Depuis longtemps, le commerce en ligne a substitué aux conseils des vendeurs d'antan de redoutables algorithmes de recommandation capable d'analyser nos préférences personnelles et d'en déduire les autres produits que nous devrions apprécier. UBS expérimente maintenant cette approche dans la banque d'investissement.
Bien qu'il n'y ait rien de commun entre le choix d'un film et la sélection d'un actif financier, les techniques de vente mises en œuvre sont similaires. Aujourd'hui, les commerciaux apprennent à découvrir les priorités de leurs clients – sociétés de gestion d'actifs et autres fonds alternatifs – et leurs proposent les transactions les plus susceptibles de correspondre à leur « goût ». Alors, pourquoi ne pas appliquer demain la même recette qu'un Netflix, pour ne prendre que cet exemple emblématique ?
Selon le Financial Times, le projet en est à ses balbutiements. Décliné exclusivement sur le marché obligataire, dans un premier temps, il reste, de surcroît, sous le contrôle des intermédiaires habituels, qui décident de transmettre ou non les suggestions automatiques à leurs clients. Naturellement, si l'expérimentation est concluante, elle sera étendue à d'autres classes d'actifs et la généralisation pourra court-circuiter entièrement les commerciaux, qui devront donc valoriser leurs compétences différemment.
Il est vrai que la comparaison entre Netflix et UBS a ses limites. La différence entre le marché de masse de l'une et la clientèle sélective de l'autre, pour commencer, représente un défi pour la fiabilité des recommandations. En effet, les algorithmes qui les concoctent ne sont efficaces que par le volume et la variété des données disponibles, à la fois sur chaque utilisateur, afin de filtrer ses préférences, et sur l'ensemble de la population, de manière à détecter des tendances pertinentes par proximité affinitaire.
Or, même pour une grande banque d'investissement telle qu'UBS, il est peu probable que le nombre d'opérations traitées approche l'ordre de grandeur d'une plate-forme de vidéo à la demande. En outre, certains observateurs considèrent que les clients de ces institutions ont chacun des motivations spécifiques qui nuisent à tout principe de comparaison et de rapprochement des comportements entre pairs. La première phase du test devra vérifier si, malgré ces handicaps, les algorithmes sont suffisamment performants.
Enfin, une fois ces obstacles techniques levés, le cas échéant, il restera à franchir l'étape la plus difficile (comme d'habitude) : la banque aura-t-elle la confiance et l'audace nécessaires de connecter directement ses clients avec ses algorithmes ? Autre tâche tout aussi ardue, il lui aura fallu, au préalable, également convaincre ces derniers des bénéfices qu'ils pourront retirer d'un système qui remplace leurs échanges réguliers avec leur intermédiaire habituel. Le poids des opérations dont il est question ici (sans commune mesure avec une location de film !) induit le doute chez plus d'un expert…