Avec plus de 16 millions de victimes enregistrées en 2017 (aux États-Unis), la fraude à l'identité, sous ses multiples formes (vol, usurpation, détournement…), représente un des fléaux de l'ère numérique. Le sujet attire donc naturellement les appétits des assureurs, qui y voient une opportunité d'enrichir leurs catalogues de solutions. Cependant, comme avec toutes leurs tentatives plus générales autour des cyber-risques (qu'il s'agisse de sécurité informatique, d'e-réputation, etc.), les progrès sont encore timides.
Le défi à relever est en effet immense et il ne se limite pas à appréhender un domaine nouveau, sur lequel les actuaires manquent de recul, rendant difficile la détermination des conditions de couverture et d'indemnisation. Il implique également pour la compagnie de s'immerger dans les technologies qui sont au cœur de la gestion d'identité, d'autant plus qu'il n'est plus question pour elle de se « contenter » de proposer des garanties en cas de sinistre : l'anticipation et la prévention sont au moins aussi cruciales.
Autant de raisons pour lesquelles Allstate a donc préféré intégrer un acteur existant – au prix fort – plutôt que de chercher à développer elle-même les compétences nécessaires. Elle disposera ainsi, dès la conclusion de la transaction, d'une offre complète destinée aux entreprises (car le modèle d'InfoArmor est conçu comme un avantage mis à la disposition de leurs salariés), incluant surveillance du web souterrain, des établissements de scoring et des réseaux sociaux, détection de fraude, plans de remédiation…
Plus profondément, l'enjeu est aussi – certes peut-être indirectement ou ponctuellement, à ce stade – de faire évoluer le fonctionnement des métiers de l'assurance. Comme on l'entend déjà régulièrement dans le secteur bancaire, il devient impératif de passer à un véritable statut d'entreprise technologique, capable de répondre aux attentes de ses clients par la mise en place d'outils informatiques adaptés, de l'analyse de données qui en constitue le fondement jusqu'à la relation client sur le web et sur mobile.
Aujourd'hui, la nécessité de cette transformation est évidente pour la cyber-assurance, demain, elle le sera tout autant dans tous les champs d'intervention. Quand l'automobile sera intégralement pilotée par des algorithmes, quand l'habitation sera surveillée en temps réel par une batterie de capteurs, quand la santé sera systématiquement assistée par l'intelligence artificielle… tous les produits d'assurance – qui seront alors avant tout des assistants de prévention – reposeront entièrement sur des logiciels et des robots.