Ces gaulois réfractaires, Alexandre en parlait au siècle passé:
29 janvier 1967
« Les Gaulois datent de la plus haute antiquité. Ils existaient déjà à l’époque de César. Ce n’étaient qu’Arvernes et Bituriges, Bellovaques, Eduens, Mandubiens, que sais-je, Allobroges, Atrébates, Eburons, Voconces et Pictons. Il y avait la Gaule chauve et la Gaule chevelue où les guerriers portaient des nattes comme des écolières. La Gaule moustachue était partout. César vainquit par la ruse et le coup bas ces guerriers qui s’entendaient mal et les courba sur la grammaire latine. Il leur apprit le plus gros des verbes déponents. C’est depuis cette pénible époque que le collégien français est nourri dès l’enfance des lois de l’ablatif absolu et de grands gros plats de haricots bien farineux.
Les Gaulois, nous assure Michelet, avaient de grands corps mous et blancs. Ils s’en servaient pour faire des prodiges d’héroïsme. S’enchaînant tous ensemble avec des chaînes de fer, ils chargeaient la mer en furie au moment de la marée montante. Leurs druides cueillaient le gui sur les arbres en chantant la chanson de Roland. Ils enfermaient leurs prisonniers dans de grandes cages d’osier, comme des oiseaux des îles, et les rôtissaient sur le feu. Ils vivaient de saucisson et de cuisseau de marcassin, fabriquaient du vin résiné et buvaient de l’hydromel aux grandes cérémonies. C’est ce qui prouve que le cognac n’était pas inventé. Ils menaient, en un mot, une vie si pittoresque que Goscinny et Uderzo en remplissent des albums entiers, dans lesquels la jeunesse française découvre avec stupéfaction qu’elle ne descend pas des Peaux-Rouges, du shérif et de Davy Crockett, mais d’Astérix, d’Avoranfix, de Vercingétorix et d’Assuranstourix, qu’on vend aussi sous formes de poupées, de statuettes, de gadgets dans tous les magasins. On y voit ces guerriers avec des cheveux de beatniks, une longue lance et un casque à cornes. Pour tenir plus aisément leur lance, ils passent le bras à travers leurs cheveux qui les couvrent comme un manteau. On dirait des pucerons hirsutes, nés de Zazie et du hérisson.
(...)
C’est pourquoi le lancement de l’ouvrage (le Vercingétorix préfacé pas Gosciny) a été fêté en pleine Lutèce, dans un décor irréprochablement arverne. Un vrai Gaulois servait des truites au bout de sa lance et le sanglier au creux de son immense bouclier. Ses moustaches trempaient dans la sauce, ses nattes balayaient les hors-d’œuvre. L’hydromel était sans défaut. Faute de crânes d’ennemis morts, on le buvait dans des verres, qui sont encore bien plus pratiques. Il y avait là Uderzo, Goscinny, les plus belles poétesses de Gaule, les critiques les plus impartiaux, deux Mandubiens et trois Nitrobroges."