Le lien formé entre animaux et groupes humains est souvent conçu comme un rapport entre lignages collatéraux, ou comme un lien de gémellité, émanant du principe premier. Les Nuer affirment qu'une femme peut mettre au monde une paire de jumeaux dont l'un est un hippopotame, par exemple, auquel cas l'animal nouveau-né est placé dans l'eau d'une rivière tandis que le bébé humain est déposé dans un arbre parce que « les jumeaux sont des oiseaux ». Le monstrueux, l'anormal, apparait dans ce système de pensée comme la preuve évidente de l'action de l'Esprit .Aussi faire du tort à un animal ,c'est faire du tort à un parent.
Comme les humains, les animaux sont censés vivre dans leurs « villages » en constituant des communautés composées de familles et de lignages. Ainsi : les grogneurs carnassiers, pourvus de crocs et de griffes (lion, panthère, chacal, hyène, etc.) sont une communauté dont l'un des lignages, par exemple, comprendrait des mangoustes, des servals et des genettes. Les serpents sont un lignage qui appartient aux « sans pieds ». Une autre classe est celle des habitants de l'eau, qu'ils soient seulement des riverains ou qu'ils vivent dans les rivières, les lacs et les marais : crocodiles, lézards monitor, oiseaux et serpents aquatiques, poissons, etc..
préparation d'une statuette: avec la "charge magique ", la force du serpent.
Encore aujourd'hui dans les sociétés traditionnelles d'Afrique occidentale, l'institution des masques est étroitement liée à des rites agraires, funéraires ou initiatiques qui intéressent les communautés villageoises. Les cérémonies au cours desquelles les masques sont exhibés ont presque toujours pour but de rappeler les événements mythiques qui se sont produits à l'origine et qui ont abouti à l'organisation de l'univers dans sa forme actuelle.
C'est pourquoi, lorsqu'on tente aujourd'hui de décrire un masque dans le cadre de la cosmogonie où il s'inscrit, on ne peut plus se permettre de le réduire à la partie qui couvre la tête de son porteur. Dans les grandes sociétés d'initiation Bambara, quand un initié parle de la « tête du Komo », il entend par là un ensemble qui constitue le masque proprement dit : la tête qui emprunte ses éléments morphologiques au crâne enflé de la vieille hyène, associé à la connaissance profonde, à la « bouche » (gueule) du crocodile qui arrima le premier dans la mare l'arche de la création, et aux cornes de l'antilope qui symbolisent par leurs extrémités pointues l'éclair initial de la création ; la tunique faite de bandes de coton sur lesquelles sont fixées des plumes de vautour, chargées de 266 signes de la création ; les « pattes de l'éléphant », fixées à la cheville du danseur symbolisant les « piliers, les poutres ou les étais de l'univers » ; le sifflet en fer ou en cuivre évoquant par son cri strident le « sifflement initial de la création » ; le stylet de thaumaturgie, instrument par excellence des exécutions rituelles, etc. Enfin la « tête du Komo », dite komo kû, désigne également le porteur de tous ces objets et la danse que ce porteur effectue. Germaine Dieterlen. Masques. Sociétés traditionnelles d'Afrique occidentale dans le Masque du Rite au Théâtre
On sait que Les éléments figuratifs ne couvrent que la tête du porteur.
Pour le reste du corps, ce sont des «costumes» complets confectionnés à partir de longues fibres végétales (de chanvre, le plus souvent) ou de paquets de feuilles cousus les uns aux autres, et qui ressemblent à des espèces de grandes capes cachant le danseur de la tête aux pieds. Recourir au masques c'est retrouver l'étrange qui naît du face à face de l'homme avec son image. Son utilisation remonte aux cérémonies rituelles, au culte des ancêtres ou des morts, aux rites d'initiation ou de fertilité, aux fêtes de Carnaval chez nous, ou à un shamanisme plus ancien.. Personne ne sait où et quand a décidé pour la première fois un être humain de prendre un objet pour se couvrir le visage. Mais l'effet du masque sur celui qui le portait et sur son public dut avoir été immédiat et puissant. Les masques et les déguisements ont ainsi une longue omniprésence dans la société humaine. Mais peut-être faut-il voir plus loin, dans l'origine, que le fait d'un héritage culturalisé. Il s'inscrit peut être dans les profondeurs de la phylogenèse, dans le mimétisme animal où il se confond avec son milieu pour échapper au prédateur. L'animal pratique ainsi le leurre, l'illusion visuelle pour tromper l'agresseur ou le rival. Homochromie couleur du milieu qui eut devenir changeante épousant les variations de celui-ci. Dans l'ethos de l'animal se révèle ce qui sera le paradoxe du masque :le camouflage , la dissimulation comme l'exhibition(parades amoureuses ou agression).il y est donc question de défense et de jeu vital par aliénation d'identité. Le jeu animal justement (simuler un comportement) pourrait parfois apprendre à l'animal l'usage de conduites qui, au cours de sa vie, lui permettront de faire face à des situations de menace ou de danger.
Avec les masques, dont la plupart sont des individualités nommées et dotées d'un caractère particulier, nous sommes confrontés à des manifestations des forces vitales du monde de la brousse, à des formes en mouvement, des esprits (dans, certains cas, il s'agit des esprits ancestraux) ou des divinités imposant à ceux qui s'en font les véhicules. La chorégraphie et l'accompagnement musical expriment leur nature. Le masque entraine au point culminant d'une cérémonie, longuement préparée en vue de se concilier des forces bénéfiques ou de vaincre des démons, de capter des énergies d'un monde à l'autre.
Nulle part mieux qu'en Afrique ne se recoupent les notions de brousse et de sacré. L'espace de la brousse y est depuis toujours perçu comme l'habitat de nombreuses instances surnaturelles, mystérieuses et dangereuses, susceptibles à tout moment de vous accabler. Mais cet espace indompté est aussi l'endroit par excellence où les dieux, génies et autres entités se manifestent aux humains pour instaurer avec eux des relations privilégiées. Et quelle que soit la nature de l'entité et l'influence qu'elle peut exercer, les animaux sauvages sont, dans la majorité des cas, le moyen d'action et de communication préféré de l'invisible pour se révéler.
C'est ainsi que, dans le système de représentation des différentes cultures de l'aire voltaïque, la catégorie du surnaturel associé à la brousse peut entrer en jeu par l'image d'animaux sauvages ; et chacune de ces figurations est semblablement imprégnée d'une tonalité particulière de sacré puisque les espèces animales qui y ont été prises en considération semblent pouvoir susciter, par leurs singularités, des concepts pluriels qui relèvent d'analogies et d'équivalences établies entre la sphère de l'abstrait et celle du concret.
Le masque possède, dans les sociétés de l'aire voltaïque, une caractéristique commune : il est associé à la notion de brousse et, en particulier, à la fonction essentielle, sinon primordiale, que ce monde «autre» joue dans l'ordre constitué de l'existant. La brousse, avec tout le sacré qui en émane, est un domaine qui n'est pas régi par l'homme, sur lequel il ne peut qu'intervenir ou dont il ne peut se servir que par le biais d'allégeances et d'alliances. L'animal, son représentant majeur, joue un rôle fondamental dans ces multiples relations établies entre cet espace indompté et l'homme. Il peut permettre à ce dernier d'y acquérir des pouvoirs surnaturels, d'y forger des alliances, d'y puiser une identité ; il peut lui servir d'intermédiaire incontournable pour communiquer avec les diverses instances surnaturelles et les esprits des aïeuls et des ancêtres. Qu'il l'aide à asseoir un pouvoir personnel ou partagé par le groupe, un pouvoir subordonné ou souverain, légitimé dans le monde des hommes par initiation, rang, héritage ou parenté, qu'il contribue à la revendication de son appartenance à un lignage, à un clan ou à une association, l'animal invite constamment l'homme à se positionner par rapport à lui-même et aux autres, à l'autre en général : il y est donc toujours question d'identité et d'altérité. Et il revient à la représentation zoomorphe de symboliser ce positionnement et, surtout, d'en éprouver ses limites. Car il ne faut pas oublier que, dans ces sociétés, par l'image de l'animal sauvage, l'homme adopte pleinement celle de ce sacré de la brousse qui lui fait défaut à cause, justement, de son humanité même. » Daniela Bognolo. Sur La Piste De L'animal. Les Rôles De La Représentation Zoomorphe Au Burkina Faso. Dans Animal. Collectif. Dapper
« Le nyama est une énergie en instance, impersonnelle, inconsciente, répartie dans tous les hommes, animaux, végétaux, dans les êtres surnaturels, dans les choses, dans la nature, et qui tend à faire persévérer dans son être le support auquel elle est affectée temporairement (être mortel) ou éternellement (être immortel) : c'est ainsi que le ciel, les morts, les génies, les autels, le fumier, les arbres, la graine, la pierre, les bêtes, la couleur rouge, les hommes ont du nyama. »
Chez les Dogon, la taille du premier masque animal découle directement de cette nécessaire défense contre le nyama de l'animal. Avant l'apparition de la mort, le nyama des hommes était suffisamment fort pour n'avoir rien à redouter de celui des animaux qu'ils tuaient en vue de leur nourriture. Mais dès qu'ils cessèrent d'être immortels, les hommes devinrent susceptibles d'impureté ; leur nyama perdit de sa force et ne fut plus toujours capable de les défendre contre celui de leurs victimes. Ils se trouvèrent dans l'obligation de se protéger par diverses pratiques (autels de chasseur, masques, autels totémiques.
Dans beaucoup de sociétés traditionnelles, les mythes d'origine du masque se situent donc au point d'intersection de la nature et de la culture, soit pour instituer la transition, soit pour symboliser ce qu'il en a couté au héros transgressif. (ainsi le carnaval, lieu des masques chez nous, est bien un temps mais hors du temps quotidien- passage lié à l'origine au solstice.) . L'origine des masques est souvent conçue comme la réponse à la trangression d'un interdit. le masque peut être le produit même d'un inceste , revenant dans une société qui l'interdit comme l'écho du non-dit qu'ainsi elle refoule.
Les Dogons se réfèrent, par exemple à un couple originel dont les enfants, frère et sœur, eurent un enfant d'une union incestueuse en trompant la surveillance de leur père et eurent un enfant. Cette violation de la règle sociale entraîna la mort des héros. Tous les soixante ans, la fabrication d'un masque gigantesque, le Sigui, commémore ce héros mort et son inceste par des danses dans lesquelles les hommes masqués s'affublent des parures de leur sœur de préférence à celles de leur femme. On obtient de la sorte le pardon de l'inceste originel nécessaire à la survie de l'organisation sociale.
Le masque intervient toujours dans la dialectique entre soi et l'Altérité qui peut prendre plusieurs formes: dialectique entre nature culture, entre l'humanité et l'animalité, entre la vie et la mort ; il est intimement lié à l'entre deux des échanges. Il se répercute également dans les relations entre sociétés voisines et entre groupes d'une même société. L'être masqué intervient dans l'aire intermédiaire où il nous met en rapport avec le Tout de la Nature.
Assimilé temporairement à l'une de ces forces qu'il faut se concilier ou conjurer, le masque n'existe, ne signifie, n'agit qu'en présence d'une communauté et en fonction de croyances collectives Il célèbre et fait revivre des mythes qui ont l'adhésion de tous .L'Africain ne respectait pas un masque-objet mais l'esprit qui y est enfermé. Le masque rituel, mémoire mythique, revivifie la cosmogonie, relie l'homme à la force [sacrée des ancêtres et des dieux, permet de renaître. S'introduire à l'intérieur d'un masque sacré est un honneur mais présente un danger. L'on doit être agréé et se soumettre à un apprentissage. Le forgeron qui, dans certaines sociétés, choisit un arbre, réceptacle de force vitale, pour sculpter un masque, est semblablement en danger et doit apaiser cette force par des offrandes. Le masque est inséparable de ceux qui appartiennent à un même clan, des objets rituels, fétiches, totems, d'une société donnée, inséparable des mythes qui l'ont engendré. Tenter de comprendre les masques, c'est vouloir entrer dans le mystère d'autres civilisations, c'est essayer à un autre mode de représentation et de pensée.
Les masques zoomorphes des Bobo se différencient par leur aspect et leur fonction. Ceux qui sont en rapport avec la révélation d'enseignements concernant la société dans son ensemble montrent des compositions fabuleuses, à partir d'une tête aux traits vaguement humains sur laquelle se greffent divers attributs d'animaux : cornes puissantes, crêtes, becs, ailes déployées, qui, représentés seuls ou assemblés entre eux, constituent de véritables métaphores plastiques du contenu de la révélation. Les masques associés aux formes privées du culte à Dwo sont, en revanche, des figurations zoomorphes à part entière. Les premiers, qui appartiennent à la collectivité, servent une haute charge religieuse et exécutent les cérémonies coutumières; les seconds jouent un rôle pour ainsi dire accessoire, et ne sont utilisés publiquement que lors des danses de réjouissance. Parmi ces derniers, deux masques méritent toutefois l'attention : le bélier et l'hippotrague.
En dépit de son rôle considéré comme mineur, le masque bélier revêt une certaine importance car il représente l'animal sacrificiel par excellence. Le bélier est en effet le premier des six animaux que Wuro attribua aux hommes lorsqu'il procéda à la séparation des espèces qu'il avait créées en animaux domestiques et sauvages.
Quant au masque nyaga, spectaculaire représentation de l'hippotrague il se singularise surtout par ses apparitions lors desquelles toute l'ambivalence de sa nature se révèle. Au cours des cérémonies coutumières diurnes, vêtu d'un manteau de fibres, il ne s'adonne qu'à sa danse extrêmement cocasse, tandis que, au terme des rites annuels de la levée de deuil - qui vaut chez les Bobo pour tous les morts de l'année -, il exerce pendant la nuit sa fonction sacrée, Figuration parfaite de la dualité de l'existant par sa participation tant aux fêtes de réjouissance qu'aux célébrations de la mort, nyaga revêt par conséquent toute l'ambiguïté du sacré, de sa nature, qui change au gré des circonstances.
Un exemple à la fois d'imaginaire du masque et de rapport avec la nature. le ty-wara ou ciwarra.( l'antilope du soleil) selon D.ZAHAN
Les ty-iwara sont les «masques» d'une des six sociétés d'initiation bambara, La société tyiwara se veut à la fois apparition théâtrale et «école d'enseignement des connaissances relatives aux fondements du travail agricole». Les deux composés nominaux du composé lexical tyiwara signifient tyi .travail au sens particulier de travail astreignant et nécessaire), wara, animal griffu, soit toutes les bêtes sauvages pourvues de griffes qui lacèrent leurs victimes ou grattent la terre
«Gratter, fouiller, pénétrer le sol, c'est le propre du cultivateur qui en accomplissant ces activités est pareil aux animaux -fouisseurs». Etre bambara, c'est être cultivateur, c'est appartenir à la classe «noble» par opposition aux artisans, castes qui ne travaillent pas la terre et dépendent de ce que les cultivateurs leur donnent en échange du produit de leur métier.
Les masques ont plusieurs caractéristiques : d'une part la latéralité: les cimiers sont des représentations «de profil», pour certains en quasi- deux dimensions. D'autre part la répartition en trois types de cimiers. L'information donnée par les cimiers consiste à imprimer 'dans l'espace des cultivateurs le sens du travail nécessaire à l'égard des plantes nourricières. Les objets silhouettes transmettent ces messages par l'intermédiaire d'animaux plus facilement identifiables de profil : l'hippotrague et le pangolin. L'animal représenté est en relation avec un type précis de plante nourricière cultivée. Aux plantes à enracinement faible, le cimier vertical (antilopes bien dessinées de la région de Ségou, San, Koutiala) :. Aux plantes à fort enracinement, le cimier vertical oryctérope et pangolin ; Aux légumes rampants et plantes à port couché, le heaume horizontal, type crypto- (ouest du pays bambara).
Il y a une «symbolique des trois sortes de heaumes en corrélation avec les plantes vivrières». La partie aérienne est tout aussi importante que la partie sous-terraine. La conception philosophico-écologique bambara postule qu il y a, entre la plante et le sol, une affinité naturelle que l'homme ne doit pas modifier. Chaque type de cimier reproduit, d'une manière symbolique, les plantes nourricières avec lesquelles il est mis en corrélation. Les deux parties, des végétaux, sont délimitées par un tracé idéal passant à la base de l'encolure de l'animal figurant dans la partie supérieure des objets. Ce tracé représente le niveau du sol arable». Le cimier est donc une image métaphorique de la plante et de ses racines.
Mais la richesse de sens ne s'arrête pas là. Il y a tout un imaginaire mythique autour de l'hypotrague ; celle-ci se retrouve chez les peuples voisins : walu dogon, antilope-cimier kouroumba, probablement antilope heaume gourounsi. Mais elle figure aussi dans les fresques du Tassili et présente des caractères communs avec la nimba, autre image de fécondité, des Baga. Le symbolisme solaire de cet animal semble universel : «dans notre propre culture, le patron des chasseurs n'eut-il pas, selon la légende, la vision d'un cerf miraculeux portant une croix lumineuse entre ses cornes
Si le masque et la statue ne sont pas de simples représentations mais bien des incarnation d'une force naturelle ,d'un Esprit c'est que contrairement à nos propres cultures, le rapport à l'animal n'est pas une simple dualité. Alfred Adler citant Mary Douglas explique que ce rapport est en fait une « triade », HOMME-ANIMAL-ESPRIT comme le montre l'exemple des Lele du Kasaï :
. De nombreuses espèces très diverses sont tenues par les Lele pour des spirits-animals, des «animaux-génies», ou des animaux véhicules de génies, parce qu'ils présentent une anomalie du point de vue de la taxinomie qui est la leur. Les femmes enceintes ou qui viennent d'accoucher n'ont pas le droit de manger leur chair, ni même de les approcher. Quels sont-ils ? L'écureuil volant, aux pattes recouvertes d'écaillés, la tortue, qui est un reptile à quatre pattes, le varan, un cousin du crocodile mais vu par les Lele comme totalement dépourvu d'écaillés, le petit pangolin - animal emblématique des «monstres taxinomiques», comme nous allons le voir -, le babouin jaune, le rat géant à queue blanche, symbole de mort car vivant dans un terrier, le porc-épic, etc. Nos propres recherches, effectuées en collaboration avec Andrâs Zempléni, sur des cultes de possession pratiqués par les Moundang du Tchad, nous ont fait connaître une autre variété de ces animaux-esprits qui eux aussi représentent un danger pour le sexe féminin exclusivement.
Certaines femmes sont frappées par des maladies dont la cause est attribuée à des «esprits» (syinrt) qui pénètrent leur corps et la question qui se pose est de savoir lequel ou lesquels de ceux-ci se manifestent dans les symptômes observés. La liste de ces esprits n'est pas très longue. À côté de Soleil, Pluie, de quelques arbres, dont le caïlcédrat, et d'objets, tels que la forge et la meule (le premier exclusivement masculin, l'autre féminin), ce sont des animaux qui sont nommés : le python («mère des serpents» (ma-suo), responsable des ictères), la tortue, le capitaine, le silure, le crocodile, le varan, la salamandre et le singe. » .Alfred Adler. L'animal Dans Les Cultures D'Afrique Noire. Dans Animal. Collectif. Dapper
Alfred Adler montre alors comment intervient la guérison : après que le devin ait découvert quel esprit animal était à l'œuvre, intervient une série de rites musicaux ; musique jouée par un orchestre comprenant un tambourinaire, un flûtiste et un souffleur de calebasse-trompe), dont le but est l'expulsion de leur corps des «âmes de la maladie» afin de les enterrer dans les cols de poterie qui leur serviront de réceptacles permanents .. Au cours de danses lentes et recueillies chaque « patiente »s'essaie de son mieux à mimer la démarche caractéristique (reptation, lente progression à quatre pattes, etc.) de l'animal par l'esprit duquel elle est possédée.( le tarentisme des Pouilles étudié par de Martino, syncrétisme mêlant rites chrétiens et « monde magique », survivance d'un lointain passé, comporte de troublantes analogies avec ces rites de guérison) .Parfois selon l'entité qui la possèderait la patiente fait de larges mouvements avec les bras qu'elle lève ou qu'elle abaisse pour évoquer soit les rayons du soleil, soit la chute des eaux de pluie ; elle imite aussi, si son «esprit» l'exige, les gestes du forgeron ou de l'épouse qui, dans sa cuisine, écrase le grain.
Ce principe de la triade trouve aussi son champ d'application dans la chasse : La chance ou la malchance (soit qu'un accident - blessure grave ou mortelle - se produise, soit qu'il se retrouve simplement bredouille) sont conçues par le chasseur comme la résultante de l'interaction entre ces trois sphères. La cause de l'échec est imputable à des manquements dans l'accomplissement du rituel exigé par les esprits qui président à la chasse de tels ou tels gibiers (ou par toute autre puissance invisible qui aura été négligée par la personne qui a en charge son culte), comme le succès est dû au bon accomplissement desdits rituels.
« Pour revenir aux Moundang, il n'est pas question pour eux de chasser l'hippopotame ou le lamantin sans passer par les spécialistes des rites dont la connaissance et la pratique appartiennent aux anciens des clans de l'eau qui ont une affinité «naturelle» avec la faune aquatique, en l'occurrence, avec ces mammifères dits «à chair froide» (gô-woké). Une remarque s'impose à propos du danger auquel s'expose celui qui a affaire au lamantin, ce mammifère qui évoque la sirène des folklores et qui, sur les côtes du golfe de Bénin, fait l'objet d'un culte sous le nom de «mamy-water». Au Tchad, cet animal n'est présent que dans le lac de Léré dont les Moundang sont les riverains. Si, sans même chasser, mais marchant sur la plage, un garçon ou un homme déjà mûr, a la malchance de voir émerger de l'eau cette forme presque féminine et de porter son regard sur son sexe qui ressemble, selon les Moundang, au vagin d'une fille, il est condamné à être impuissant. Parmi les animaux de brousse, c'est l'antilope-cheval qui représente l'un des gibiers dont «l'esprit» est le plus redouté : elle provoque d'insupportables céphalées chez le chasseur qui a réussi à l'abattre ».Alfred Adler Op.Cite
A suivre