Il y a profusion de candidats pour affronter Anne Hidalgo aux prochaines municipales, ces derniers temps. Mais pour quel projet ?
Pour ma part, je crains l'enfumage. J'ai l'impression qu'ils veulent tous lui succéder mais qu'ils ont exactement le même programme.
Les enjeux, on les connaît : la pollution, la circulation/le transport et la sécurité d'abord. Ce sont les points centraux. On peut ajouter le logement et le statut notamment des résidences secondaires/airbnb. Enfin, la fiscalité et l'endettement de la ville sont également deux aspects importants.
Commençons par la pollution de l'air : on sait qu'en agglomération, elle est liée pour 27% au chauffage résidentiel, 25% au trafic routier, 20% aux chantiers et carrières et 14% à l'agriculture (source Airparif, Le Monde).
Toutefois, il existe des pollutions de niche bien plus concentrées : sur les axes majeurs et à proximité immédiate du Périphérique, la proportion du trafic routier bondit à 51%.
J'ai regardé les indices des six dernières années, ils sont à peu près stables. Ceci indique que les mesures prises par Anne Hidalgo pour limiter le trafic automobile ne sont pas efficaces ou en tout cas, pas suffisamment.
La difficulté, c'est que seule une diminution drastique du trafic routier permettrait un impact significatif ce qui suppose de sabrer dans la circulation. Un tel choix entre en contradiction avec la fluidité des transports. Les Parisiens motorisés n'en peuvent plus des embouteillages.
A mon avis, la seule option qui puisse réconcilier l'objectif de propreté de l'air et la mobilité, c'est la voiture propre. Le problème est que a) les voitures électriques ne disposent pas d'assez d'autonomie en dehors de la ville b) la plupart du temps, elles ne conviennent pas aux familles de plus de quatre personnes, les batteries prenant énormément de place c) elles coûtent une fortune quand elles correspondent aux deux premiers critères (ex : Tesla). Il existait des aides du gouvernement mais elles ont été réduites. La ville a donné à un moment donné un petit complément mais c'est bien trop insuffisant pour permettre l'acquisition d'une automobile électrique.
La technologie de l'hydrogène est prometteuse mais il n'existe pas de stations de rechargement et les véhocules de ce type coûtent cher.
L'alternative, c'est d'investir dans les transports de commun mais, la quadrature du cercle, c'est qu'ils sont saturés. Les métros, les RER n'ont pas été conçus pour supporter la quantité de voyageurs qu'ils doivent soutenir aujourd'hui. Développer de grandes infrastructures en région parisienne qui les allègent prend énormément de temps (cela se compte en décennies) et coûte des milliards d'euros (on chiffre avec des dizaines). Il n'y a pas d'espoir d'amélioration à court-terme de ce côté-là.
Il resterait le co-voiturage mais qui pourrait permettre des gains considérables, mais cela suppose une coordination de l'ensemble de l'île-de-France et, dans ce domaine, aucune des villes, Paris compris, ne fait d'efforts sérieux pour bâtir une plate-forme digne de ce nom avec une application de partage et des incitations fiscales. Il y a pourtant un projet à bâtir, pas forcément coûteux et bien plus respectueux de l'engagement individuel que les contraintes appliquées par l'actuelle majorité.
Par ailleurs, la municipalité se concentre sur le trafic mais ne mène aucune action sur les autres sources de pollution (le chauffage, par exemple). Plus grave : l'air du métro est bien plus pollué que l'air extérieur, et, cette fois, ce n'est pas la faute des conducteurs et des automobiles. Il a beau être plus limité en temps d'exposition, quand on atteint des concentrations de 1000µ/m3 au lieu de 80...
Sur la question de la sécurité, il y a peu d'action possible de la municipalité en dehors de la création d'une police municipale. Anne Hidalgo s'est contredit à plusieurs reprises sur ce point mais avec l'évolution de l'insécurité, elle est devenue pragmatique et s'accorde désormais avec l'idée d'une police municipale armée. Plus généralement, j'estime que ces aspects sont davantage du ressort de l'État que de la ville.
Du côté du logement, le prix d'achat continue de s'envoler, mais celui de la location est stable depuis 2014. Je ne sais pas si l'encadrement des loyers y est pour quelque chose ou non. A ce que j'ai compris, la mesure a bien stabilisé les prix mais elle a raréfié l'offre. Le compte n'y est donc toujours pas. Avec les contraintes qui sont celles de Paris (pas d'édifices de plus de 37 mètres de haut pour le logement, très petite superficie pour une capitale), je ne vois pas ce que l'on peut faire vraiment. Paris est la capitale la plus dense du monde occidental : 21 200 habitants au mètre carré ! Les Persans des Lettres persanes de Montesquieu la trouvaient déjà trop populeuse et notaient qu'ils ne mettaient pas un pied devant l'autre sans être bousculés immédiatement dans un sens ou dans l'autre.
La France est un pays très centralisé, Paris une très petite ville et en même temps très attractive. La mairie ne peut résoudre à elle seule une équation aussi insoluble sauf à permettre des immeubles d'habitation géants, mais, sur ce point, je crois que personne ne veut voir Paris défigurée.
L'une des réponses est évidemment le Grand Paris, cela fait 20 ans que l'on en parle, mais, à mon avis, outre les aspects politiques et administratifs, il ne se fera pas tant que l'île de France n'aura pas été maillée correctement en termes de transports. Comme je l'ai dit plus haut, il y en a encore au moins pour dix ans...
Restent la fiscalité et l'endettement : alors là, c'est très simple. Il faut tailler dans les grands projets et dans les embauches de personnel pour réduire l'un et l'autre. A cet égard, on devrait au moins commencer par les Jeux Olympiques. Ce n'est vraiment pas le moment et, dans tous les cas, un tel projet devrait impliquer l'île de France et non Paris intra-muros exclusivement. Il y a un gros travail d'épluchage des dépenses et des projets d'aménagement de la ville pour fixer le cap et les limites.
Une chose est certaine : on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Moins de fiscalité, moins de dette = moins de services, c'est évident, ou alors des services payants. Il faut choisir.
Il y a un point que je voudrais encore soulever : le réchauffement climatique va aggraver les fortes températures dans les grandes villes et risque de les rendre invivables. Il faut donc réfléchir à la construction de manière à ce que les matériaux et le jeu des ouvertures génèrent de l'air mais aussi à la végétalisation de la ville. Sur ce point, ma Mairie de Paris semble avoir enclenché des mises en oeuvre bien que cette dernière manque d'études sérieuses et de lignes directrices claires.
Je ne suis pas trop pessimiste ?
Je crois qu'être maire d'une grande ville, aujourd'hui, c'est très difficile : il faut affronter les problèmes du présent et anticiper ceux de l'avenir. Ce n'est pas chose simple, croyez-moi...