Il est articulé autour d'une série de tableaux qui composent une histoire d'amour entre un homme et une femme mais aussi entre un couple et la ville lumière.
La chanson de Brassens ne figure pas dans leur répertoire mais Tout est bon chez eux, il n'y a rien à jeter ... si ce n'est le moment du rappel, mais c'est un avis personnel.
Chapeau pour la chorégraphie, les lumières, les arrangements et le travail vocal ... Ce spectacle en forme d'hymne est un bijou.
Tout commence dans le noir d'une caverne en nous racontant la légende de la marque de l'ange (le sillon sous-nasal serait l'empreinte d'un doigt imposant le secret sur les origines) qui justifie qu'on se situe dans le territoire de la mémoire.
Les enchainements d'extraits de chansons (plus ou moins connus, mais toujours reconnaissables) se suivent avec un a-propos émouvant. On commence en toute logique par le Tourbillon de la vie immortalisé par Jeanne Moreau et chanté dos au public :
On s'est connu, on s'est reconnuOn s'est perdu de vue, on s'est r'perdu d'vueOn s'est retrouvé, on s'est réchaufféPuis on s'est séparéChacun pour soi est repartiDans l'tourbillon de la vieOn s'est toujours ratés dit-elle en se retournant. L'emploi de micro HF nuit à l'intimité, instaurant une distance, mais j'ai compris plus tard que la sonorisation est indispensable en raison de la puissance de l'accordéon. On s'y habitue d'ailleurs, au bout de quelques minutes.
L'action se situe, en 1995, à Paris, évidemment ... Caryn enchaine avec un titre immortalisé la même année par Marie-Paule Belle :Lorsque je suis arrivée dans la capitale
J'aurais voulu devenir une femme fataleMais je ne buvais pas, je ne me droguais pasEt je n'avais aucun complexeJe suis beaucoup trop normale, ça me vexeJe ne suis pas parisienneÇa me gêne, ça me gêneJe ne suis pas dans le ventC'est navrant, c'est navrantAucune bizarrerie
Pour la bizarrerie permettez qu'on s'étonne de son sac à main, d'un très jolie rose, mais il s'agit tout de même d'une caisse à outils. La customisation humoristique atteint un sommet, et semble pourtant naturelle. Suit À Paris, une chanson française écrite en 1946 par Francis Lemarque, reprise ensuite par Yves Montand :Y a toujours des taxis en maraudeJe ne suis pas nymphomane mais mon obsession c'est le sexeElle enchaine, sans surprise par Les nuits d'une demoiselle de Colette Renard en enfilant malicieusement des petits canards sur une écharpe pour s'en faire un collierE avant de revenir sur les paroles de la Parisienne.
C'est au tour de Sébastien de nous emmener à la campagne, Made in Normandie. Elle répond, en anglais bien sûr, avec les paroles de Björk (encore l'année 95) :It's oh so quiet Shh shhIt's oh so still Shh shhYou're all alone Shh shhAnd so peaceful until You fall in love
On remonte le temps. Nous voici en 1939, et la fille de joie est triste (L'accordéoniste de Piaf). Je ne suis pas totalement certaine mais il se peut qu'il y ait eu Sweet Caroline de Neil Diamond dansé sur des pas de Madison avant Je vais t'aimer de Michel Sardou ... à faire pâlir tous les marquis de Sade, ce à quoi l'homme répliquera avec Que je t'aime de Hallyday.
Caryn est loin de perdre ses moyens comme le prétend Sia (Chandelier) et Sébastien la taquine avec Les petites femmes de Pigalle. Ce qui est très bien c'est que les extraits des chansons ne commencent pas forcément au début. Les paroles sont parfaitement tricotées pour se répondre.
Malgré son attirance pour les femmes de Pigalle, il jure n'avoir jamais été Don Juan. Elle l'appelle Marcel et on ne s'étonne pas qu'elle implore qu'on le lui laisse encore un peu (Mon dieu, Edith Piaf) avant d'évoquer ensemble Sylvie Vartan :Da dou ron ron ron, da dou ron ronOui, mon amour est mortOui, bien sûr j'ai eu tortOui, j'aimerai encoreDa dou ron ron ron, da dou ron ron
1917 La vérité depuis toujours c'est d'être aimé en retour. Elle change de tenue et revient avec Anton, Boris et moi (Marie Laforêt) qu'elle danse un peu entravée, mais très artistiquement. On reconnaitra Histoire d'un amour de Dalida puis la Maritza (encore Vartan) et Le temps des fleurs.
Gillian Hills, star des années yéyé françaises, chantait il y a 50 ans le tube Zou bisou bisou, dont on a oublié le bruit et que tous les deux interprètent en connivence. Un rendez-vous raté, 17 rue de Clichy, n'empêchera pas la déclaration d'amour à Paris. Il siffle on s'est connu, reconnu, perdu de vue (Le tourbillon de la vie) et elle enchaine avec la chanson Sur ma drôle de vie (Véronique Sanson). Après cela, on est d'accord : all you need is love and understanding comme le chantait Roger Glover, dans Love Is All en 1974.
Penserons-nous que ces déclarations sont ... Ces mots stupides, (créée en 1965 par Sacha Distel qui la reprit plus tard avec Lara Fabian) je t'aime. On le sait, On peut vivre sans richesse, mais vivre sans tendresse on ne le pourrait pas ... il n'en est pas question le chantait Marie Laforêt.
Aux saluts, on nous offre un bonus très surprenant, en rupture avec ce qu'on vient d'entendre : Paris t'es dégueulasse, un vieux débri (avec une gouaille un peu éloignée de la version originale de Ginette Garcin, sur des paroles de Jean Yanne). C'est le seul moment du spectacle avec lequel je ne suis pas en phase. Cette chanson a beau appartenir à la bande originale intégrale du Film Les Uns Et Les Autres (1981) de Claude Lelouch dont la musique est signée des immenses compositeurs Francis Lai et Michel Legrand.
On nous dit que ce bonus est là pour rire. Tant qu'à choisir du décalé, j'aurais préféré quelque chose de plus proche de Paris T'es Belle de Mickey 3D.
Comédienne, chanteuse, auteur et coach vocale, Caryn Trinca a un parcours très riche. Celui de Sébastien Debard n'est pas moins prestigieux. La direction musicale est signée de Vincent Heden avec qui Caryn avait fait Ça sent le roussi que j'avais vu en 2015.
Avec Caryn Trinca (chant) et Sébastien Debard (chant et accordéon).
Mise en scène et chorégraphies : Valérie Masset
Direction musicale : Vincent Heden
Création lumières : Jacques Rouveyrollis assisté de Jessica Duclos
Sound designer : Alain Benani
Décor : Thomas Lemierre
Au théâtre de la Contrescarpe, 5 rue Blainville, 75005 Paris
01 42 01 81 88
Du 7 juillet au 15 septembre 2018
Les samedi et dimanche à 18 heures (relâche le 5 août et le 9 septembre)
Les lundi d'août à 20 heures, puis les lundis 3 et 10 septembre à 21h30
Les photos qui ne sont pas logotypées A bride abattue sont de Franck Harscouet