Du 7 au 30 septembre 2018 - Vernissage Jeudi 6 septembre à 18h30
Cette année la Diagonale de Arts invite deux photographes, Annie Decupper et Gilles Tellier, très différents sur la forme mais proche sur le fond. Ils présentent leurs travaux au Grenier du chapitre durant le mois de septembre. Annie Decupper, aujourd'hui lotoise, a longtemps vécu en Afrique et surtout à la Réunion. Ces photographies, intenses et poétiques, interrogent la responsabilité de l'homme dans le processus de disparition de la végétation mais aussi la constance de cette même végétation à resurgir là où on ne l'attend pas.
Gilles Tellier quant à lui, au travers de somptueuses reconstructions photographiques, constate les conséquences des actions humaines volontairement dominatrice à l'encontre de la nature
Annie DecupperVEGETA est une proposition photographique sur la vigueur d'une végétation, toujours plus menacée. L'artiste évoque la force vitale des plantes à survivre dans des lieux où la construction prédomine, ou la façon dont elles peuvent se réapproprier leur place sur un territoire en ruine. Sur les façades des anciennes constructions à l'abandon, dans les fissures d'un mur en béton ou sur des chemins asphaltés, elle réapparaît.
Au delà de ce constat, l'artiste s'interroge sur l'invariable domination des hommes exercé sur le monde végétal. Nous aimons les plantes suivant nos propres critères, comme élément de décor, entre belles fleurs et mauvaises herbes qui ne seraient d'aucune utilité. Une forme de mépris où les végétaux sont privés de la liberté de croître à l'endroit qui leur convient. Sont ils intelligents? Ont ils une âme? Les arbres pourraient être des hommes renversés, la tête enfoncée dans le sol comme le suggérait Démocrite. Depuis son enfance, l'artiste cultive un rapport émotionnel à la nature qu'elle retrouve sur le Causse. Observer la vitalité des végétaux, lui donne à penser qu'elle fait partie d'un ensemble dont les arbres, plantes, fleurs sauvages, herbes folles tiennent une place inéluctable.
Gilles Tellier "L'extinction massive de la biodiversité en cours est aussi inéluctable que la chute de la météorite responsable de la disparition des dinosaures". "Une espèce animale ou végétale s'éteint toutes les dix sept minutes". Les "Sans-voix" au chapitrePar delà le temps géologique, la vie a laissé son empreinte dans la pierre ; de celle qui s'éteint aujourd'hui sous mes pieds, je conserve des photos.
Dépassant tous les clivages, le projet de soumettre la nature a été le plus consensuel et le plus radicalement mené au cours des siècles passés. Avec enthousiasme et détermination, convoquant les oxymores "développement durable" ou "croissance verte" nous scions le dernier barreau de l'échelle de l'évolution. On peut considérer ce grand projet fédérateur comme une consécration ultime du génie de l'humanité qui signe ici et maintenant le dernier chapitre de son histoire. Tant d'intelligences conjuguées au service d'un suicide collectif laisse sans voix.
Le sentiment de ma molle mais indubitable prédation me plonge dans un abîme de perplexité.
Cette conscience d'un monde qui se dérobe confère à chacun de ses composants une préciosité dont je tente fiévreusement de témoigner.
Le regard que portait l'homme des premiers âges sur la nature ne diffère qu'en un point sur celui que nous lui portons ; nous la percevons aujourd'hui au filtre de toutes les représentations qui en ont été faites au cours des temps. S'atteler à son tour à cette tâche, est comme revisiter toute l'histoire de l'Art. Les références sont souvent écrasantes. Pourtant, elle demeure un champ d'expérimentation inépuisable. Elle s'invente, comme aux origines du monde. Généreuse, l'intelligence des formes qu'elle déploie inspire toujours de nouveaux signes, autant d'alphabets inédits, autant d'écritures possibles. Elle est à la source même de l'imagination, fait devoir à l'artiste de ne pas démériter de ce qu'elle lui abandonne.
Dans la pratique, je ne tente pas de retenir ce qui se donne à voir dans son intégrité.
Je pose sur le monde un regard fragmentaire, je cherche à recueillir tout ce qui participe de sa complexité, de sa nature organique. Je m'en tiens à l'ordinaire, j'arpente des territoires familiers, de l'endroit à l'envers du décor. J'y collecte une multitude d'images. De retour à l'atelier, ces visions parcellaires, libérées de leur contexte, désaffectées, sont comme les couleurs d'une palette; elles deviennent la matière même de l'image, le moyen d'élaborer patiemment une représentation, une fiction.
Mon ambition est de produire chaque fois un objet autonome qui assume physiquement sa présence.
Chaque pièce est la synthèse de tout ce dont elle s'est nourri. Elle n'est pas le produit d'un concept prémédité mais une eurythmie précaire, le témoignage vivant d'une pensée en mouvement.
Gilles Tellier juin 2018
Renseignements : 06 70 71 78 78
Grenier du Chapitre, Rue Saint-James - 46000 Cahors
Ouvert du mercredi au samedi de 11h à 18h Dimanches et jours fériés de 14h à 18h