Alors qu'hier je publiais un billet sur Aspirine, l'héroïne vampire imaginée par Joann Sfar, il est amusant de constater que Fluides nous promet une comédie mortellement drôle dans un univers qui se situerait entre Tim Burton et Michel Audiard, sans parler de La nuit d'Eliott Fall qui se joue au Théâtre du Roi René.
Le surnaturel reste une valeur sûre.
La scène du Coin de la lune est vraiment petite. Et pourtant on a réussi à imaginer un décor qui évoque un bel appartement parisien, dans un "bon" quartier, offrant une jolie vue sur les toits et un horizon plutôt romantique. La nuit vient de tomber. L'action se passe peut-être l'été, par une chaleur caniculaire ... Jean Eudes Bregnac (Esteban Perroy) directeur des éditions de l'Emeraude, 40 ans, rentre d'un vernissage après une journée dense.
Un orage déchire le ciel. La tentation d'aller jeter un oeil sur le balcon est forte mais peu raisonnable. L'homme y est sans doute électrocuté. Il titube et s'effondre sur son canapé. Pourra-til demain se lever à l'aube pour aller chercher sa mère à l'aéroport ?
On sonne à la porte. L'intrusion soudaine d'un hôte indésirable (Guano) bouleversera l'ordre établi. Il faut se rendre à l'évidence, personne ne lui joue une farce de type caméra cachée. Le visiteur n'est pas un être humain, mais la Mort en personne.
Il s'emploie dans les dialogues à traiter la question philosophique du rapport que l'homme entretient avec la mort dont il arrive à intégrer le concept dès lors que la mort n’est pas la sienne.
Et surtout, tout en étant dans un registre constamment à la lisière entre réalisme et fantastique, il s'emploie à nous distraire de toutes les façons possibles. Par le jeu (Esteban Perroy est aussi directeur de l'école française d'improvisation et je ne serais pas surprise d'apprendre qu'il retouche le texte régulièrement), le choix du comédien qui interprète la mort (et dont la pâleur lui donne un air de Dracula) et l'interprétation (il faut entendre la mort miauler et l'éditeur aboyer !). Par les effets (la voix off de Marianne James apporte une autre dimension).
Par les dialogues avec notamment un quizz très savoureux. La mort exprime ses coups de blues, ses agacements (la concurrence des harakiris) et son niveau de fatigue (à force d'être partout sans répit il est décalqué par le jetlag). Il en deviendrait vite sympathique. En tout cas il nous fait rire.
Les apparences seront trompeuses et le suspense est entretenu jusqu'au bout.
Mise en scène : William Mesguisch
Avec Esteban Perroy, Guano, et la voix de Marianne James
Musique : Maxime Richeline
Lumières et décors : Gaël Orfilia
Texte paru en juin 2018 aux éditions théâtrales Les Cygnes
Du 6 au 29 juillet 2018 à 20 h 40
Au Théâtre Au Coin de la Lune • 24 rue Buffon • 84000 Avignon • Tél : 04 90 39 87 29