Lynx n'habite plus la maison d'enfance depuis son retour d'Asie. L'enfance, elle n'a été faite qu'avec Père, avec les longues heures d'attente dans la forêt et la lumière jaune des arbres, forêt qui est son vrai domaine, arbres qui sont sa seule famille.
Lynx s'est installé dans la grange, où le soir il monte les escaliers et dort nu dans son lit, et où sa moto est prête: il n'y a qu'à tourner la clé et démarrer, suivre le ruban vert et brun de la route où le soleil brille tout blanc. Et oublier l'enfance, ce bloc de solitude.
Presque tous les matins de cet été-là, Lynx descend à la buvette donner un coup de main à Didier. A l'automne il partira à moto pour le Maroc, après s'être occupé de la pièce à changer: Sans les voyages il ne tiendrait pas ici entre la forêt et le fleuve.
Lilia est venue pour aider Didier. Elle a avec elle un petit sur mesure: Il joue avec une lenteur infinie, ne demande rien. Marzio, son ex, vient le chercher certaines fois mais l'enfant lui est retourné vers le soir. Elle le cocole comme une vraie maman.
Après l'incendie de la maison d'enfance de Lynx, après le départ de maman qui parlait et qui écrivait, parce que ce n'était plus la peine, les mots n'ont plus été utilisés: Seuls le silence et les coups [de Père] ont été gardés comme moyen d'information...
Après que Père meurt des suites d'un accident en forêt et que Lynx et Lilia se parlent, leur histoire peut commencer. Alors que Père n'admettait pas que maman Liliane écrive, Lynx ne dit rien quand Lilia ouvre son carnet et va dedans avec les mots.
Lynx sait que Lilia n'est pas comme les femmes qui le suivent à la grange, mais il lui montre la moto et les outils. Puis ils montent à la maison d'enfance où il lui propose de s'installer avec le petit, ce qui sera plus confortable que le cabanon de la buvette.
Lynx ne s'y installerait pas pour autant: L'enfance remonterait. Il en serait submergé, réveillé par des bruits de grincement. On réentendrait les sonorités du Père quand il buvait dans la cuisine. Mais Lilia y écrirait, elle ne pourrait plus s'arrêter de le faire...
Lilia accepte. Si Lynx va à la poésie avec les arbres, Lilia n'arrête pas dès lors de travailler au livre sur la maison d'enfance. Le lecteur peut à ce moment-là se demander ce qu'il en adviendra à la fin de l'été et si Lynx dira enfin à Lilia qu'elle sera pour lui voyage.
Francis Richard
Lynx, Claire Genoux, 208 pages, Éditions Corti
Livres précédents chez Bernard Campiche Éditeur:
Faire feu (2013)
La barrière des peaux (2014)
Orpheline (2016)