Balthus à la Fondation Beyeler

Publié le 02 septembre 2018 par Elisabeth1

A la Fondation Beyeler jusqu'au 1 janvier 2019
Comme à son habitude la Fondation Beyeler nous
offre un programme de choix.

" L'œuvre de Balthus est verbe dans le trésor du silence.
Nous désirons, tous, la caresse de cette guêpe matinale que
les abeilles désignent du nom de jeune fille et qui cache dans
son corsage la clef de Balthus. "
Cahier d'art 1946.
René CHAR, Dans l'atelier du poète, Quarto Gallimard édition établie
par Marie-Claude Char. © Gallimard, 1996. p. 432-433.

L'exposition réunit 40 tableaux clé de toutes les phases
de sa carrière, desannées 1920 aux années 1990.
À travers cette sélection, c'est pour ainsi dire la quintessence de
l'oeuvre de Balthus que découvre le visiteur, fruit d'une
carrière très longue qui n'aura pourtant produit que quelque
350 travaux.

Tout d'abord je vous propose d'écouter les 2 vidéos que j'ai
enregistrées, à la conférence de presse où
Setsuko Balthus (14 mn50)raconte avec bonheur et humour, Balthus, son travail,
leur rencontre.
(7mn46)

D'ascendance polonaise par son père, Erich Klossowski, historien d'art,
peintre et décorateur de théâtre, et russe par sa mère
Baladine Klossowska (mais tous deux ressortissants prussiens),
Balthasar Klossowski naît à Paris, un 29 février 1908 à Paris.
Sa famille, du fait de ses origines, se réfugie en Suisse lors de la
Première Guerre mondiale. Ses parents se séparent peu après et
Balthus passe son enfance avec son frère Pierre dans la région
de Genève, près de leur mère et bientôt de Rilke.

A l'âge de 11 ans, le garçon publie son premier livre de dessins,
Mitsou, sous l'impulsion de ce mentor, lorsqu'il a quatorze ans.
Il signe le recueil du surnom de " Baltusz " avec des textes de Rainer
Maria Rilke. C'est l'histoire d'un chat, le décor de sa vie de peintre
est planté.

Balthus n'aime pas parler peinture, il dit " je suis un peintre dont
on ne sait rien, mais regardons mes peintures" .
Dans un geste modeste, il se dit artisan et non artiste, tout en adoptant
la posture et le statut de l'aristocrate intellectuel cultivant des
liens étroits avec de grands philosophes, écrivains, gens de théâtre
et cinéastes de son temps. C'est un peintre de la figuration.
Sa longue vie, qui a coïncidé avec la quasi-totalité
du 20ème siècle, a ainsi oscillé constamment entre ascèse
et mondanité.
Madeleine Malraux dit de lui :
" sa peinture est douce, comme la musique
de Mozart ", musicien préféré du peintre.
Il n'aime pas l'abstraction.
Suivons Jean Clair dans son analyse
Admirateur des peintres de la Renaissance, il réalise des copies
au Louvre de Poussin, Courbet Cézanne, Füssli.
Il est instruit par Bonnard, Derain lui prête son atelier où il
commence La Rue.
Ses amis sont Matisse, Picasso et Giacometti
A Florence il copie les maîtres italiens, Piero della Francesca,
Masaccio, Giotto. En examinant attentivement ses peintures
on y retrouve les compositions géométriques, dans la Rue,
1933, il réalise
des emprunts spécifiques, comme les couvre-chefs, des détails,
comme la diagonale de la croix, qu'il transpose dans le monde
contemporain. Les visages sortis des toiles de la Renaissance,
mais aussi empruntés aux bandes dessinées des contes pour enfants
germaniques.(StruwelPeter). Il y a confusion très savante d'une
mémoire érudite de la grande peinture et de son enfance.

L'oeuvre majeure Passage du Commerce-Saint-André
(1952-1954
),
qui se trouve à la Fondation Beyeler depuis de nombreuses
années en tant que prêt permanent d'une importante collection
privée suisse, qui a été précédé par la Rue, est une scène avec
un arrière fond historique. C'est ici que la guillotine a pour la
première fait une victime un agneau.
Puis on y voit la clé d'or, il y fait un mélange historique, onirique,
avec l'histoire et les récits de son enfance.

Les personnages sont figés comme sur une scène de théâtre,
le chien a une tête d'agneau ébouriffé. Le tableau condense de manière
particulièrement forte le souci intense du peintre de rendre visibles
les dimensions de l'espace et du temps et de révéler leur rapport
avec les figures et les objets - aspects fondamentaux de son art.
Artiste méticuleux - certains tableaux nécessitant plusieurs années
pour être achevés et après de nombreuses études préparatoires -,
Balthus est resté célèbre pour ses tableaux de jeunes filles nubiles,
souvent peintes dans des poses ambiguës, jouant sur l'idée
de l'innocence perdue à l'adolescence.

" Je vois les adolescentes comme un symbole. Je ne pourrai jamais
peindre une femme. La beauté de l'adolescente est plus intéressante.
L'adolescente incarne l'avenir, l'être avant qu'il ne se transforme en
beauté parfaite. Une femme a déjà trouvé sa place dans le monde,
une adolescente, non. Le corps d'une femme est déjà complet.
Le mystère a disparu. "
L'artiste de la contradiction et du trouble, dont les oeuvres à la fois
sereines et fébriles font se rencontrer des contraires qui mêlent de
manière unique la réalité et le rêve, l'érotisme et la candeur,
l'objectivité et le mystère, le familier et l'étrange. Dans ce jeu de contrastes,
Balthus combine des motifs de la tradition artistique à des éléments
empruntés aux illustrations populaires de livres pour enfants
du 19ème siècle. Ses tableaux sont empreints d'ironie tant
implicite qu'explicite, réfléchissant et s'interrogeant par là
sur les possibilités et les impossibilités figuratives et esthétiques
de l'art du 20ème siècle.
Un portrait de femme adulte, dont il était éperdument amoureux,
la Bernoise Antoinette de Watteville qui lui opposait un refus,
mais qu'il a fini par épouser en première noce
et dont il s'est séparé, a donné le magnifique toile :
la Jupe Blanche 1937.

Le Chat au miroir III, 1989-1994
Le chat et le miroir - deux motifs qui scandent toute son
oeuvre - se trouvent réunis dans Le Chat au miroir III.
Balthus n'a jamais renoncé à la peinture et a continué
de réaliser, jusqu'à un âge avancé, des tableaux
qui, avec leurs couleurs saturées, leurs étoffes tantôt
lourdes tantôt délicates et leurs motifs caractéristiques,
témoignent toujours aussi fortement de sa maestria.
Vêtue d'un costume d'un autre temps, la jeune fille est
assise sur un sofa recouvert de draps et de coussins.
Cette fois-ci, le miroir est tenu à la hauteur d'un chat,
mais ce dernier ne semble pas y prêter attention et
d'ailleurs, rien ne s'y reflète.

La Chambre turque, 1965/66
La Chambre turque fut peinte dans les années 1960,
alors que Balthus était directeur de l'Académie de France
à Rome, installée dans la Villa Médicis. Le tableau
surprend par sa riche ornementation aux réminiscences
orientales. Telle une odalisque étendue sur un divan de
la fameuse " chambre turque " de la Villa, une femme
gracile se prélasse en robe de chambre et se regarde dans
un miroir. Mais s'y contemple-t-elle vraiment ?
La seconde femme de Balthus, la peintre japonaise
Setsuko Ideta, sert de modèle pour ce tableau, dans
la pose traditionnelle de Vénus. La surface mate de
La Chambre turque - due à l'emploi de caséine et de
tempéra - rappelle beaucoup la peinture à fresque de
la Renaissance, que Balthus a pu étudier durant ses
nombreux séjours en Italie. En consacrant le plus clair
de son temps à la restauration du vieux palais romain
décati, Balthus a développé un goût prononcé pour
l'ornement. Les dallages opulents, les étoffes très
colorées aux motifs sophistiqués sont caractéristiques
de son oeuvre tardive.

Elle a raconté sa rencontre avec Balthus lors d'une visite à la Villa Medicis,
à l'âge de 20 ans, en temps qu'étudiante en art. Balthus lui a fait croire
qu'il avait 40 ans alors qu'il en avait 50 ans.
Elle conclue, que pour elle à ce moment là, elle n'y voyait pas de
différence !

Tous les dimanches, de 13 à 14 h
Lors de la visite de l'exposition, le musée recueille toutes vos questions
sur l'artiste et son oeuvre pour en débattre ensuite avec vous
directement devant les tableaux. " Balthus im Gespräch " : gratuit

Dans le Jardin d'hiver qui borde la salle 7, vous trouverez un
mur sur lequel apposer vos propres commentaires sur l'exposition.
Partagez votre avis sur Balthus avec nous !
Programme lié à l'exposition à consulter sur lesite de la Fondation

A noter le mercredi 31 octobre à 18 h 30 en français
Robert Kopp , professeur émérite de littérature française
moderne à l'Université de Bâle
Balthus entre Rilke Artaud et Jouve.

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