J’ai trouvé ces deux poèmes d’Etienne Faure (né en 1960, vit à Paris) dans le recueil Tête en bas paru chez Gallimard en 2018. Bien que j’aie eu un peu de mal à rentrer dans ce recueil et que cet univers soit assez éloigné du mien, je reconnais que son style est très maîtrisé et que c’est un livre qui vaut la peine qu’on s’y arrête.
Mais je vous laisse vous faire votre propre opinion :
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Quelques minutes sans parler de vie ni de mort,
des vieux poursuivaient de l’index la lecture,
par la grâce de la myopie enfermés dans les mots,
simples alinéas, maigres textes – un journal –
interrogeant du doigt pour savoir
où va l’article, en est l’idée, la pensée qui précède
avant le noir complet, c’était l’hiver,
les jours au plus bas
– la situation internationale, page 7,
la météo, la grille de mots,
un rapide coup d’oeil à la nécrologie
puis à la fenêtre encore aveuglante
de toute la neige qui ce matin avait rajeuni
le paysage,
tombée neuve, un peu hors du temps,
avant retour à l’abstraction, doigts noirs
accrochés aux nouvelles du monde.
journal d’hiver
(page 112)
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Organe au principal du goût
la langue à la fois requise pour tester
le vin d’un claquement sec, en parler
puis goûter, en reparle – en cause –
avec quelques tournures, un accent
dans un mime hésitant entre les deux rôles,
d’assaillie devenue assaillante
par les papilles, non, la parole
dans tous ses états défendant un sens
pour n’en perdre l’usage en sa double acception,
la langue à la fois qui pique et ouvre à la saveur
et celle en devenir qui donne sa position
sans quoi la bouche est un moyeu où la langue,
privée de sens, en fait de glose,
depuis le O du gosier jusqu’aux lèvres
le soir aura tourné pour rien.
position de la langue
(page 51)
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