Il ne les a pas prévenu. Puis il exécute, il met à bas, il démonte, il démantibule les 15 premiers mois prétendument écologiste du gouvernement Macron/Philippe. Non, il ne démissionne pas parce qu'il est impatient devant les lenteurs politiques. Il s'en va parce que rien n'a commencé et tout le monde dans l'entourage macroniste n'en a rien à fiche. Il s'en va parce qu'isolé au sein des "startupeurs" lobbistes, il ne pouvait compter ni sur ses anciens amis devenus députés godillots marcheurs, ni les autres arrimés à l'opposition.
"Est-ce que nous avons commencé à réduire les gaz à effet de serre ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à réduire les pesticides ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à enrayer l’érosion de la biodiversité ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à nous mettre en situation d’arrêter l’artificialisation des sols ? La réponse est non." Nicolas Hulot sur France inter, mardi 28 août 2018.Il jette l'éponge parce que la prolongation de l'utilisation du glyphosate pour 3 ans au moins, sans interdiction formellement votée pour la suite; l'absence de moyens financiers pour atteindre les objectifs de transition énergétique; l'humiliation de la loi sur l'alimentation, ou la sanctuarisation de notre industrie nucléaire vieillissante a détruit toute motivation à rester faire de la figuration.
Nicolas Hulot s'en va après le second été le plus chaud que la France ait connu depuis qu'elle mesure les températures, c'est-à-dire quelques siècles. Quel symbole !
"Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l’illusion que ma présence au gouvernement signifie qu’on est à la hauteur sur ces enjeux-là et donc je prends la décision de quitter le gouvernement." Nicolas Hulot.Côté macroniste, c'est d'abord la stupéfaction, la sidération: "pour l'instant, on va dans le mur." pleure Mathieu Orphelin, député macroniste bien naïf. Emmanuel Macron est énervé. Il apprend la nouvelle à l'étranger, au Danemark. Sa réaction se déroule en trois temps. D'abord les fidèles relayent l'inévitable message. Les éléments de langage sont répétés au mot près dans toutes les bouches de la Macronista officielle - Aurore Bergé, Mounir Majoubi, Gilles Legendre, Gabriel Attal - et de quelques militants. Une floppée de clones, pour l'essentiel toujours inconnus du grand public, déroulent les mêmes arguments, au mot près: le bilan de Hulot en 15 mois est exceptionnel, Hulot serait un idéaliste impatient. Pourtant le pauvre ministre a justement dit l'inverse. Il jette l'éponge car rien n'a commencé. En complément, les trolls raillent contre le manque de courtoisie de Hulot qui aurait pu prévenir Macron, ou contre les critiques d'hier qui applaudissent aujourd'hui (?).
"La macronie commence sa décomposition".— Jean-Luc Mélenchon 28 août 2018Second temps, Macron réagit vite, il applaudit à la "liberté" de l'homme. C'est joli. Mais en France, ces deux premiers moments n'ont pas suffis, la presse s'en donne à cœur joie et la tétanie est générale. Hulot a raison, dixit les premiers sondages. Le désaveu sondagier est si massif que, troisième temps, Macron lâche sa bombinette, une petite phrase qui fera tâche et rebondira allègrement dans l'actualité franco-française: "Il ne s'agit pas d'être naïf, ce qui est possible est lié à une culture, un peuple marqué par son histoire. Ce peuple luthérien, qui a vécu les transformations de ces dernières années, n'est pas exactement le Gaulois réfractaire au changement! Encore que! Mais nous avons en commun cette part d'Européen qui nous unit." Nouveau mépris présidentiel depuis l'étranger. C'est la marque de fabrique de ce jeune monarque. Ses conseillers invoquent l'humour. Un couac succédant à un autre, un écrivain proche ami et admirateur béat de Jupiter obtient un poste d'ambassadeur au consulat de Los Angeles, belle villégiature et petits arrangement entre amis.
Au Danemark, puis en Finlande, Macron diabolise ses opposants, il développe son argumentaire binaire, le bien contre le mal, les "progressistes" contre les "nationalistes". Macron et Orban se sont choisis. Comme avec Marine Le Pen en France lors du scrutin présidentiel français de 2017, Emmanuel Macron est trop heureux de disposer d'un pareil épouvantail en la personne de l'autocrate hongrois pour les élections européennes de 2019.
Il nous refait le coup du "tout sauf les extrêmes".
On connait la suite.
Les macronistes s'autoproclament "progressistes", "solidaires" et"généreux". En France, les 18 premiers mois de macronisme ont permis de constater de quoi il en retournait: réduction du droit d'asil, enfermement des enfants de migrants, maintien du délit de solidarité, faramineux cadeaux fiscaux improductifs pour les foyers les plus riches, augmentation des déremboursements de soins, comment encore oser se poser en défenseur des solidarités face à l'extrême droite européenne.
Macron déclare à propos de Salvini et Orban: "S'ils considèrent qu'il y a, en France, l'ennemi du nationalisme, du repli sur soi, de la politique de haine, d'une politique qui consiste à dire que l'Europe doit payer ce qui nous arrange mais n'impose aucune forme de responsabilité et de solidarité, ils ont raison."
Le macronisme au pouvoir en France est une politique de la haine - contre les migrants et plus généralement"ceux qui ne sont rien". Le macronisme en France est une politique qui consiste à dire que les classes populaires doivent payer, et qui n'impose aucune forme de responsabilité aux plus riches.
Anecdote symbolique, les avocats de la ministre de la Culture reconnaissent que cette dernière n'a pas respecté les règles de protection du patrimoine quand elle a fait réaménager l'hôtel particulier parisien qui lui sert de siège social, et réclame une "indulgence" qui leur est aussitôt accordée. Justice à deux vitesses que celle-là.
Contradiction politique, Macron n'a pas de mots assez doux pour la chancelière Merkel dont les députés européens sont dans le même groupe parlementaire à Bruxelles que ceux de l'autocrate Orban...
Cherchez l'erreur.
Non seulement Macron a fait la preuve de l'exact inverse de ce qu'il proclame, mais en il apparait surtout comme l'idiot utile des Orban et Salvini qui dirigent une partie de l'Europe. Ces neo-fascistes, soutenus en France par le Rassemblement national, en Autriche par un gouvernement contaminé par les héritiers du neonazisme aux postes régaliens du pays, se servent de Macron comme d'un épouvantail facile: il présente les attributs de cette haute bourgeoisie mondialisée et inefficace, tout en affichant sa faiblesse au quotidien puisqu'il légitime les principes de la xénophobie qu'ils défendent à travers ses actions dans son propre pays.
Macron est un président de classe, celui des ultra-riches.
La démission de Hulot est une crise gouvernementale, l'aveu d'un d'un échec, le premier retournement politique et l'un des plus symboliques que l'on aurait pu craindre/espérer.
Cette démission efface surtout la grande nouvelle qui devait lancer "l'an II" de la Macronie, la "désocialisation" des heures supplémentaires. Pour contrer les accusations de "présidence des riches" et politique de classe, l'équipe Macron avait choisi un accent social pour cette rentrée.
Notez au passage cette curieuse qualification officielle, "la désocialisation", belle novlangue utilisée pour vendre l'exacte même mesure stupide, rétrograde, contre-productive et démagogique de Nicolas Sarkozy de l'été 2007, annulée par François Hollande en 2012: la défiscalisation des heures supplémentaires.
A l'époque, cette mesure sarkozyste coutait entre 3 et 4 milliards d'euros annuels, aggravant le déficit public. Elle avait aussi découragé les embauches - chômeurs contre salariés en heures sup ? A qui profite le crime et la bêtise ? Dès avril 2008, l'emploi intérimaire puis CDD s'effondraient en France, une année avant la Grande Crise. Deux ans plus tard, en mai 2010, la DARES constatait que 44% des entreprises concernées par un surcroît d'heures supplémentaires depuis la mise en oeuvre de la mesure utilisaient les heures sup défiscalisées en alternative aux recrutements en CDI ou en CDD.
La nouvelle funeste avait été annoncée tonitruant par le premier des collaborateurs Édouard Philippe le dimanche précédent le bordel. Macron croyait tenir son annonce de rentrée, pour effacer les critiques sur la baisse du pouvoir d'achat: "Nous voulons que les Français puissent revenir vers le travail, que ce travail paie, et qu’il paie de mieux en mieux."
Travailler plus pour gagner plus, ça ne vous rappelle rien ?
Cette mesure est censée également atténuer à défaut d'effacer le gros coup de "rabot" décidé pour 2019 et 2020 sur les retraites et l'essentiel des aides sociales. Hypocrite, le ministre des Comptes Publics Gérald Darmanin expliquait courant août que les aides sociales ne baisseraient pas quand des premières fuites dans la presse faisaient craindre le pire. En réalité, elles vont bel et bien baisser en valeur réelle puisque leur revalorisation sera trois fois inférieure aux prévisions officielles d'augmentation des prix. Et idem pour les retraites.
D'après l'INSEE, le pouvoir d'achat des ménages français a baissé en moyenne de 0,6% au premier trimestre 2018. Quelques militants macronistes brandissent un sondage réalisé comme chaque année par le cabinet Deloitte selon lequel le pouvoir d'achat des salariés aurait progressé au au contraire.
Au mieux, ce budget 2019 est un jeu à somme nulle : les revalorisations du revenu de solidarité active (RSA), de la prime d’activité, du minimum vieillesse et de l’allocation pour les adultes handicapé, ajoutées à la baisse de la taxe d’habitation, la suppression des cotisations chômage sur les plus bas salaires et la défiscalisation des heures supplémentaires sont compensées par la hausse de la CSG et le coup de rabot sur les retraites et les autres prestations sociales.
Pire, le gouvernement poursuit son œuvre de destruction sociale: ainsi, les "emplois aidés qui ne permettent pas d'avoir un emploi viable" seront progressivement supprimés (459 000 contrats aidés en 2017, 200 000 fin 2018). Dans cette catégorie, on trouve une majorité d'emplois dans le secteur non marchand (environ 300.000 en 2016), un séisme pour les quartiers populaires comme l'explique Bastamag, qui correspond à environ un milliard d'euros d'économie sur le dos des associations (animateurs) et collectivités locales (assistance dans les administrations, les cantines, les classes primaires, les bibliothèques).
Le gouvernement confirme la suppression de 50 000 postes de fonctionnaires d’État d'ici 2022, sans préciser le détail. On imagine que le solde pour atteindre l'objectif de 120 000 sera demandé aux collectivités locales.
Aux syndicats, il prévient également qu'il veut rogner voir supprimer les cumuls salaires/indemnités chômage: 830 000 salariés précaires sont concernés, pour un coût d'environ 5 milliards d'euros par an. Et il lance un chantier de révision des conditions d'indemnisation des arrêts de travail (après avoir refusé, au printemps dernier, de légiférer sur le burn-out...).
Le gouvernement n'échappe pas non plus à la reprise des affaires. Prochainement, Alexandre Benalla sera auditionné par les enquêteurs. Alexis Kohler devra répondre des accusations de favoritisme familial avant qu'il ne devienne secrétaire général de l'Elysée. Des barbouzeries de Benalla aux influences des lobbies, la rentrée est mauvaise, les sondages si importants en Macronista sont désastreux.
Peut-être est-ce le signe d'un début de prise de conscience: l'action politique d'Emmanuel Macron est simplement une politique de classe, pour une classe contre les autres, avec le soutien naturel de la majorité de cette minorité sociale surpuissante et de quelques idiot(e)s utiles qui n'ont rien compris.
Ami(e) macroniste, ne pars pas.