J'ai vu les mêmes mécanismes chez mon ami qu'on retrouve dans mon unité familiale. Un silence qui n'est pas un mensonge, et qui n'est très certainement pas le "christ que non!" impulsif qui est né spontanément en soi. Qui n'est pas le "oui" menteur, non plus. Il n'a rien répondu à la proposition de sa blonde.
Nous étions au New Hampshire cette semaine, et cette scène s'est produite. La scène a été la même quand l'amoureuse m'a demandé de déménager de notre 450, il y a quelques mois. Je n'ai pas tout à fait gardé le silence. J'ai même plutôt plaidé pour le condo au centre-ville. Sans réel succès. Depuis, je garde le silence sur le sujet. Ne fais aucun effort sur la promotion de l'idée de vendre la maison. Pas plus que sur la prospection de nouveaux lieux potentiels. Pas dans le 450 en tout cas. Je fantasme que l'idée s'éteigne toute seule.
Au New Hampshire, ce même ami, lisait un livre, acheté sur la seule promesse de son titre: "Talking to Girls About Duran Duran". Il l'a acheté simplement parce qu'il était aussi Duranies que moi dans les années 80. Le sommes encore. Il ne s'agit pas d'un roman. Plutôt d'un essai. Un récit. L'auteur, Rob Sheffield, est journaliste musical pour le magazine Rolling Stone. Les journalistes ne font pas de fameux romanciers. Mais celui-là, s'est fort bien débrouillé. Pour un lecteur mélomane comme moi, il a totalement fait le travail. Et le fera deux autres fois au moins.
(mini-divulgâchis sur son premier roman à partir de maintenant)
Je n'ai pas lu Talking To Girls About Duran Duran (seulement l'introduction qui m'a mis l'eau à la bouche) mais au retour, j'ai été me chercher son seul livre disponible à ma bibli du 450: "Life is a Mix Tape: Life & Loss, One Song at a Time.". Le titre divulgue un peu, déjà. Expliquant pourquoi le "mini gâchis". Sheffield a marié une jeune femme, duquel il était tombé amoureux, en 1992. L'a perdue 5 ans plus tard. Il parle de sa vie, leur vie aussi, tout au long de ce livre, comme il semble le faire dans Talking To Girls About Duran Duran également. Mélomanes depuis toujours, son amoureuse et lui se faisaient des cassettes de chansons mixtes et c'est la profession de foi de ce livre. Chaque chapitre ouvre sur une cassette Face A et Face B, en tête de chapitre, dont on énumère artistes et chansons, et qu'on évoquera probablement dans le chapitre qui suit. Selon Sheffield, il existe une cassette de chansons mixtes pour toutes les occasions: les changements de saison, l'amour, le sexe d'un soir, le sexe mensuel, la soirée de brosse, la route, le deuil, la vaisselle, les déménagements, la soirée entre amis, la soirée entre ennemis, une cassette de mixtes pour tout. Il nous en fait la démonstration dans son livre. À la fois drôle et tragique.
Très vite, j'ai vu que l'auteur et moi étions différents. Il est plus âgé que moi de 6 ans, mais pourtant, plus en retard sur bien des choses. Il était très pieux. Je suis athée. A toujours été terrorisé par les filles. Ce qui n'a jamais été mon cas, ayant baigné dans leur univers presque toute ma vie. Il aime être le "guidé" du couple, ce qui n'est pas tellement mon plaisir. Il vénère les années 90 et la musique qui en est née, j'ai cessé d'écouter la radio commerciale avec l'arrivée du grunge et son omniprésence un peu partout. Suis alors viré jazz.
Il salue, entre autre, l'épanouissement des femmes en musique durant cette période. C'est vrai. Les femmes ont pris leur place dans cette période musicalement, mais moi, ça ne me surprenait en rien. Je salue cet épanouissement aussi, mais n'en suis pas resté aussi surpris que lui. Ces femmes des années 90, c'était mes consoeurs, mes soeurs, mes collègues, mes blondes, mes amies, les filles avec lesquelles j'avais grandi, des femmes traitées d'égale à égal depuis toujours. Rien ne me surprenait moins que de les voir prendre la guitare, le micro et chanter comme un dude. Elles faisaient déjà TOUT comme des dudes. L'espace s'y trouvait. Alors chanter comme Alanis, Dolores, Liz ou Meredith, simple continuité pour moi.(Ça a aidé à moins m'y reconnaître, personnellement, dans les années 90, aussi)
Son livre a fait naître toute sorte de liste de lecture, que j'ai toujours faites, moi aussi, en toutes circonstances. J'ai même remis la main et l'oreille sur un Top 1000 (rien de moins) que je m'étais fait tout seul, et avait enregistré sur des tonnes de cassettes, quand je travaillais dans l'univers de la vente de musique. Fin des années 90 justement. Pour me rappeler la bonne musique que je trouvais alors de plus en plus plate. Ça s'appelait The Rolling Jones, et chaque face n'avait pas complètement effacé le "Stone" de l'équation puisqu'elle avait été baptisée Caillou 1, 2, 3... et ainsi de suite. Afin que je repère rapidement qu'est-ce qui était où dans le dogmatique top 1000. J'ai aussi trouvé des cassettes de mixtes sous thématique comme la culinaire Tendresse, Bonheurs & Petites Fleurs sur Canapé, Soufflé, Sucrée, Sans Sucre qui avait comme Face A un "premier couvert" et en Face B "un deuxième service"...
J'ai Spotifié, sans raisonnabilité aucune, Elvis Costello 71 fois et PJ Harvey 54 fois en lisant le livre de samedi matin à dimanche après-midi. Je l'ai dévoré. Allant explorer ce qui piquait ma curiosité (Big Star, Tindersticks With Isabelle Rossellini, Pavement, Janet Jackson).
J'ai découvert deux autres choses par la suite.
D'abord qu'il avait aussi écrit un livre sur David Bowie, en juin 2016, 5 mois après sa mort, et que je le lirai contre vents et marées anyway. (tout comme son second livre, celui qui parle de filles et de Duran Duran, deux mots qui ont toujours été très bien ensemble).
Et que- D'origine irlandaise, Duran*, Bowie, The Smiths, l'absence d'intérêt en l'argent comme objectif de vie- nous avions probablement plus en commun que je ne l'avais imaginé au départ.
Son premier livre, est un livre qui parle de musique, mais surtout de la vie.
Et de deuils. Multiples.
Je crois vivre aussi un deuil en ce moment.
Depuis plusieurs mois que je le traîne en silence.
Le deuil de vivre en condo en ville.
J'apprends à composer avec l'idée.
Difficilement.
Mais j'y arriverai.
Une chanson à la fois.
* C'est vrai que Jran Jran dans la bouche d'une fille, c'est sexy as hell.