impact qu’il pourrait avoir en cas de survenance est élevé ou non… Mais il y a un risque, donc surtout, ne faisons rien (ou ne laissons surtout pas la situation telle qu’elle est) !
Pour cette histoire (peu importante, selon moi) du participe passé, j’ai lu aujourd’hui qu’il y avait un « risque d'altération fondamentale du sens en langage écrit - dans ce cas de figure, l'accord du participe est un signe diacritique auquel il est périlleux de toucher ». J’ai demandé de me présenter des exemples concrets et réels du risque encouru et de ses conséquences. L'exemple massue qui me fut proposé : « Intervenez-vous en qualité d'assureur, pour les chiens de ce monsieur que j'ai écrasé / écrasés ? ». J’ai eu beau rétorqué que si j'étais l'assureur, je commencerais par lui demander qui il a écrasé, sans compter que je serais étonné que le « coupable » m'écrive comme ça sans autre explication. Bref, on crée un problème sur la base d’un « risque » qui en réalité n’existe pas vraiment.
J’ai connu ce genre de problème dans ma carrière professionnelle, en tant que spécialiste de l’évaluation des acquis scolaires, notamment des « compétences ». Dans ce cadre, on a élaboré différents systèmes de notation. Et j’ai assisté, voire même participé, à de nombreux débats sur les « risques » qu’il y avait à utiliser l’une ou l’autre manière de coter. Je ne vais pas rentrer dans les détails, car ce sont des questions éminemment techniques, mais j’ai pu constater qu’on discutait souvent sur des situations qui – sur un plan théorique – avaient du sens, car elles pouvaient exister, alors que – sur un plan pratique – elles n’en avaient aucune, car elles n’existaient pas.
Conclusion : on passe souvent son temps à discuter d’un risque catastrophique qui en réalité n’en est pas un parce que sa probabilité d’existence est quasi nulle. Son aspect catastrophique est alors utilisé pour justifier le fait qu’il ne faut surtout pas le courir – et donc changer ou évoluer. En oubliant que le risque dénoncé n’existe pas vraiment, on empêche alors tout changement ou toute évolution.
L’inverse est vrai aussi : l’être humain est ainsi fait qu’il lui arrive de nier l’existence d’un risque évident avec des conséquences dramatiques. C’est le cas par exemple aujourd’hui du risque de dérèglement climatique. Avec l’été que nous connaissons au niveau mondial où les pires risques se concrétisent – sécheresse, inondations, ouragans… –, il se trouve encore de nombreux décideurs pour dire que tout va bien, qu’il ne faut rien faire, que l’homme n’y est pour rien et surtout ne peut rien y faire. Nous sommes au bord du gouffre, et cela ne semble pas inquiéter les décideurs politiques majeurs. Ce n’est plus un risque hypothétique. C’est la réalité.
Mais voilà, le risque de la disparition de la langue française par la suppression de la règle de l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir semble bien plus important que celui de la disparition de l’humanité…