Avant de rejoindre PlaNet Finance, Cyrille Parant a passé toute sa carrière chez Paribas et BNP Paribas, en grande partie à l’étranger (Abu Dhabi, Séoul, Espagne, Singapour…) dans des fonctions très variées de banque d’affaire. Revenu en France en 2000 lors de la fusion de Paribas et BNP Paribas, il est devenu directeur adjoint de la zone Asie-Pacifique et du Moyen Orient pour le Pole BFI (Banque de financement et d’investissement), avant de prendre en charge et de développer le portefeuille international de microfinance du Groupe BNP Paribas depuis 2006.
Dans quel contexte s’inscrit la création de PlaNIS ? En quoi consistent ses activités ?
Depuis quelques années, les banques et les fonds investissent de plus en plus dans la microfinance et portent un intérêt croissant à son business model. Dans ce contexte général, PlaNIS, département de PlaNet Finance, évolue en tant que société de services bancaires d’investissement : sa mission consiste à apporter des capitaux pour les institutions de microfinance (IMF).
Plus concrètement, PlaNIS exerce trois métiers différents dans le domaine de la microfinance : le premier est le conseil et la gestion des fonds de dette, le second le financement structuré et le dernier celui de conseil et de gestion de fonds de Private Equity (conseiller de fonds de Private Equity ou Fusions-Acquisitions).
Quelle est votre relation avec l’ONG PlaNet Finance ?
Le groupe PlaNet Finance a décidé de se diviser en 2 parties cette année : d’une part une partie qui réunie ses activités à but lucratif avec PlaNet Rating (agence de notation des IMF), Finance Cités (société de capital-risque solidaire pour les microentrepreneurs des quartiers), Microcred (réseau d’Institutions de microfinance), PlaNet Guarantee (courtier en microfinance) et PlaNis ; d’autre part ses activités à but non lucratif qui consistent à assister techniquement les acteurs du secteur (IMF, banques, gouvernements, réseaux professionnels ou microentrepreneurs) afin qu’ils renforcent leurs capacités.
Il existe aujourd’hui de nombreuses façons de donner de l’argent aux populations les plus pauvres des pays en voie de développement. Quelles sont les avantages d’investir dans un fonds de microfinance ?
Le choix de la microfinance n’est pas un hasard, que l’on soit un de ses acteurs ou un investisseur. On y vient toujours pour une raison sociale. La microfinance repose en effet sur deux piliers essentiels à son équilibre : la performance financière et la performance sociale. Dans ce cadre-là, PlaNis veille à ce que ses IMF partenaires remplissent les conditions de la charte éthique de PlaNet Finance et s’assurera que les investissements réalisés dans son activité de Private Equity obéiront à des règles de bonnes conduites telles que la limitation à 20% de détention du capital d’une même IMF.
On voit également l’émergence de sites Internet comme Kiva qui propose de prêter directement à des microentrepreneurs. PlaNIS est –elle concurrente ou complémentaire de ce type de service ?
Je ne souhaite pas de concurrence dans la MF dans la mesure où les besoins sont trop importants. Kiva est une belle initiative pour toucher directement les citoyens de part et d’autre de la chaîne de microfinance. Mais je pense que ce système n’est utilisable qu’aux Etats-Unis où il existe une forte tradition de fund-raising : les Américains sont de très généreux donateurs qui cherchent à maîtriser leurs dons. Le modèle proposé par Kiva est donc complémentaire du modèle de PlaNIS puisqu’ils partagent un objectif commun : apporter de l’argent aux IMF pour qu’elles se développent.
On assiste à la concentration des prêts des fonds à certaines IMF. Y voyez-vous un danger ?
Je ne crois pas au danger de la concentration des dons et des prêts dans la mesure où il n’y a jamais trop d’argent. Il y a eu effectivement ces dernières années une grande affluence des prêts sur les 300 IMF les plus solvables et on aurait pu imaginer une dégradation de la qualité de leurs prêts. Or la stabilité des indicateurs de solvabilité de type PAR (Portefeuille à risque, i.e. solde restant dû des crédits en retard) prouve le contraire.
Quels sont les impacts des crises systémiques (alimentaires, climatiques…) sur le circuit de la MF ?
Ce genre de crise a malheureusement pour conséquence directe l’augmentation du nombre de clients des IMF.
Une IMF dans une région donnée peut également être touchée de manière plus sporadique par une crise ; c’est pourquoi il est important d’étudier la dispersion géographique des investissements dans les pays dans lesquels on investit. Aujourd’hui, une grande dispersion géographique des investissements dans les IMF permet de réduire les risques.
La microfinance peut-elle être un modèle de développement durable ?
La microfinance encourage le développement durable dans la mesure où une partie de la microfinance poursuit des objectifs à la fois financiers, sociaux voire environnementaux. Si parfois ces objectifs peuvent entrer en contradiction les uns par rapport aux autres, notamment lorsqu’il s’agit de répondre à des besoins primaires, la microfinance est avant tout un outil d’insertion de réflexes de développement durable dans des pays où cette notion y est parfois relative.
La MF est-elle vraiment utile au développement économique des pays pauvres sans infrastructures ni de volonté étatique ou démocratique de développement économique ?
La microfinance vient au secours des populations délaissées des pays pauvres mais ne se substitue en aucun cas aux infrastructures et aux Etats pour sortir un pays de la pauvreté. Elle contribue à panser les plaies mais n’est pas un outil de développement en soi car il ne peut pas y avoir de réel développement économique sans volonté étatique.
L’intérêt des grandes banques occidentales pour la microfinance est-il pérenne ?
La microfinance s’est développée dans les pays occidentaux ces dernières années grâce à la pression de l’image et de la responsabilité sociale. Mais il ne faut pas restreindre la microfinance à un outil de communication. La pression de l’image utilisée par les banques ne pourra pas à elle seule suffire à instaurer la microfinance comme un sujet durable pour les pays riches. Au contraire, si c’est la première raison, les banques quitteront le navire à la première crise. Il faut donc voir la MF comme une classe d’actifs comparables aux autres, même si c’est une niche, et la faire progresser sur ses aspects business.