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Basquiat, 30 ans déjà

Par Jsbg @JSBGblog

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Le 12 août 1988, Jean-Michel Basquiat disparaissait, victime d’une overdose. Trente ans plus tard, retour sur cet enfant terriblement chéri de l’art contemporain, quelques semaines avant l’ouverture au public de la retrospective que la Fondation Louis Vuitton lui consacre.

Basquiat, c’est avant tout une vie de rock star. Tout comme Kurt Cobain, Jim Morrison, Amy Winehouse ou Janis Joplin – qu’il vénérait – notre Jean-Michelest mort à l’âge de 27 ans. Trop de tout, trop vite, le Jean-Mimi. Il naît à Brooklyn le 22 décembre 1960, d’un père noir haïtien et d’une mère portoricaine. Mais les Basquiat ne vivent pas dans le ghetto, ses parents sont des petits-bourgeois. Sa mère, amateur d’art, l’emmène souvent au musée. A l’âge de huit ans, il se fait renverser par une voiture alors qu’il joue au ballon dans la rue. Fractures multiples, lésions internes graves. Sur son lit d’hôpital, sa mère lui offre un manuel d’anatomie dont il va inlassablement copier les gravures pendant sa longue convalescence. Des figures que l’on retrouvera plus tard dans ses tableaux parmi les autres obsessions ayant inspiré son oeuvre: le jazz, la boxe, l’égyptologie, la télévision, la poésie…

En grandissant, Jean-Michel passe d’enfant malade à enfant fugueur, en empruntant les ponts le menant de Brooklyn à Manhattan. Là, il tapisse les rues, avec son ami Al Diaz, de graffitis qu’ils signent « SAMO ». Same old shit. Papa Basquiat ne l’entend pas de cette oreille, et lorsque Jean-Michel décide de quitter le lycée à l’âge de 17 ans, le paternel n’hésite pas à le flanquer à la porte. Il survit en vendant des carte postales ou des pulls sur lesquels il dessine, se nourrissant de chips Cheetos et de vin rouge bon marché.

Ainsi s’écoule la vie du jeune Basquiat de 1977 à 1980. Cette année là, il apparaît dans le clip vidéo de « Rapture », un titre du groupe  Blondie. La chanteuse Debbie Harry lui achète sa première toile pour $200. Quelques mois plus tard a lieu sa première exposition, conjointement avec Keith Haring, Kiki Smith, Jenny Holzer et Kenny Scharf. Immédiatement remarqué par la critique, il décide de se séparer de son collègue Diaz en bariolant les rues du sud de Manhattan de l’inscription “SAMO is dead.”

Son art en provenance direct de la rue, spontané, non formaté, fait de tags et de graffitis, éveille vite la curiosité des milieux artistiques. Avec Kenny Scarf, Francesco Clemente et surtout Julian Schnabel, il devient l’une des figures de proue de ce nouveau mouvement underground, le néo-expressionisme. C’est d’ailleurs Schnabel qui rendra hommage à son ami en réalisant en 1996 le film Basquiat dans lequel Jeffrey Wright joue le rôle du peintre, David Bowie celui d’Andy Warhol et Claire Forlani celui de Madonna.

Nouvelle coqueluche de cette avant-garde new yorkaise, son art balance entre virtuosité et bricolage. Il mêle graffitis raturés, humour, bande-dessinée, poésie, signalisation routière et figures vaudoues. La critique l’adore. Basquiat sera le premier artiste noir à faire la couverture du New York Times Magazine. Le grand public un peu moins, ses oeuvres ressemblant à de bien trop chers dessins d’enfant. Voilà qui est parfait: rien de tel que l’incompréhension des masses pour créer le mythe d’un artiste. Demandez à Picasso.

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Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat devant quelques unes de leurs oeuvres communes

Basquiat se fait remarquer par Annina Nosei. La galeriste met un atelier, «un foutoir innommable avec des tableaux et des dessins éparpillés dans tous les coins»  selon ses propres mots, et organise sa première exposition personnelle. Dès 1981 il se met à côtoyer Keith Haring, Robert Mapplethorpe et surtout Andy Warhol. «C’est le genre de gosse qui me rend fou», note ce dernier dans son journal intime. De ce coup de foudre amical et artistique naîtra une série d’oeuvres communes signées des deux artistes, sur une idée du marchand d’art suisse Bruno Bischofberger. C’est d’ailleurs à l’initiative de ses amis suisses Bischofberger et Beyeler qu’il séjourne en Suisse, à Bâle et à St-Moritz.

En 1982, Basquiat s’installe momentanément à Los Angeles avec Larry Gagosian, où sa petite amie de l’époque, une certaine Louise Ciccone, le rejoint. De son côté, celle-ci vient de signer auprès d’une maison de disques le single « Everybody », qu’elle interprète sous le pseudonyme Madonna. Tout s’accélère, l’un comme l’autre connaissent la gloire, l’argent.

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Jean-Michel Basquiat et Madonna, 1982

En 1984, Basquiat quitte la galerie Nosei pour la bien plus puissante Mary Boone. Au passage, tout le monde ferme les yeux sur sa consommation grandissante de stupéfiants. Tant que le golden child continue de peindre…

Sa santé se dégrade, son travail en souffre. Basquiat s’égare, dépensant des sommes folles en suites d’hôtel ou en costumes Armani, qu’il n’hésite d’ailleurs pas à repeindre. Il devient ce qu’il dénonçait quelques années plus tôt sur les murs de New York. Le 12 août 1988, Basquiat est retrouvé mort dans son studio de Great Jones Street. Overdose.

Aujourd’hui, 30 ans après sa mort, sa propre ville ne lui a que peu rendu honneur, à l’inverse du mouvement hip-hop qui le vénère et le cite dans ses textes, à l’enseigne de Jay-Z. Pas de statue ou de lieu portant son nom, ses fameux graffitis signés «SAMO» ont tous disparu. Tout juste existe-t-il une discrète plaque commémorative sur la façade de son ancien atelier du quartier de NoHo.

A l’inverse, le prix de ses oeuvres a totalement explosé. Après une toile vendue $ 57,3 millions en 2016, un acheteur japonais a récemment déboursé plus de 110 millions de dollars pour s’offrir l’une de ses toiles. Et il y a maintenant une place qui porte son nom dans le XIIIe arrondissement de Paris. Paris où justement la Fondation Louis Vuitton lui prépare une seconde retrospective monumentale, après celle que la Fondation Beyeler lui avait consacré à Bâle en 2010 (à relire ici). Plus de 120 oeuvres de l’artiste couvrant la période 1980 – 1988 seront rassemblées, dont la célèbre série des Heads, réunies pour la première fois. Plusieurs pièces signées conjointement par Basquiat et Warhol, dont Cabezas, seront également visibles. L’exposition Basquiat ouvrira ses oeuvres au public le 3 octobre prochain, pour les garder ouvertes jusqu’au 14 janvier 2019.

– Jorge S. B. Guerreiro

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Informations pratiques:

Retrospective Basquiat

Du 3 octobre 2018 au 14 janvier 2019

Fondation Louis Vuitton

8 Avenue du Mahatma Gandhi, 75116 Paris, France

www.fondationlouisvuitton.fr/

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