Sentir qu'on lui ment est un sentiment à l'origine de tous ses tourments.
Le désespoir de celui qui apprend du jour au lendemain qu'on lui raconte des histoires.
Que les adultes qu'il consulte ne sont en vérité qu'une insulte à l'intelligence de sa petite enfance.
Et l'enfant se met à douter de tout, à redouter le rien. À se confier au mal, à se méfier du bien. La délinquance n'est pas bien loin !
Et plus d'un, finit par sympathiser avec le Malin.
Freud qui a tout saisi de travers nous dit que l'enfant est un pervers.
Sans dire que c'est nous qui avons assombri son univers, assimilé son caprice à un vice et sa vertu à un malice pour le soumettre à la police de la pensée.
Et si on le censure c'est parce que ça nous rassure : la rupture avec la nature.
La peur pour nos enfants n'est peut-être qu'un pis aller pour dissimuler la peur de nos enfants ?
Nos enfants nous font peur... oui, c'est ce qui fait notre malheur ou défait leur bonheur...
Notre difficulté d'être, nous a toujours empêchés de les laisser être...
Pour survivre, on dirait qu'on les empêche de vivre.
Imprévisibles, nous faisons tout pour les rendre prévisibles.
Créatifs, nous faisons tout pour les rendre captifs.
Impétueux, nous faisons tout pour leur apprendre la retenue... la mesure au fur et à mesure... La raison, la cloison, la prison...
On leur apprend de faire gaffe à la gaffe. De se poser au lieu d'oser ou de s'opposer.
Autour d'eux, on bétonne comme pour les arraisonner, pour qu'ils restent prisonniers de leur devoir être plutôt que de leur être.
Pour que leur idéal du moi prenne le dessus sur leur moi et leur émoi...
Non pour qu'ils triomphent eux-mêmes mais pour corroborer notre triomphe sur eux.
À chaque fois qu'on leur a fait peur du noir c'est pour sceller notre victoire d'adultes dégénérés ou en dégénérescence.
Je répète pour tous les malentendants et les mauvais intendants :
Nous n'avons pas peur pour nos enfants. Ce sont nos enfants qui nous font peur !