Il y a presque 20 ans, j’étais tombé sur un site créé par un collège américain, et dont le sujet était l’ordinateur portable idéal pour les étudiants. La définition était : une puissance infinie, une mémoire (de stockage) infinie et une autonomie infinie.
Derrière ces définitions utopistes se cachait une réflexion sur les besoins réels des étudiants. Par exemple, l’autonomie infinie se traduisait par une journée entière de travail bureautique. La mémoire infinie était vue par rapport à l’espace nécessaire pour stocker tous les documents de travail (devoirs, supports de cours, etc.) dont un étudiant aura besoin durant une année scolaire. Et ainsi de suite.
Il est intéressant de se pencher de nouveau aujourd’hui sur ces notions.
Stockage infini : Grâce au cloud, c’est quelque chose qui fait maintenant partie de notre quotidien. Suivant les solutions (Google Drive, Dropbox…) il est possible d’avoir des téra-octets à portée de clic pour un tarif raisonnable, et avec une fiabilité supérieure à n’importe quel stockage local.
Puissance infinie : Là c’est un peu différent. La logique du client-serveur a longtemps été de déporter la puissance sur les serveurs ; mais avec d’un côté des clients (ordinateurs, puis tablettes et même maintenant des téléphones) de plus en plus puissants, et de l’autre côté des interfaces de plus en plus demandeuses, nous avons pris l’habitude d’avoir des applications réparties de manière plus équilibrée entre les deux composants. Néanmoins, on voit apparaître des solutions d’informatique dans le cloud offrant une puissance délocalisée (Shadow, Amazon Workspaces), ce qui laisse augurer d’un avenir où la puissance de calcul sera effectivement infinie − avec la possibilité de la moduler en fonction des besoins.
Autonomie infinie : La technologie des batteries s’est grandement améliorée. Il y a 20 ans, les PC portables tenaient 2 à 3 heures maximum loin d’une prise de courant. Vous me direz que c’est encore l’autonomie moyenne de la plupart des portables modernes, mais on peut aussi trouver des machines qui tiennent 8 à 12 heures. Pourtant, est-ce que cela suffit pour considérer cela comme une autonomie infinie ? Oh que non ; parce que l’autonomie chute rapidement en cas d’utilisation intensive, et qu’on reste tributaire d’une prise électrique au bout d’une petite (demi-)journée de travail.
Mais alors, comment faire pour avoir un ordinateur portable qui soit toujours utilisable, même sans être branché sur le secteur ?
On pourrait imaginer des panneaux solaires au dos de l’écran. Mais cela manquerait d’efficacité ; non seulement un panneau solaire de cette taille produit peu d’électricité en l’état actuel de la technologie, mais en plus il serait quasi inutile une fois l’écran ouvert. On peut remarquer que l’entreprise canadienne WeWi avait proposé en 2013 un ordinateur portable alimenté par des panneaux solaires. Les panneaux se déployaient sur une surface incompatible avec ce qui est envisageable au quotidien.
Malgré la taille imposante des panneaux, l’autonomie annoncée atteignait péniblement les 10 heures. Je ne sais pas si cet ordinateur a vraiment été proposé à la vente, mais l’entreprise en question semble avoir mis la clé sous la porte.
Cette solution n’est donc pas envisageable.
Non, je pense qu’il faut regarder du côté des technologies de recharge sans fil utilisées par certains téléphones portables.
J’avais acheté en 2013 un téléphone Nexus 5 de Google, qui embarquait la technologie Qi. Au travail, j’avais sur mon bureau une plaque sur laquelle je n’avais qu’à poser le téléphone pour qu’il se recharge. Quelque part, on se dit que le temps de brancher un câble est assez court pour que ça ne fasse pas de réelle différence, mais en pratique c’est le jour et la nuit. Il me suffisait de poser le téléphone sur la table pour qu’il se recharge, sans avoir à réfléchir plus que ça ; du coup, mon téléphone était toujours rechargé, je n’avais plus de mauvaise surprise en fin de journée.
Dans l’année qui avait suivi, Ikea avait sorti une gamme de meubles intégrant un dispositif de recharge sans fil (compatible avec la technologie Qi, devenu le standard de fait), identifiable au signe « + » gravé dans le bois pour indiquer où placer l’appareil à recharger. Ils proposaient même un kit pour ajouter ce dispositif sur la tablette ou le plateau d’un meuble existant.
J’étais séduit par l’idée, et imaginais un avenir où il deviendrait habituel de voir des signes « + » sur les bureaux, les étagères et les tables de chevet. Un avenir où nous n’aurions plus à nous soucier du taux de charge de nos téléphones, à moins de passer la journée entière en pleine nature…
Si on se projette un tout petit peu plus loin, on peut imaginer l’ajout de récepteurs Qi dans les ordinateurs portables. J’imagine bien que la puissance transmise ne serait pas suffisante pour recharger un ordinateur avec autant d’efficacité qu’un téléphone ; mais cela suffirait pour ralentir la décharge. Ce serait parfait pour travailler deux fois plus longtemps avec un ordinateur sans l’alourdir avec une batterie plus grosse.
Je pousse le rêve encore plus loin : J’imagine qu’on prenne l’habitude d’avoir des chargeurs intégrés dans tous les mobiliers de bureau ; dans les tables de restaurants et de cafés ; dans les accoudoirs des fauteuils des salles d’attente dans les gares et dans les salles d’embarquement des aéroports. On tiendra pour acquis le fait de pouvoir charger facilement et gratuitement nos téléphones, tablettes et ordinateurs portables, de la même manière qu’on s’est habitué à avoir du wifi à peu près partout (enfin, c’est vrai en Amérique du Nord plus qu’en Europe, mais on s’y dirige).
Le jour où ce sera une réalité, on pourra réellement imaginer des machines offrant une puissance, une mémoire et une autonomie quasi infinies.
Ajout de dernière minute : Alors que je terminais tranquillement cet article, je suis tombé sur une info intéressante. Apple a déposé un brevet pour intégrer la recharge sans fil dans les MacBook… mais on dirait que c’est juste pour que l’ordinateur puisse être utilisé comme une batterie externe pour recharger les iPad et iPhone ; pas pour que l’ordinateur puisse être rechargé sans fil. Dommage !
Par contre, il n’existe pas de tablette rechargeable sans fil à ma connaissance. Apple innoverait en ajoutant cette fonctionnalité à l’iPad ; j’espère que ça fera des émules chez les autres constructeurs !