Dans une exposition, on ne peut pas rendre l’effet de la poussière dont Jean Genet dit qu’elle était la nature même de l’atelier de Giacometti. Le moindre entretien des locaux exige la propreté, le balai, le plumeau. Pourtant, l’exposition rue Schoelcher à Paris tente d’approcher l’ambiance de ce lieu d’où sont sorties tant d’oeuvres de formats tellement différents (car il s’agissait pour l’artiste de rendre compte de l’éloignement des personnes ou des objets). Et c’est par le truchement du témoignage de Jean Genet, de la relation qui unissait les deux hommes, par la voix « rocailleuse » de Giacometti, que nous saisissons un peu de son travail permanent, quotidien, inlassable. Le dessin, la peinture, le modelage, les gestes de l’artiste filmés, photographiés, tout me touche profondément, et à chaque fois que je vois une oeuvre, un film, que j’entends les mots qu’il prononce. Je me souviens aussi que Jean-Luc Nancy a intitulé un livre « Nus sommes », précisant : « ainsi Alberto Giacometti amorçait un poème en se plaisant à entendre "nus" tel qu'il le prononçait à l'italienne : "nous". »