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BLACKkKLANSMAN, le film

Par Gangoueus @lareus
BLACKkKLANSMAN, le film
Je n’ai pas attendu. Dès sa sortie, mercredi 22 août, j'étais en salle. J’ai une relation avec les films de Spike Lee similaire avec les parutions de certains romanciers que j'apprécie. Je pourrai citer Toni Morrison par exemple. Et je dois dire que depuis Inside Man, je n’avais pas eu l’occasion de voir un film de Spike Lee en France. Sachant qu'Inside Man n’est pas un pur produit du cinéaste africain américain. Ainsi, Miracle à Santa Anna, Old Boy et CHI-RAQ sont passés sous les radars. Je ne sais même pas s’ils ont été distribués en France (pour le premier film, c’est sur que non, vu le clash avec TFM pour sa distribution hors des Etats-Unis).
Le film BlacKkKlansman a obtenu le Grand prix du Jury du festival de Cannes 2018. Cela faisait un bail qu’on n’avait pas vu Spike Lee à ce festival (depuis Jungle fever en 1991). J’imagine que ses nombreuses prises de bec avec le monde du cinéma, ses prises de position publiques, les accusations d’antisémitisme ont fini par le mettre sur une liste noire. Spike Lee, pour beaucoup, donnait l’impression de ressasser la même rengaine dans ses films : celle d'un racisme traité à toutes les sauces dans une société américaine qui, au fil du temps, pouvait paraître plus ouverte avec l’élection d’un président métis (noir pour les Etats Unis). En 2008, tous les espoirs étaient permis avec les discours très rassembleurs de Barack Obama et son fameux « Yes we can! » . Pourtant sous le deuxième mandat d’Obama, la violence policière s’est décuplée pour prendre des proportions telles qu’on a pu assister à des meurtres filmés d’afro-américains non armés faisant passés la bastonnade de Rodney King en 1992 pour une partie de plaisir et entrainant des ripostes comme celle du sniper (ancien militaire) qui prit plusieurs policiers pour cible à Dallas. Que dire de l’arrivée de Donald Trump et la libération de la parole et des actions violentes des suprémacistes blancs depuis son arrivée au pouvoir…
C’est dans ce contexte que Spike Lee réalise ce film assez étonnant. Partant sur une expérience à la fois réelle et pourtant tellement improbable. Un policier noir qui infiltre le Klu klux Klan. Sans blague. On veut juste voir comment une telle situation a pu être possible du côté de Colorado Springs. On est en 1978. Spike Lee va reprendre l’histoire de Ron Stallworth et John David Washington va porter à la perfection le rôle du premier flic noir du coin. En 1978. Naturellement, je ne vais pas vous décrire le scénario  du film. A vous d’aller le voir. J’aimerais plutôt réagir sur certains aspects de ce film.
Je commencerai par le volet négatif. Ce n’est pas le meilleur film de Spike Lee. Il a quelques longueurs liéses aux discours que le réalisateur veutfaire entendre. L’introduction d’un suprémaciste du début du siècle, le personnage du Dr Beaureguard pose dès le départ le racisme viscéral des certains sudistes et l’antisémitisme affiché par cet idéologue. Le discours de Stockely Carmichael devenu Kwame Turé  a une tribune d’étudiants africains américains est également long avec l’objectif de construire à la fois une identité qui renvoie aux combats des années 50-60 (sur la négritude ou le slogan de James Brown : «  I’m black and I’m proud » mais aussi la nécessité de réagir à la violence policière. Un film de propagande du Klan prend également de la place. Cela brise le rythme quelque peu le rythme du film. Mais, une fois le film terminé, cela finit par avoir du sens.
Ce qui est très pertinent dans ce film, c’est de voir le climat de méfiance entre les forces de l’ordre et les minorités aux Etats Unis. L'extrapolation vaut pour la France sauf les aveugles. Théo. Adama Traoré. L’intégration au sein de la police de Ron Stallworth est à la fois drôle et terrifiante. Le spectateur comprend tout de suite le malentendu et la posture ambiguë d’un nègre comme ce  homme chargé de l’ordre tant pour les policiers que pour sa communauté. Il ne peut être qu’un traître pour les siens tellement la police est perçue comme un outil au service du communauté dominante. La police dans les films de Spike Lee incarne la violence brute. Il la met en scène dans Do the right thing  ou Malcolm X. Ici, il y a une nuance intéressante que porte Stellworth. Une remise de la violence systémique de ces forces de l’ordre, si plus de minorités étaient présentes. Je pousse un peu. D’autant que Ta-Nehisi Coates a démontré dans Une colère noire tout l’inverse de l’approche développée dans ce film.
BLACKkKLANSMAN, le film
Le Klan est caricatural. En même temps, l’essence de cette organisation, née dès 1865 suite à l’abolition de l’esclavage pour terroriser dans le sud les populations noires, peut être perçue par le spectateur. Caricatural… Pourtant, ce sont ses idées qui semblent s’exprimer et s'incarner à la Maison Blanche. Au sommet de l'état américain. Les hésitations de Donald Trump à condamner les actions des suprémacistes à Charlottesville en sont l'illustration parfaite. Je crois que le plus perturbant dans le fond, c’est de voir que ces questions américaines trouvent un étrange écho en Europe où Steve Bannon a pour ambition de rassembler les droites populistes européennes. Avec la hantise qui terrorise les élites du vieux continent. L’invasion « migratoire », la sur-fécondité sur le continent africain, les difficultés de l’assimilation des minorités visibles et dans le fond le fantasme d’une disparition à moyen terme de la race blanche, inquiètent les mal-pensants. Tout cela semble parfaitement ridicule… Pourtant, il y a eu un silence à la fin de ce film qui prouvait la réussite du film. On est obligé de se poser des questions.
Spike Lee sort donc, ici, d’un manichéisme récurrent dans ses films passés. Ce film illustre plus que jamais le propos du cinéaste américain avec une conclusion désastreuse qui s'impose au spectateur : rien n'a changé depuis Do the right thing.  
  • BlacKkKlansman, Spike Lee
  • Avec John David Washington, Adam Driver, Topher Grace, Laura Harrier, Ryan Eggold

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