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On le sentait venir, là, dans son entourage. On le voyait venir, au cœur du voisinage. Il en avait parlé à Perrine, d’à côté : je m’en irai un jour, plus tôt que vous ne le croyez.
Perrine l’avait senti, elle qui l’admirait. Perrine, écologiste dans l’âme et anti-chasse patentée avait créé son association « Perrine hait le pote aux laies » en réaction à son ex, devenu infréquentable, pour avoir décimé des hardes de sangliers, ce qui en soi lui apparaissait comme motif de révulsion, mais plus encore pour lui avoir imposé deux hures de laie dans le salon.
Oui, il en avait parlé à Perrine :
- Aujourd’hui, je vais à une réunion des chasseurs, à l’Élysée. Emmanuel va certainement leur graisser la patte à des fins électoralistes. Si ça tourne au vinaigre il ne faudra plus attendre de moi que les cons servent.
Il avait dit ça, avec une certaine désinvolture, mais Perrine avait vu dans le regard de la tristesse et le reflet d’une âme désabusée. Elle ignorait le coup de séisme qui éclaterait le lendemain.
Le lendemain, mardi 29 août, devant les micros de France Inter, l’homme est interviewé par Nicolas Demorand et Léa Salamé ! Il ne perd pas trop de temps pour avouer qu’il se sent seul, que ses troupes naviguent dans le parfait anonymat. Et donc qu’il démissionne !
Mais vous-êtes sérieux ? Lui demande, éberluée, Léa !
Léa, ça la met dans le plus profond scepticisme mais, oui, il l’est ! Nicolas Hulot claque la porte sans tambour ni trompette. Sans même avoir averti le chef de l’État ! Il quitte un bateau qui navigue trop, selon lui, sur l’océan du libéralisme, au creux des vagues boursières, à la recherche d’un nouveau rivage de croissance où s’échouent les rêves d’un développement durable.
Oui, Nicolas part ! D’aucuns le trouveront père vert et sans tenue ! Partir ainsi, sans prévenir, ne se fait pas ! Mais tout cela n’est que remarque superficielle qu’Hulot tait !
Nicolas fait sa valise tout de tristesse imprégnée. Il n’en pouvait plus d’avaler des couleurs !
- Quelle vie Perrine, se plaisait-il à répéter à sa plus fidèle supportrice. Je serpente entre les incuries, les pressions de lobbies qui gangrènent ce gouvernement. On surveille mes gestes, mes paroles ! J’en ai la gueule de boa ! Mon action, l’épie-t-on, que déjà elle suscite la suspicion. Les groupes de pression sortent les dents et me mordent les fruits d’un paradis écologique. Les crocs talent !
Alors, oui, de guerre lasse, Nicolas est parti. Cette réunion du lundi aura été la goutte qui fait déborder le vase ! Il y aura vu la présence d’un certain Thierry Coste, un lobbyiste chasseur qui s’était fait inviter ! Loin d’être un gigolo, Coste nous meut en gigue holocauste : les chasseurs pourront tuer avec un permis à demi-tarif des espèces qui cesseront d’être protégées.
C’est le coup de grâce pour Nicolas. Abattu, écœuré, le père d’Ushuaïa quitte la Macronie, qui, en son temps, s’était enorgueillie de cette belle prise de guerre synonyme de rayonnement médiatique.
Nicolas, après avoir atermoyé le grand saut, a fini par admettre qu’il ne pouvait plus se mentir ! Don Quichotte à se battre contre des moulins aux ailes tournant dans le sens inverse du vent insufflé par la Cop 21, il n’aura glané comme unique breloque que l’abandon définitif du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes.
Pour les autres dossiers (glyphosate, huile de palme, démantèlement du nucléaire…) il n’aura obtenu que des désillusions, au mieux des demi-défaites. S’en vint le vert Hulot (sans vin le verre eut l’eau) et repartit, en songeant à tous les combats qui resteraient à mener pour que cette planète soit encore respirable. Il songe à tous ces reniements gouvernementaux, à en oublier cette triste parenthèse, accusation de harcèlement sexuel parue, le 9 février, dans le journal Ebdo ! Une infâme rumeur colportée par une ex collaboratrice de sa fondation ! Une femme qui avait, in fine, démenti !
Nicolas va retrouver sa Bretagne, Saint Lunaire, les embruns de l’océan et cette côte qui émeut, rode en son âme triste.
Au bord de l’amer, le cœur un peu vague, en songeant à démarrer…un nouveau combat.