Ce spectacle est une franche comédie, autant intelligemment écrite que bien jouée. J'espère que le duo Bénureau/Balmer n'aura rien perdu de sa fraicheur, de sa connivence et de sa capacité à surprendre (je suis sûre que l'un comme l'autre pimentent chaque représentation avec juste ce qu'il faut d'improvisation pour maintenir l'attention de son partenaire).
L'évocation de Dieu commence sur le rideau de scène. On apprend d'emblée que lorsque furent finis le ciel, la terre, les animaux et l’homme, Dieu pensa qu’il était fini aussi, et sombra dans une profonde mélancolie.
Il ne savait à quoi se mettre. Il fit un peu de poterie, pétrit une boule de terre, mais le cœur n’y était plus. Il n’avait plus confiance en lui, il avait perdu la foi. Dieu ne croyait plus en Dieu.
Il lui fallait d’urgence de l’activité, de nouveaux projets, de gros chantiers. Il décida alors de chercher du travail, et, comme tout un chacun, il rédigea son curriculum vitae, et une lettre de motivation qui devait être excellente puisqu'elle lui vaut d'être convoqué sur terre pour une semaine de tests et d'entretiens dans un grand groupe.La confrontation entre Dieu (Jean-François Balmer) et le DRH (Didier Bénureau) peut commencer. Tout est évidemment surréaliste, oscillant entre le vraisemblable et le paralogique. Comme souvent dans l'écriture de Jean-Louis Fournier.
Les choix musicaux de Thibault Hédoin sont extrêmes, entre un extrait symphonique et une chanson de Jim Morrison chantée à l'unisson par les deux compères.
Les dialogues sont équilibrés entre deux grands comédiens de manière à ce que chacun ait sa part d'humour et de dérision. Le directeur pose avec naïveté les questions qui taraudent tous les enfants. Pourquoi l'eau est-elle salée ? Pour donner du goût aux poissons, comment n'y aurait-on pas penser ... On ne tombe jamais dans la vulgarité, ce qui n'était pas gagné d'avance. Il y a même des moments qui frôlent la poétique, par exemple lorsque Dieu exprime sa préférence pour l'Atlantique en raison de la présence des crevettes grises.
La création (du monde) est expliquée avec à l'appui des diapositives de peintures de Michel-Ange, dans une parfaite parodie de ce qui arrive au candidat lambda, contraint de justifier son parcours avant d'espérer le poursuivre ailleurs.
Le recruteur n'est pas que naïf. Il sait être mordant comme dans la vraie vie et Dieu n'est pas ménagé à propos de ses erreurs, même s'il dénonce les fakes balancées par le pape avec une savoureuse mauvaise foi.