L’exposition Country Life – Chefs-d’oeuvre de la collection Mellon du VMFA revient sur un moment de la civilisation occidentale, lié à la Révolution industrielle et l’essor des classes bourgeoises, qui tend à faire de la campagne un lieu voué à la villégiature. Selon le modèle de la country life, issu de la culture britannique, la terre, l’animal domestique – et en particulier le cheval – voient leur valeur productive associée à une valeur récréative. La campagne devient un espace de loisir pour toute une classe sociale généralement issue des villes et entretenant la nostalgie d’une ruralité idéalisée.
En Angleterre, dès la fin du xviiie siècle, les sports équestres connaissent un remarquable développement (courses, chasses à courre). Paradoxalement, cela coïncide avec le moment où l’industrie naissante tend à imposer la victoire des chevaux-vapeur sur leurs compétiteurs animaux. Un genre artis- tique, particulièrement bien représenté dans l’école anglaise, la sporting paintingreflète cet engouement du groupe social dominant. Celui-ci va essaimer son modèle culturel vers les autres nations occidentales au gré du courant d’anglophilie qui caractérise le xixe siècle. De ce côté-ci de la Manche, les peintres français, impressionnistes notamment, témoignent d’un autre aspect de la vie à la campagne. Ils révèlent comment, à proximité des villes, l’espace rural est investi par la petite bourgeoisie qui s’y adonne aux loisirs de plein air prônés par les théories hygiénistes.
Poursuivant la tradition familiale, le milliardaire et amateur d’art Paul Mellon (1907-1999) a collectionné avec passion. De manière symptomatique, les œuvres qu’il a rassemblées traduisent son attachement à un mode de vie en voie d’extinction. Certes, Mellon est lié à la tradition anglaise par sa mère, mais son héritage paternel l’assimile au monde de l’industrie et de la finance américain. Doté d’immenses moyens et voué à une vie sociale dans le milieu des affaires, il fait le choix d’une certaine ruralité. Avec Bunny, son épouse, ils vont s’appliquer à transposer au cœur de la campagne de Virginie le mode de vie des gentlemen farmers. Dans leur domaine d’Oak Spring, Bunny donne libre cours à son goût pour le jardinage, tandis que Paul élève des chevaux de course. Saturant les murs du cottage, leur collection de peintures illustre cette relation rêvée à la nature, aux antipodes de l’agriculture industrielle qui, au même moment, transforme radicalement le paysage rural.
Exceptionnellement, les chefs-d’œuvre qu’ils ont ainsi rassemblés et qui ont été légués au Virginia Museum of Fine Arts (VMFA), se retrouvent au musée de la Chasse et de la Nature. Ils peuvent être appréciés dans une perspective d’histoire de l’art. Mais ils témoignent également de l’éveil dans la culture occidentale d’une nouvelle sensibilité à la nature consécutivement au développement industriel et à l’urbanisation.
Musée de la Chasse et de la nature – 62, rue des Archives 75003 Paris
DU 4 SEPTEMBRE AU 2 DÉCEMBRE 2018
Photo : © Virginia Museum of Fine Arts (VMFA)