Billet initialement paru le 25.09.2017
Il y a un an, le gouvernement, au travers de son faire-valoir féministe, se lançait dans des gesticulations amusantes visant à faire disparaître le harcèlement de rue. Depuis, les lois, décrets et affaires s’empilent, mais rien n’indique que la tendance s’inverse. Il faut dire que les solutions préconisées semblent tendrement décalées avec une réalité particulièrement peu pliable aux fantasmes des âpres lutteurs anti-tout…
Vendredi dernier, c’était sortie découverte pour certains factotums du gouvernement Philippe. C’est ainsi que Marlène Schiappa, l’alibi féministe du président Macron, s’est rendue à Bordeaux pour discuter de l’importance du vélo pour les femmes (ne riez pas, c’est vrai) et, incidemment, du harcèlement de rue (avec ou sans vélo).
Dans cette lutte qu’elle entend mener contre les comportements particulièrement pénibles de certains individus à l’encontre des femmes qu’ils croisent, elle rejoint le constat déjà posé en mai dernier alors que, Porte de la Chapelle à Paris, des habitantes du lieu l’avaient interpellée pour qu’elle soit sensibilisée au problème.
S’en était suivi une intéressante polémique pour savoir si ce harcèlement, dénoncé par les habitantes concernées, existait bien ou s’il ne s’agissait pas, en réalité, d’un simple problème d’agencement urbain – les trottoirs ne seraient-ils pas trop étroits, par hasard ? – ou, plus fondamentalement, le fait que les villes soient essentiellement machistes ?
Bref, on le comprend : tant à Paris qu’à Bordeaux et, certainement, en plein d’autres endroits en République du Bisounoursland, le harcèlement est devenu une sorte de sous-culture machiste ancrée dans nos vilaines habitudes qu’il convient de combattre hardiment. Si on nettoie les notules médiatiques de leurs scories imbéciles visant à transformer un problème connu de police et de justice en trampoline légal pour les idioties constructivistes et les âneries turbo-féministes, il reste un réel problème de harcèlement que le citoyen ne peut que vouloir voir réglé rapidement. Oui, le harcèlement ne devrait pas exister et oui, tenter d’y remédier est effectivement nécessaire.
La méthode, cependant, importe.
En Socialie, les Bisounours du Camp du Bien choisissent toujours d’y réfléchir à trois fois avant de faire quelque chose de concret et finissent généralement par abandonner en rase campagne en reprenant des chocopops. Pour cela, ils commencent généralement par lancer un projet de loi, un comité d’étude et de réflexion ou un groupe de travail, solution d’ores et déjà préconisée par Marlène et son Camp du Bien qui le mettra en place afin que des experts et des expertes se réunissent pour en papoter à l’occasion d’un goûter ou deux (chocopops à volonté – ce n’est pas cher, c’est l’État qui régale).
Malheureusement, le Camp du Bien, c’est aussi (et même surtout) des thèmes différents, contrastés et tous aussi gluants de moraline les uns que les autres. Dès que l’un d’eux s’approche de l’autre, pouf, il y a réaction et tout devient collant, pâteux et rapidement inextricable. Pour camoufler le résultat souvent désastreux, on parle alors non pas de gloubiboulga intellectuel, mais d’intersectionnalité des luttes et autres fadaises rigolotes.
C’est probablement dans cette convergence intersectionnelle des luttes anti-discriminatoires pro-inclusion que s’inscrivent différentes militantes anti-harcèlement de rue, avec cependant un souci de taille : la réalité est tout d’un coup plus complexe que prévue et refuse de se débarrasser de quelques aspérités bien enquiquinantes lorsqu’on refuse de discriminer, de stigmatiser et qu’on veut malgré tout éliminer et interdire (ici, le harcèlement).
Comme l’explique de façon forcément emberlificotée cet article de L’Obs, la cruelle réalité est que s’attaquer au harcèlement de rue, ce n’est pas simple et surtout, cela risque de stigmatiser des individus.
En effet, les individus qui harcèlent ne sont pas tous des blancs cis de la classe moyenne aisée, loin s’en faut, mais de façon nettement plus prédominante – et au moins dans les cas les plus médiatiques – des individus pas franchement blancs, pas de la classe ni aisée ni moyenne et s’ils sont trans, c’est plutôt « -phobe » que « -genre ».
Pour nos militantes intersectionnelles inclusives transphiles, le problème se transforme en véritable nœud gordien : d’un côté, le harcèlement (au travail, sexuel, ou dans la rue) est clairement un problème dont il faut venir à bout, et ce, quand bien même cette lutte serait portée par les plus grotesques des harpies féministolâtres ; de l’autre, le Camp du Bien a déjà pondu un petit catéchisme précis et pointilleux sur ceux qu’il ne faut pas surtout stigmatiser ni discriminer et malheureusement, il semble bien que beaucoup de harceleurs entrent dans cette catégorie :
« Le risque, c’est que ce soient toujours des hommes non blancs qui soient stigmatisés… »
Argh. Et zut.
Autrement dit, le harcèlement de rue serait assez facile à museler si c’était plutôt des petits bourgeois blancs qui le pratiquaient. Manque de bol, la pratique est bien plus vaste. Sapristi.
Le problème de ces ultraféministes turbojusticières n’est malheureusement pas la première fois où le Camp du Bien se prend le pied dans ses multiples tapis idéologiques. Ici, le féminisme est progressivement passé de la recherche de l’égalité à l’égalitarisme ; il exige assez normalement que soit mis fin aux harcèlements dont il sera très complexe de définir les contours tout en tenant compte de l’absolue nécessité de ne surtout pas discriminer et encore moins stigmatiser.
Évidemment, cela pose problème.
Tout comme en pose généralement l’accumulation de luttes et de combats parfois paradoxaux : on doit combattre les inégalités et il ne faut surtout pas discriminer mais, dans le même temps, on essaiera de faire comprendre que les différences (mères des inégalités et des discriminations) nous enrichissent. De la même façon, une femme doit être fière de son corps et ne pas hésiter à le montrer, mais tout en tenant compte du fait qu’exposer le corps d’une femme est sexiste. Dès lors, toute représentation d’une super-héroïne ouvrira alors les vannes à un déluge de commentaires contradictoires (Wonder Woman, symbole sexiste ou héroïne féministe ?). Vous me suivez encore ? C’est que je n’ai pas été assez inclusivo-intersectionnel, manifestement.
Enfin, notez bien que les races n’existent pas mais on cherchera à ne pas stigmatiser les « non-Blancs » et on considérera les Blancs comme abominablement privilégiés ce qui est gênant puisqu’ils n’existent pas, je vous le rappelle. Incompréhensible.
Par définition, l’Humanité étant pleine d’individus tous différents, on va donc accumuler les différences et les opportunités de discriminations ce qui ne fait qu’intensifier les comportements antagonistes.
À la fin, il ne restera qu’une lutte permanente et systématique contre tout et son contraire, sans qu’il soit possible de rien faire de concret. À condition de tortiller suffisamment les faits, il n’est aucune réalité qui ne puisse s’analyser, se dénoncer comme inégalité insupportable puis se plier aux fantasmes collectivistes les plus invraisemblables.
Dès lors, la distribution de chocopops reprendra de plus belle.