S'il est un titre qui porte admirablement son nom c'est 'Melancholia' ouvrant le premier disque, après une intro digne des tangos les plus sombres d' Astor Piazzolla, la douce voix, aux consonances David Linx, de Loïs Le Van dévoile les émois de son coeur solitaire, quelques lignes de guitare lyriques, comme peut en produire Pat Metheny peignant un coucher de soleil, agrémentent la plage, quant au saxophone, il reste en demi-teintes. L'ensemble prête aux songes, à la contemplation, à la lecture de John Keats ou de William Wordsworth, avec comme toile de fond 'I lock my door upon myself' de
'Charlie' trempe dans le même bain, les touches impressionnistes peuvent rattacher les protagonistes à l'école de Barbizon, mais, comme leur CI mentionne "belge", on préfère avancer l'Ecole de Tervueren.
Du cerveau fécond de Tom Bourgeois, qui, à l'instar d'Henri Michaux, dessine des figures étranges, hallucinantes, semblant sautiller sur la voûte cérébrale.
Des allusions à l'art pictural... ben, oui, c'est ce que t'inspirent ces compositions!
Mingus n'est pas considéré comme un adepte du jazz confortable, son côté aventureux ne pouvait que séduire Tom Bourgeois et sa clique.
'The Old Father and the Polaroid' a été composé par le chanteur du projet, une nouvelle fois les intonations rioplatense de l'accordéon renvoient vers les plus grands interprètes argentins, dont l'âme a souvent souffert du déracinement: El Morocho de Abasto, Tano Genaro, Piazzolla...
Non, Jef t'es pas tout seul, mais arrête de pleurer comme ça devant tout le monde...
Il ne s'agit pas du même 'Jeff' , cet instrumental, à l'amorce suave, monte petit en puissance pour tenailler ton esprit et ne plus le lâcher.
Une musette?
'Les petits cailloux' pour amateurs d'airs désuets et d'Yves Montand, quand il se fait tendre.
On passe à une seconde plage signée L Le Van, 'Transience', une tranche de jazz autour de minuit, poussée par un sax languissant.
Là-haut, Chet Baker a ressorti sa trompette pour satisfaire des anges pas tous déchus.
Le CD 1 s'achève par ' Winter', une dernière figure de chamber jazz, pour paraphraser la manière dont Tom décrit sa musique. La voix de Loïc se balade en vocalises sur un tapis neigeux, tandis qu'une bise vive souffle dans le sous- bois où tu te promenais en pensant que t'aurais pu enfiler des moufles.
Les dernières notes expirent, tu rentres chez toi pour te servir un Armagnac et glisser à nouveau le volume 1 dans le lecteur!
Disque 2
Le second palet consiste en une relecture du "Quatuor à cordes en fa majeur" de Maurice Ravel et du premier mouvement ( modéré) de "La Sonatine" que le compositeur de Ciboure acheva en 1905 .
Pas de violon au menu, l'approche du groupe Murmures, si elle ne trahit pas le langage musical impressionniste de celui qui a mis Colette en musique, peut surprendre.
Les vocalises, les envolées free, proches du post-bob, du saxophone ( cf Ornette Coleman, Eric Dolphy, Rahsaan Roland Kirk ....) , l'usage d'un accordéon pour une pièce issue du répertoire classique, la fébrilité du dernier mouvement, sonnant tantôt rock, par le jeu de guitare abrasif de Florent Jeuniaux, tantôt exalté, lorsque la voix se faufile à l'avant-plan, tout peut déconcerter sans toutefois hurler à l' incohérence
Les Swingle Singers avaient bien interprété le 'Boléro' a cappella, pourquoi Tom Bourgeois ne pourrait-il pas proposer une vision plus contemporaine de l'oeuvre de Ravel.
Une limpide Sonatine' clôture l'album sur une note, mélancolique, d'une élégance raffinée.
Le concert de sortie belge de l'album aura lieu le 20 octobre à la Jazz Station ( Saint-Josse).