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Ce que résume parfaitement Monika Faber, une des commissaires de l'exposition: "Le travail de d’Ora couvre un arc unique allant de la représentation du dernier monarque autrichien au glamour du monde de la mode parisienne des années 1920 et 1930 jusqu'à une Europe de l'après-guerre complètement transformée".
"Machen Sie mich schön, Madame d'Ora Die Fotografien d'Ora 1907-1957" ou "Make Me Beautiful, Madame d'Ora!" a été organisée en coopération avec le Photoinstitut Bonartes de Vienne et le Museum für Kunst und Gewerbe de Hambourg, Musée des Arts et Métiers, où elle s’est d’ailleurs tenue du 21 décembre 2017 au 18 mars 2018, première rétrospective mondiale de la photographe. L’œuvre de d’Ora comporte près de 90.000 clichés, conservés principalement à Hambourg et aux archives photographiques de la Bibliothèque nationale de Vienne. Les centaines de photographies que l’on peut voir au Leopold Museum sont une véritable plongée dans un monde révolu fait de beaucoup d’élégance et mis en scène par celle dont Jean Cocteau aurait dit: "Elle était célèbre, mais pas connue".
Dora Philippine Kallmus est née le 20 mars 1881 dans une famille de la grande bourgeoisie juive de Vienne, son père la soutient lorsqu’elle souhaite étudier au Graphische Lehr-und Versuchsanstalt de la capitale. C’est la première femme admise aux cours théoriques mais elle n’a pas accès aux cours pratiques. En 1907, elle se forme dans l'atelier du célèbre photographe Nicola Perscheid à Berlin. Avec son camarade d’études Arthur Benda, elle crée l’Atelier d'Ora dans le Ier arrondissement de Vienne, c’est rapidement le studio à la mode où défilent artistes, intellectuels et aristocrates, Gustav Klimt, Emilie Flöge, Alma Mahler, Anna Pavlova, Alban Berg, Arthur Schnitzler, aussi bien que des membres de la famille impériale, les pâtissiers Sacher ou le torréfacteur Julius Meinl. En 1916, elle photographiera le couronnement de Charles Ier roi de Hongrie à Budapest. Les affaires marchent si bien qu’elle ouvre un studio d'été dans la ville thermale de Carlsbad, aujourd'hui Karlovy Vary en République tchèque. En 1927, elle quitte Vienne pour Paris en compagnie d’Arthur Benda, qui repartira vite, elle lui cédera l’atelier qu’il renommera "D’Ora-Benda". Après cet épisode ils ne s’adresseront plus jamais la parole.
En 1925, elle avait déjà ouvert dans le XVIIe arrondissement de Paris un nouveau studio en transformant à grands frais l’ancien appartement de l’écrivain Tristan Bernard. Et Monika Faber d’expliquer: "Les archiducs étaient terminés, maintenant un nouveau monde s’ouvrait à elle: le théâtre, la variété, le cinéma". Elle va collaborer à une quinzaine de revues de mode françaises et étrangères, L’Officiel de la Couture et de la Mode, Vu, L’Art et la Mode, Femina, Le Figaro illustré, Les Modes, Die Dame, Das Wiener Magazin, Madame et travaille avec les maisons de haute couture Rochas, Patou, Lanvin et Chanel principalement. Elle photographie les personnalités en vogue, Joséphine Baker, Tamara de Lempicka, Gabrielle Chanel, Foujita, Arletty, Kyra Nijinski, Mistinguett ou Maurice Chevalier. Grande amie de ce dernier, elle lui consacre de très nombreux portraits et des albums que l’on peut voir dans les vitrines.
En 1942, même si elle s’était convertie au catholicisme en 1919, elle est obligée de quitter Paris pour se réfugier d’abord dans un village du sud de Lyon puis dans l’Ardèche. A la fin de la guerre, elle retourne en Autriche à plusieurs reprises, rouvre son atelier et finit par obtenir la restitution à Frohnleiten près de Graz, de la maison de sa sœur morte en déportation. Elle reprend son travail de photographe mais change complètement de sujet, elle est l’auteur d’une série sur les camps de réfugiés, à Vienne et Salzbourg, encore marqués par les atrocités vécues. Elle s’intéresse aussi à ce qu’il se passe dans les abattoirs parisiens. Cet intérêt pour ces sujets n’est évidemment pas étranger à ce qu’elle a elle-même vécu. Ce qui ne l’empêchera pas dans les années 1950 en France, de photographier encore de nombreuses célébrités telles Marc Chagall, Pablo Picasso, William Somerset Maugham, François Mauriac, Colette, Balenciaga ou le prince impérial Bảo Long. Elle se devait d’immortaliser le bal que donna le marquis de Cuevas au golf de Chiberta, près de Biarritz, le 1er septembre 1953, avec 2.000 invités pour quarante millions de francs de l’époque, pas loin d’un million d’euros… Le Parti communiste s’allia au Vatican pour fustiger "cet étalage de luxe barbare". Un petit film projeté dans une salle nous montre Zizi Jeanmaire arrivée à dos de chameau, vêtue d’un bikini de diamants, le beau Luis Miguel Dominguín en Casanova, la célèbre commère Elsa Maxwell en Sancho Panza montée sur une âne… Des bijoux par centaines de millions surveillés discrètement par policiers en livrées de laquais. Comme le marquis s’était souvenu qu’il dirigeait une compagnie de ballet, l’ex-Grand Ballet de Monte-Carlo, le "Lac des Cygnes" fut interprété dans un décor fabuleux. En 1959, Madame d'Ora est victime d’un grave accident de la circulation qui la laissera très diminuée et elle devra interrompre sa carrière. Elle meurt le 28 octobre 1963 à Frohnleiten.
L’exposition se tient au Leopold Museum jusqu’au 29 octobre 2018. Ensuite elle sera accueillie à la Neue Galerie Museum for German and Austrian Art de New York, petit morceau d’Autriche sur la Ve Avenue.
Rédaction internationale En savoir plus sur cet auteur
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