Manchette

Publié le 22 mai 2008 par Marc Villemain

Il faut m'astreindre à n'écrire ici que lorsque je suis de bonne humeur, et surtout pas quand je me crois malheureux. Le chagrin rend stupide. Il ne faut pas écrire de stupidités.

Jean-Patrick Manchette, Journal du 29 décembre 1966

C'est là une injonction fréquente dans tout journal naissant ; il est rare qu'on s'y tienne. Mais il est très intéressant de noter cette récurrence, cette obligation que l'on se donne à se défier de ses humeurs ; non par optimisme, cela n'a rien à voir, mais par crainte que l'humeur éloigne de l'art, qu'elle soit, d'une certaine manière, antithétique à la démarche d'écriture. Quand je me crois malheureux, écrit Manchette, qui, dès la première page de son premier journal, et alors qu'il n'a que vingt-quatre ans, nous dit déjà que seuls les faits le mobiliseront, que tout examen ou raisonnement psychologique demeure tributaire de l'interprétation, donc de l'erreur.