L’agriculture biologique au gout du jour, selon l’INRA

Publié le 08 juillet 2008 par Erwan Pianezza

L’Institut National de la Recherche Agricole vient de publier un rapport qui rompt avec 50 ans de promotion des pratiques agricoles intensives à base de chimie et de pétrole. C’est  une expertise scientifique collective intitulée “Agriculture et biodiversité : valoriser les synergies” qui a été rendue publique lors d’un colloque public à Paris le 2 juillet 2008. Ce travail, commandité par les ministères en charge de l’agriculture et de l’écologie, a mobilisé pendant un an une vingtaine d’experts qui ont recensé et analysé quelque 2 000 articles de la littérature scientifique internationale. L’expertise dresse ainsi le bilan des connaissances disponibles sur les impacts de l’agriculture sur la biodiversité, sur les services que peut rendre la biodiversité dans les processus de la production agricole, sur les moyens de mieux intégrer la biodiversité dans l’agriculture et sur les outils de l’action publique. Le constat est sans appel : “L’agriculture française moderne exploite peu ces services écologiques naturels, auxquels elle a substitué des intrants chimiques (pesticides, fertilisants). En outre, la réduction du nombre de cultures, la simplification des méthodes  culturales et l’homogénéisation des paysages (disparition des haies par exemple) ont des effets négatifs sur la biodiversité des espaces agricoles

Les fameux services gratuits

Les “éléments semi-naturels” comme les haies, les bosquets ou fossés, trop souvent disparus pour faire place aux grosses machines, permettent de sauvegarder la biodiversité. “La complexité du paysage peut atténuer les effets négatifs de l’intensification de l’agriculture“, a déclaré lors d’un colloque Xavier Le Roux, de l’Inra. Dans un paysage encore suffisamment diversifié, l’adoption d’un mode de production moins intensif permet de multiplier insectes pollinisateurs et ennemis naturels des ravageurs, et de compenser relativement bien les pertes de productivité liées à la suppression des engrais chimiques. Les chercheurs ont constaté que pour que cette compensation fonctionne bien, le pourcentage d’élements naturels dans le paysage devait être supérieur à 30%. Ils attribuent également à ce facteur une importance plus grande qu’à la “connectivité” (les trames vertes) qui permet aux espèces mobiles (insectes volants, petits mammifères) de se déplacer, mais ne suffit pas à garantir une biodiversité satisfaisante. L’écologue Eric Garnier, du CNRS, a ajouté qu’après l’abandon des intrants chimiques, la biodiversité d’une parcelle pouvait être naturellement multipliée par cinq en 5 à 10 ans, mais qu’au delà, “un certain entretien est nécessaire si on veut la maintenir au même niveau”.

des enjeux sociaux économiques de l’agriculture biologique

Le dossier aborde aussi les domaines sociaux économiques attachés au développement de l’agriculture biologique. Favorable à la biodiversité, l’agriculture biologique peine à se développer. Le nombre d’exploitants, en hausse dans les années 1990, a cessé de progresser depuis 2002. L’agriculteur prêt à renoncer aux pesticides et aux engrais chimiques doit surmonter de nombreuses difficultés, à commencer par l’acquisition de nouvelles connaissances et une réorganisation de son temps de travail. Dans une profession à la mentalité encore très marquée par le productivisme, l’agriculteur qui se convertit au biologique risque en outre l’incompréhension de son entourage, sans compter les difficultés à écouler ses produits dans les circuits classiques de distribution. La biodiversité est désormais définie par la loi comme une valeur à protéger, mais “le droit a du mal à se l’approprier, et elle ne pèse pas lourd par rapport à la propriété privée (foncière, et aussi intellectuelle pour les OGM) ou à la liberté des échanges“, relève la juriste Isabelle Doussan. Elle souligne qu’au niveau européen, la PAC conditionne ses aides au respect de la réglementation et de “bonnes conditions agricoles et environnementales”, mais que “les pénalités sont sans rapport avec les coûts de mise en oeuvre de pratiques favorables à la biodiversité”. En Espagne, l’Université de Barcelone a récemment publié une étude mettant en évidence une “réduction drastique des cultures de maïs biologique” en Catalogne et en Aragon, où la présence de 55% et 42% de maïs transgénique Bt “rend leur coexistence (avec le bio) pratiquement impossible”.  

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