Sous la plage, les pavés…

Publié le 11 août 2018 par Pantalaskas @chapeau_noir

Depuis le début de cette année, les évocations n’auront pas manqué pour commémorer la turbulente année 1968. A Paris comme en province, les expositions, émissions de télévision, colloques, débats ont décliné ce cinquantenaire de mai 68 sous tous ses aspects politiques, culturels, artistiques.
C’est cependant une petite musique particulière que fait entendre l’exposition de la médiathèque Michel Crépeau à La Rochelle en ces mois d’été.
« Sous la plage, les pavés », prend comme argument l’oeuvre du dessinateur de presse Tetsu (1913-2008) pour nous faire (re)vivre la France à la veille de mai 68.
De 1955 aux années quatre vingt, cet ancien peintre devenu dessinateur a multiplié ses créations dans de nombreux titres de presse (Ici paris, France Dimanche, Jours de France, VSD etc..). Mais, au-delà de cette exposition monographique, c’est plus encore l’évocation des années soixante que nous fait entendre cette petite mélodie de la nostalgie pour ceux qui ont baigné dans cette ambiance sommes toutes empreinte d’une certaine insouciance.
Cette « psychanalyse du banal », expression appliquée à l’oeuvre de Tetsu, s’entoure ainsi des décors de ces années dont la jeune génération n’a pas connu les pénuries, les rationnements. La guerre d’Algérie est finie et les attentats sporadiques de l’O.A.S. n’ont pas encore induit un univers sécuritaire comparable à celui de nos années actuelles.

« C’est la vie . Il faut se contenter du bonheur que l’on trouve’.

C’est au cours de ces années soixante, alors que les pavés n’ont pas encore surgi sous le sable, la classe moyenne, brocardée sans agressivité par Testu, peut rêver aux vacances dans un pays en croissance, au chômage réduit. Les rapports entre les femmes et les hommes ne sont pas vus comme un affrontement sans merci et la séduction des jeunes femmes n’est pas perçue comme un coupable asservissement à la domination masculine.
Avec le recul, et au-delà du regard nostalgique sur les objets mythiques de ces années (dont le fameux Teppaz sur lequel on découvre le rock puis ses succédanés européens), ce qui frappe, me semble-t-il, c’est la non visibilité des secousses qui  bouleverseront la société française très bientôt. Les signes avant-coureurs de mai 68 ne deviennent sensibles qu’au début de cette année référence. Comment est-on passé de la tranquille insouciance (du moins apparente) exprimée par les dessins de Testu à la contestation radicale d’une société trop sereine, trop sûre de ses valeurs ?
L’exposition de la médiathèque Michel Crépeau relate ce mélange singulier entre les témoignages d’une société qui n’affronte pas encore les tensions et les remises en question et l’apparition de ce qui reste, aujourd’hui encore, comme la trace ineffaçable de sa critique.

La génération de l’après-guerre, qui a fait exploser la courbe démographique dès 1946, a ainsi fourni à la société française à la fois les composantes de ses valeurs de consommation triomphante et les germes de sa propre contestation.

Photos de l’auteur

« Sous la plage, les pavés »

2 juillet-29 septembre 2018
Médiathèque Michel Crépeau
Avenue Michel-Crépeau
La Rochelle