Mardi 8 juillet 2008. Hier, les députés de la commission Environnement du Parlement européen ont préconisé de ramener à moins de 5% la part d’agrocarburants utilisés dans les transports à l’horizon 2020. Poussés par une conjonction sans précédent de rapports et d’analyses variées, l’intérêt limité et les dégâts environnementaux et sociaux des agrocarburants sont en train se sortir au grand jour… Les Etats membres de l’Union, et en particulier la France, qui va animer les débats au cours du prochain semestre, doivent maintenant aller au bout de ces conclusions et revenir sur leurs objectifs contraignants d’incorporation.
« Pour la première fois, une commission du parlement européen est appelée à voter sur les objectifs proposés en janvier par la Commission européenne, et elle les remet en cause ! C’est un signal fort donné par les parlementaires : le reflux sur les agrocarburants a commencé, affirme Jérome Frignet, chargé de mission agrocarburants pour Greenpeace France. Mais ce vote de la commission Environnement n’est qu’une première étape… A l’instar du Royaume-Uni, Les Etats membres, doivent à leur tour, revenir sur les objectifs d’incorporation et revoir leurs politiques de soutien aux filières agrocarburants. »
Alors que la Commission espère faire adopter par les pays européens une législation qui porterait la part obligatoire d’énergie renouvelable, essentiellement des agrocarburants, utilisée dans les transports à 10% d’ici 2020, les députés de la commission Environnement du Parlement ont préconisé d’abaisser la barre à “8-10%” d’énergie renouvelable, dont la moitié seulement pourrait être constituée d’agrocarburants. Selon les parlementaires, d’autres sources renouvelables (électricité, hydrogène, biomasse non concurrente des productions agricoles et milieux naturels) doivent être privilégiées.
La commission environnement a également demandé que les agrocarburants permettent une économie effective de 45% d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et que ce seuil passe à 60% en 2015. Il est à noter que ce seuil disqualifierait nombre de cultures à vocation énergétiques actuelles.
Enfin, elle demande la prise en compte systématique des effets indirects de la production d’agrocarburants en termes d’émissions de GES, c’est-à-dire le coût climatique de la substitution d’une culture énergétique à une jachère ou une culture alimentaire.
Le gouvernement britannique a annoncé lundi 7 juillet qu’il allait ralentir l’adoption des agrocarburants, après la publication d’un rapport officiel coordonné par Ed Gallagher, dénonçant leur impact sur la biodiversité, la hausse des prix alimentaires et leur inefficacité dans la lutte contre les changements climatiques. Cette publication intervient elle-même quelques jours après les révélations sur un rapport confidentiel de la Banque Mondiale, estimant que l’explosion de la production d’agrocarburants ces cinq dernières années est responsable de 75% de la hausse des prix alimentaires sur la période.
Samedi 5 juillet, les ministres européens de l’Energie, les ministres français et allemand ont ainsi indiqué avoir “découvert que l’objectif de 10% fixé par la Commission ne portait pas sur les seuls biocarburants » mais sur les énergies renouvelables en général, marquant ainsi leur distance avec cette production de plus en plus controversée. Jean-Louis Borloo a précisé que les carburants verts suscitaient de “nouvelles inquiétudes”….
Ce jeu de dupes ne doit pas continuer : la France et les Etats membres de l’UE doivent avoir le courage de renoncer clairement aux objectifs hâtivement fixés d’incorporation et au soutien financier, coûteux et inutile, à la filière. La France doit renoncer à l’objectif national de 10% à l’horizon 2015, et animer les débats au sein de l’UE pour que les Etats membres suivent la recommandation du Parlement européen et renonce à l’objectif de 10% en 2020.
La réunion du G8 au Japon, où les agrocarburants sont à l’agenda, peut fournir une tribune à la France pour clarifier sa position. « Le temps n’est plus aux pas de deux et aux pirouettes, s’indigne Jérome Frignet. La crise alimentaire mondiale et les enjeux climatiques nécessitent de la clairvoyance politique et des vraies solutions, pas des fausses bonnes idées ou des vrais faux objectifs. »