J'aurais pu voir ce Diner de famille au Palace, pendant le festival d'Avignon mais un emploi du temps plein à craquer m'a décidée à le réserver pour une soirée estivale puisqu'il était à l'affiche du Théâtre d'Edgar. Et il va longtemps y demeurer parce que la pièce confirme son succès.
Avoir résisté à la Coupe du monde de football et à la canicule est un indice de qualité. Les bonnes comédies sont suffisamment rares pour qu'on leur accorde un intérêt particulier.
La première partie se déroule dans le décor réaliste d’un appartement typiquement masculin. Alex (Joseph Gallet) nous fait la confidence que pour son anniversaire il a décidé d’organiser un diner "tranquille" avec ses deux parents. Apprenant que cela fait dix ans qu’il n’a pas revu son père (Jean Fornerod) on comprend qu’il a dû user d'un gros subterfuge pour le faire rappliquer. La ficelle est énorme, il a prétendu être à l‘article de la mort et il aura du mal à soutenir la conversation sans se couper devant sa mère (Emmanuelle Gracci) qui le croit "simplement" victime d’une entorse.
Tout sépare Franck (le père) et Béatrice (la mère) dans cette famille peu ordinaire. Pourtant le trentenaire continue à croire que fonder une famille n'est pas irréaliste. Il a besoin de rassembler ses parents pour leur annoncer la grande nouvelle : il va se marier et les veut comme témoins.
S'agissant d'une comédie nous aurons droit aux quiproquos et rebondissements de situation en tous genres servis par trois excellents comédiens (mais il parait que la seconde équipe est du même niveau). Les parents vont évidemment se déchirer comme au bon vieux temps. Et surtout régler leurs comptes.Le père est certes présentateur à la télévision mais le concept de son émission, Vis ma vie, s’est essoufflé et il se trouve désormais sur un siège éjectable. Il a été absent, physiquement, depuis la naissance d'Alex. La mère ne vaut guère mieux. Elle écoute son fils d’une oreille distraite, préoccupée par les enfants qu’elle a eu de son second mariage. Plutôt inconsciente quand elle revient de la cuisine affublée d’un tablier ... Oh, je ne vous le décris pas mais l'effet est terrible.
Tout le monde dit plaisanter mais chacun grince des dents. La famille est un sujet toujours très riche. Le père ignore ce qu’est un câlin. La mère a un franc parler très alerte : Arrête ton char, y a ben Hur qui fait du stop !Alex emploie en toute logique beaucoup d’expressions à double sens, je vais mourir, s’enterrer ici, c’est mort, qui effraient son paternel, morose et presque déjà déprimé. Il faut voir la tête du fils soit-disant à l’agonie ... et les larmes de la mère désespérée !
Après l’anniversaire, la famille devra affronter un autre effet d’annonce avec le mariage, qui ne sera pas classique (n'oublions pas que nous sommes dans le registre de la comédie) prétexte à ce que ses parents lui organisent son enterrement … de vie de garçon.
Les dialogues sont très vivants, et plutôt inventifs. On les doit à Joseph Gallet, alias Alex (que je soupçonne d'en rajouter le soir de ma venue, mais c'est si bien fait que c'est un régal) et Pascal Rocher.
Les personnages évoluent tout au long de la pièce qui jamais ne s'essouffle. Et le public se réjouit de les voir s'accorder ... d'une certaine manière : On va vivre tout ce qu’on n’a jamais vécu pour avoir l’impression d’avoir une vie normale. le souci est qu'ils ne savent ni faire, ni faire semblant, à moins que leur rejeton ne fasse preuve de terrorisme affectif.Le résultat ne se fait pas attendre. Les voilà au volant d'une voiture imaginaire, en route pour de nouveaux horizons. Il faut dire que (et ce n'est pas un exemple à suivre) les bouteilles de rosé se suivent témoignant qu'In vino veritas. On jurerait avoir sur scène Freud et Dolto en train de prendre l'apéro.
Plusieurs moments de "folie" ponctuent la mise en scène de Pascal Rocher. En particulier une chorégraphie délirante sur le fameux titre de Barbra Streisand et Donna Summer - No More Tears (Enough is Enough) qui a été chaleureusement applaudi.
Alex a beau estimer avoir été bâclé, on doit reconnaitre que tout est , bien au contraire, très soigné.Après un changement de décor nous avons droit à une seconde partie, radicalement différente au cours de laquelle le public sera gentiment bousculé. Chacun son tour dans cette soirée qui fait la peau aux idées reçues !
Dîner de Famille de Pascal Rocher et Joseph Gallet
Mise en scène de Pascal Rocher
Avec (en alternance) : Emmanuelle Gracci, Jean Fornerod, Joseph Gallet, ou Carole Massana,
Emmanuel Donzella et Matthieu Coniglio
Au Théâtre Edgar • 58, boulevard Edgar Quinet • 75014 Paris • Tél : 01 42 79 97 97
Jusqu'au 31 décembre 2018 et en tournée dans toute la France.
Le soir à 19 ou 21 heures (une semaine sur deux) et le dimanche à 17 h 30