Le centre de la capitale fourmille d’adresse que seule une poignée d’initié peut connaître. Parmi elles, la friperie Son et Image est devenue le rendez-vous incontournable des créateurs et rappeurs de passage à Paris. Il n’y a qu’à voir les profils qui s’y précipitent durant la Fashion Week pour comprendre l’importance de cette adresse. Rencontre avec la famille à l’origine de cette adresse qui anime depuis près de 30 ans le magasin.
Comment construisez-vous votre sélection ?
Nous allons 3 à 4 fois par an aux États-Unis avec mon mari et mon fils. Nous allons toujours dans les mêmes grossistes, mais je teste également d’autres vendeurs sur place. On va régulièrement à Los Angeles ou Chicago. Lorsque nous sommes sur place, c’est beaucoup de flair, mais nous pensons également à quelqu’un de nos clients. a$ap Rocky, Tyler The Creator ou Zola tout ces rappeurs qui rentrent dans mon magasin, je pense, à eux quand je sélectionne certaines pièces. J’ai la chance d’avoir des relations privilégiées avec eux donc je sais ce qu’ils recherchent et j’essaye aussi de leur faire découvrir de nouvelles pièces. La veste militaire noire de Zola par exemple avec l’aigle dans le dos, c’est moi qui lui ai proposé et il a tout de suite accroché. J’essaye également de m’intéresser à ce que fait ma clientèle, je vais regarder leur clip, écouter leur musique pour leur proposer des pièces qui leur ressemblent vraiment.
Le dernier en date, a$ap Rocky a du vous faire réellement plaisir ?
a$ap rocky est venu plusieurs fois, il est venu avec a$ap Ferg et Ian Connor notamment. Ils achètent beaucoup, a$ap rocky est vraiment un passionné de pièces vintage. Lorsqu’il passe au magasin, il me donne sa carte et ne me demande même pas combien ça coûte. Je ne lui prends d’ailleurs même pas un tier du prix réel, le fait qu’il vienne dans mon commerce ça m’apporte beaucoup. Les grandes marques le payent pour s’attacher ses services, il franchit la porte de mon magasin de lui même et ça me fait plaisir. À force, je connais bien ses goûts, la dernière veste qu’il a achetée par exemple, je savais qu’elle lui plairait. Je lui ai sorti quand il était de passage pendant la fashion week et ça a fonctionné.
Cette veste justement, comment vous l’avez faite ?
C’est une veste qu’on a customisée à partir d’une levis jacket en jeans. On y a cousu un imprimé camouflage de l’armée suisse et derrière il y a un sac à dos directement intégré dans la pièce. On a eu cette idée à force d’évoluer dans le monde du vintage et de discuter avec les gens qui passaient dans notre boutique. On s’est aussi inspiré du travail de marques comme Vetement qui ont d’ailleurs démarré avec nous. Ils ont commencé à nous acheter quelques jeans pour créer leurs premières pièces et ont augmenté peu à peu les quantités. À la fin, on a été obligé de les rediriger directement chez nos grossistes parce qu’on ne pouvait plus suivre. Les membres du collectif viennent toujours de temps en temps parce qu’on a développé de très bons rapports avec eux.
Comment expliquez-vous que des personnes, pour qui l’argent n’est pas un problème, continuent de venir acheter des t-shirts à 10 ou 20€ dans les fripes ?
Parce que tout sort de la fripe, les idées naissent entre les murs de ces petits magasins aux quatre coins du monde. La dernière campagne Kenzo par exemple, ils ont pris tout ce qu’ils ont trouvé dans les fripes des 90s et ils l’ont réinterprété à leur manière. Ce qu’il cherche dans les fripes c’est cet esprit de la rue, cet élan de fraîcheur qu’ils ont du mal à fabriquer. Après ils ont choisi Britney Spears comme égérie ce qui était plutôt étrange. La mode propose perpétuellement un bon dans le passé et les friperies sont les garants de la conservation de ces archives. Des personnes comme a$ap rocky qui sont de réels passionnés de mode, ils viennent simplement dans ces endroits pour s’inspirer.
Est-ce que l’utilisation de Instagram a changé votre manière de travailler ?
Instagram nous a énormément aidés à mettre en valeur notre clientèle. Cette clientèle recherche la qualité et reste très sensible aux valeurs du recyclage. Il y a cependant des pièces que je ne publie pas sur notre profil. Il y a beaucoup de copieurs donc ces pièces vraiment spéciales je les garde jalousement dans mon magasin. Les prix les intéressent également, le sweat Fila disponible à Citadium à 90€, on peut le trouver à 39€ chez nous et il est de bien meilleure qualité. C’est comme l’électro ménager, avant un frigo pouvait durer 20 ans, maintenant il faut le changer tous les 5 ans. Par exemple la veste que je porte (ndlr : en montrant son écusson), c’est une véritable veste qui date de la gare du Pacifique américaine. Elle est usée, elle est tachée, mais la toile n’a pas bougé et c’est le genre de pièce que la clientèle asiatique adore.
Qu’a-t-elle de différent cette clientèle asiatique ?
C’est surtout les Japonais qui apprécient véritablement le vintage. Les chinois sont encore cantonnés aux sac Vuitton, Chanel et aux ceintures Gucci. Chez eux, le vintage est extrêmement cher donc ils viennent chez nous ou à Londres où le marché est deux fois plus gros qu’ici à Paris. On a aussi beaucoup de Scandinaves appréciant notre commerce grâce à leurs valeurs écologiques qui sont ancrées dans leur culture.
Depuis combien de temps travaillez-vous dans le vintage ?
On a ouvert ce magasin du boulevard Sébastopol en 2011, celui de la rue Saint-Denis excite depuis 28 ans. On a démarré notre affaire en 1980, j’avais 21 ans. Je me suis lancé dans le vintage complètement par hasard et j’ai rencontré mon mari avec cette passion. C’était également très important pour moi d’être mon propre patron et je pense que c’est cette indépendance qui m’a vraiment fait aimer ce métier.
Les 3 magasins de Son et Image sont ouverts du lundi au samedi aux 77 Bd Sebastopol, 85 rue St Denis, 71 rue Quincampoix.