Les cosmonautes ne font que passer d’Elitza Gueorguieva 3,5/5 (18-08-2018)
Les cosmonautes ne font que passer (184 pages) est sorti le 25 Août 2016 aux Editions Verticales. Depuis le 7 juin 2018, il est disponible au format poche chez Folio (192 pages).
L'histoire (éditeur) :
«Ton grand-père est communiste. Un vrai, te dit-on plusieurs fois et tu comprends qu’il y en a aussi des faux. C’est comme avec les Barbie et les baskets Nike, qu’on peut trouver en vrai uniquement si on possède des relations de très haut niveau. Les tiennes sont fausses…»
Ce premier roman a trouvé le ton elliptique et malicieux pour conjuguer l’univers intérieur de l’enfance avec les bouleversements de la grande Histoire. Grâce à la naïveté fantasque de sa jeune héroïne, Les cosmonautes ne font que passer donne à voir comment le politique pénètre la vie des individus, détermine leurs valeurs, imprègne leurs rêves, et de quelle manière y résister.
Mon avis :
Les cosmonautes ne font que passer est le récit de la vie d’une jeune fille (d’abord fillette de 7 ans puis adolescente de 13 ans) dans la Bulgarie des années 80 (puis 90) fan de Youri Gagarine, rêvant de devenir cosmonaute (comme son idole), même son cousin Andreï lui annonce l’impossibilité de la chose (forcément, c’est une « pisseuse) et que les évènements et différentes révélations ne jouent pas en sa faveur…
Mais plus tard, le mur de Berlin tombe entraînant avec lui la chute du communisme, Kurt Cobain prend la place du héros russe et les changements (ou plutôt bouleversements tel que le Père-Gel qui devient le Père-Noël) transforment radicalement le pays, à l’image de l’épicerie Soleil en bas de chez elle…
« Toi-même tu est perdue dans ce monde ou le Coop-Cola est devenu du Coca-Cola et le yaourt Bulgare Danone. Tu as notamment du mal à reconnaître ta rue qui ne porte plus le nom du chemin des Eglantines et où l’épicerie soleil en bas de chez toi est devenu une boutique de GSM, puis une banque grecque, puis une banque américaine, puis une banque russe, puis une pharmacie, puis une boutique de robes de mariées, puis une boutique de matelas, enfin un club de cassettes piratées et sex-shop au fond à droite. Tu comprends que ça soit déstabilisant pour ton grand-père communiste brave qui depuis la fin du fascisme avait vécu dans une environnement plus stable que cela. Tu décides de na pas t’inquiéter, pour le moment, la vie est déjà assez déroutante comme ça. » Page 159-160 version poche Folio.
C’est donc à travers cette fillette qu’Eliza Gueorguieva nous fait vivre les bouleversements qu’a connu la Bulgarie (durant le régime autocratique de Todor Jivkov puis au moment de la fin du régime communiste et l’arrivée de la démocratie). Même si le style a quelque chose d’enfantin, il traduit parfaitement l’état d’esprit de l’époque. L’auteure use de répétitions (aussi bien dans les mots que dans les idées) et réussit, grâce à ces touches d’humour (comique de répétition) et de naïveté à ne pas alourdir son récit.
Les cosmonautes ne font que passer est une lecture qui m’a semblé « subie », n’arrivant pas à entrer véritablement dedans malgré le bonheur des phrases, la narration drôle et souvent frappante de réalisme. Et puis, arrivée au bout, j’ai eu un petit pincement au cœur de quitter cette héroïne, presque même le cœur serré, comme si finalement je m’étais attachée à ce personnage dont on ne saura jamais le prénom et que seul le Tu désignera.
C’est une lecture qui je pense restera (et c’était loin d’être gagné au début) un bon moment en moi. J’ai découvert la Bulgarie, son histoire récente, son peuple et un jeune fille pleine de rêves, bercée au communisme et puis au capitalisme. C’est en réalité une bonne lecture pour laquelle il ne faut pas s’arrêter au style un peu particulier car en réalité il trouve une fluidité naturelle qui en fait aussi son charme.