Amélie Cordonnier, Trancher, Flammarion, 29 août 2018, 160 pages, 17€.
" Tu as toujours fait des listes. Petite, tu notais le nom de tes poupées, des copains à inviter, despotes que tu voulais monter, les mots inconnus à chercher dans le dictionnaire et tou les cadeaux d'anniversaire dont rêvait Anna. (...) Quand les enfants sont nés, d'autres listes se sont ajoutées. Celles de la semaine et du week-end, celles des corvées et des réjouissances à venir. Les horaires des biberons, puis ceux de la danse, (...) les films, les spectacles et les expos à ne pas manquer, les fêtes à ne pas oublier : toutes ces listes-là, tu les as faites. Souvent de ton plein gré. Des listes d'insultes, en revanche, ça jamais tu n'en avais fait. "
Le premier roman d'Amélie Cordonnier commence sur ces mots. Ils sont d'une violence terrible et le roman continue sur cette lancée. La narratrice vit avec un homme, Aurélien. Ils ont deux enfants. Sauf que ça recommence. Pendant sept ans, elle a été tranquille, elle a eu une trêve, avant que les insultes ne reviennent. Aurélien a recommencé à l'insulter. Une histoire de miettes :
" Ferme ta gueule une bonne fois, si tu veux pas que je la réduise en miettes. "
Sa meilleure amie se demande pourquoi elle reste, elle lui dit de partir, de sortir de ce cycle infernal. Sa famille sent l'air glacial entre les deux. Chaque jour qui avance est une nouvelle épreuve pour cette femme qui voudrait partir, mais qui a ses enfants. Elle ne peut pas. Matériellement, c'est compliqué, et surtout psychiquement. Il y a toujours cette petite phrase au fond qui dit de rester, d'attendre, que c'est une passade, qu'il va redevenir comme avant...
Amélie Cordonnier attaque un sujet difficile, car déjà traité des dizaines de fois. Et là est justement sa réussite. Amélie Cordonnier tient le pari et le remporte. Son roman est violent, fort. On ne le lâche pas avant d'avoir atteint la dernière page. On tremble avec son personnage. On a peur pour elle, on voudrait l'aider. Je crois que le coeur de la littérature se trouve aussi ici : être en empathie avec un personnage au point de vouloir lui porter secours. Un premier roman dont on va entendre parler dans les prochaines semaines...
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