Analyse d’American States Water Co (AWR:NYQ)

Publié le 28 août 2018 par Chroom

Une fois n'est pas coutume, je vais revenir sur un des mes anciens titres payeurs de dividendes croissants, American States Water, une entreprise US de services publics (eau et électricité). Ce dernier est un aristocrate, avec 64 années consécutives d'augmentation du dividende, excusez du peu. J'avais acheté ce titre en 2013 et je l'ai revendu il y a un an, peut-être un peu tôt, à en juger la performance depuis-là. Un de mes lecteurs a pris contact avec moi pour me demander ce que j'en pensais. En effet ,il a reçu une recommandation de vente de la part de sa banque. D'habitude je suis assez circonspect par rapport aux mots d'ordre de ces dernières, cela a donc suffi pour me titiller. Etant vendeur il y a un an, avec un cours qui a encore bien progressé depuis, je devrais logiquement toujours être du même avis. Mais si une banque émet une recommandation de vente, alors mon côté contrarian aurait plutôt tendance à me pousser à acheter. Une seule manière d'en avoir le cœur net : il faut que je fasse mes devoirs. Donc allons-y.

Valorisation & dividende

AWR se négocie à un prix particulièrement dissuasif. Le cours se monte en effet à :

  • 32 fois les bénéfices récurrents courants
  • 35 fois les bénéfices récurrents moyens
  • 4.2 fois les actifs tangibles
  • 5 fois les ventes
  • 70 fois le free cash flow courant
  • 81 le free cash flow moyen

C'est intenable ! L'EBITDA se monte seulement à 6.4% de la valeur de l'entreprise. C'est très cher tout ça...

Du point de vue du dividende, le rendement n'est pas énorme, avec seulement 1.65%. Avec un tel montant, on pourrait s'attendre à un ratio de distribution très prudent, mais pourtant ce dernier se monte tout de même à:

  • 53% des bénéfices courants
  • 58% des bénéfices moyens
  • 114% du FCF courant
  • 134% du FCF moyen

Ok, me direz-vous, c'est un aristocrate, et pas des moindres. Néanmoins, si l'entreprise n'arrive pas à faire progresser de manière substantielle son bénéfice et son FCF à l'avenir, AWR va avoir de la peine à augmenter son dividende aussi bien que dans le passé (11.3% de croissance annuelle moyenne ces cinq dernières années). Il est à noter d'ailleurs que ces cinq dernières années le dividende a progressé presque deux fois plus vite que le bénéfice, ce qui n'est évidemment pas tenable sur le long terme.

Bilan & résultat

Nous avons vu que les dividendes ont bien progressé ces dernières années et le bénéfice un peu moins. En ce qui concerne les actifs, leur valeur augmente sur un rythme très lent. Quant aux réserves de liquidités elle sont sur la pente descendante. AWR crée de la valeur, mais en demi-teinte, tandis que le cours surperforme outrageusement, puisqu'il a plus que doublé ces cinq dernières années. Evidemment, là aussi, une telle divergence n'est pas tenable sur le long terme, surtout avec les niveaux de valorisation que nous avons vus ci-dessus.

Sans surprise, les réserves de liquidités sont faibles, avec un current ratio de 0.99 (en légère hausse quand même) et un quick ratio de 0.69. La marge brute par contre est énorme, avec 80% (en très légère baisse), pour une marge de free cash flow de 7.26% et une marge nette de 15.65%. Rien à redire donc à ce niveau-là, bien au contraire.  Même son de cloche au niveau de la rentabilité, qui est bonne, avec un ROA de 4.87% (en hausse), un ROE de 13% et un CFROA de 10.23%.

Le taux d'endettement à long terme par rapport aux actifs est important, avec 22.65% (en hausse). Heureusement les dettes ne représentent que 0.72 fois les fonds propres. Par contre, il faudrait tout de même 14 ans à AWR pour rembourser l'intégralité de sa dette en ayant recours à son free cash flow. C'est évidemment très long.

Point intéressant à relever, en plus de la politique de dividendes croissants, l'entreprise rachète également régulièrement ses actions, ce qui permet de concentrer l'avoir des ses actionnaires. AWR se comporte donc comme une société soucieuse du porte-monnaie de ses propriétaires 🙂

Conclusion

AWR est évidemment une entreprise profitable, avec de marges substantielles, une bonne rentabilité et de faibles frais généraux. La dette est importante, mais demeure correcte par rapport aux fonds propres. Par contre AWR a de la peine dégager du FCF ce qui s'explique par des nécessités importantes de dépenses en équipements. Les réserves de liquidités en font notamment les frais.

Certes AWR, de par son histoire, sa taille, sa rentabilité et ses marges, a peu de risques de faire faillite. Le Z-Score d'Altman, de 2.1 la place d'ailleurs dans la zone grise. Pas de sécurité absolue, mais pas non plus de gros danger immédiat. Le F-Score de Piotroski, de 7, nous dit même que l'entreprise est plutôt solide.

Du point de vue des fondamentaux c'est donc pas mal. Rien d'extraordinaire, mais pas mal quand même. Le problème c'est vraiment le prix. On dit que lorsque le ratio cours/ventes dépasse trois il faut vendre. Là on en est à cinq. Je vous laisse juger... Vous me direz que le titre possède un faible beta, avec seulement 0.09. Mais un faible beta ne veut pas dire qu'un titre n'est pas volatil, juste qu'il varie peu en fonction du marché. Alors même que le titre n'a fait presque que monter ces 12 derniers mois, sa volatilité s'est élevée à 21.85%. Je n'ose pas imaginer lorsque ça commencera à descendre. Je ne serais pas étonné que le cours soit divisé par deux.

Je n'aime pas à devoir dire ça, mais cette fois la recommandation de vente émise par la banque en question me paraît tout à fait justifiée! Est-ce que le monde de la finance aurait changé? Serait-il devenu sage? My God. Tout fout le camp!!!