Plus jeune, je n’étais pas des plus assidu au sujet de la scolarité. La perspective de passer du côté du corps enseignant ne m’a jamais vraiment effleuré l’esprit, si ce n’est éventuellement pour la perspective d’une belle quantité de congés…
Alors à 34 ans et en plein mois de juillet, alors que les rattrapages du BAC sont déjà terminés, j’ai du mal à me faire à l’idée que j’emmène 6 jeunes de 14 à 18 ans à l’école.
Ceci dit, le programme de cette école est un peu différent de ceux en vigueur à l’Education Nationale. Les matières se déclinent comme suit:
En LV1 Anglais, vous apprendrez à maitriser votre jeu de friends du #0.3 au #3 Camalot.
Les Mathématiques seront appliqués à la triangulation de relais et à l’inclinaison des couloirs.
La Physique nous permettra d’appréhender les facteurs de chute qui s’appliquent au grimpeur de tête. Au besoin quelques expériences pratiques peuvent venir confirmer les théories échafaudées.
En Chimie, nous étudierons l’eau sous différents états: Solide(neige et glace), liquide (pluie), gazeux (on cherchera…)
Le Français permettra de s’y retrouver parmi les nombreux et précis termes des topos d’antan.
La Philosophie viendra à notre secours quand, un peu au-dessus du point, nous nous demandons pourquoi nous ne sommes pas à la plage comme tout le monde!
Alors direction le massif des Ecrins pour un stage d’alpinisme avec une joyeuse troupe d’alpiniste en herbe!
Nous commençons par la belle montée du Refuge Adèle Planchard, qui ne demande que 5h30 d’efforts répartis sur quelques 1500m de dénivelée:
C’est le souffle coupé (par la beauté des paysages bien sûr!) que nous poussons la porte de ce charmant refuge perché à 3169m.
Le lendemain réveil 5h pour affronter la magnifique Arête Sud de la Pointe Brevoort 3765m, point culminant du massif de la Grande Ruine.
Les jeunes sont partagés entre un grand enthousiasme propre à leur âge et une petite inquiétude face à cette course complète et sérieuse qui se présente à eux.
En se mettant en marche tout se met en place, c’est le moment de ressortir les enseignements des sorties de l’année: Encordement long à 3 ou 4 sur le glacier puis trois cordées de deux pour se lancer sur l’arête.
Le terme « Grande Ruine » n’est pas des plus flatteur pour un sommet alpin. En parcourant cette arête sud, on est en droit de se demander pourquoi un qualificatif si peu valorisant.
Si ce n’est 10 minutes de terrain peu agréable à l’attaque, le rocher est excellent. Sculpté et d’une belle couleur orangée, il offre de bonnes prises tout du long, dans une ambiance ensoleillée et aérienne, c’est un régal. Les protections sont bonnes, nombreuses et faciles à placer, on ne se sent jamais mal. Sur la deuxième partie de l’itinéraire, luxe rare, vous pourrez choisir entre rester sur l’arête pour corser l’affaire et jouir d’une ambiance gazeuse ou la longer dans un terrain aisé afin de vous reposer.
Les enseignements de l’année ont porté leur fruits semblent-il. Les jeunes gèrent leur course d’une main de maître. L’itinéraire est débusqué petit à petit sans faux-pas. La corde s’enroule et se déroule au gré du terrain. Tendue et courte dans les jonctions, les becquets sont mis à contribution. D’un relais à l’autre dans les sections dures les longueurs s’enchaînent sans peine.
Le panorama est des plus supportable, le massif des Ecrins sort le Grand Jeu!
En premier, la Barre et le Dôme des Ecrins, bien sûr. Puis, petit à petit, tout le monde s’y met. Les Agneaux pointent à gauche, Neige Cordier, Roche Paillon et Roche Faurio s’imposent devant, puis viennent les Ailefroide, les Bans, les Rouies…
Arrivés au sommet, la vue vers le nord se dégageant enfin, sa majesté la Meije nous accorde un regard en coin.
La descente par la Voie Normale est très confortable, une arête facile à descendre puis un rappel bien installé nous amènent sur le glacier, encore bien enneigé en ce début juillet. Quelques glissades plus bas nous récupérons notre trace de ce matin et sommes au refuge en un rien de temps.
Ce refuge est doté de nombreux atouts. Son emplacement en balcon lui confère tout à la fois un ensoleillement et une vue exceptionnels. Sa marche d’approche sérieuse le protège des assauts de la foule et maintient une ambiance sauvage et reculée. Les courses alentours, de difficulté et d’ampleur raisonnables, permettent de prendre le temps pour savourer ces instants passé là-haut. Et, Last but not least, (n’oubliez pas que nous sommes à l’école, notion de LV1 SVP), ce refuge a su attirer de charmantes gardiennes. Elles accueillent avec chaleur, cuisinent avec saveur, conseillent avec rigueur, le tout dans la douceur, c’est un vrai bonheur.
Nous y passerons encore une nuit afin de profiter de ce petit havre et célébrer notre belle journée comme il se doit. Cela avant de rallier le refuge du Pavé pour la suite de notre stage où des aventures d’un autre ordre nous attendent…
Stage alpinisme réalisé dans le cadre de l’Ecole d’aventure du CAF d’Annemasse, les 9, 10 et 11 juillet 2018.
Le topo sur CamptoCamp de l’arête sud de la Pointe Brevoort (Grande Ruine):
www.camptocamp.org/routes/54458/fr/grande-ruine-pointe-brevoort-arete-s
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