BIM BAM BOUM! On change tout et on recommence. Mathieu Fonsny et Sylvie Denoncin, nous avaient pourtant prévenu lors de notre interview précédant la 30ème édition du Festival de Dour: " Des changements, il y aura ". Pour autant, on n'en a pas été moins surpris en arrivant sur le site " flambant neuf ". Et il le fallait bien, après le couac de l'an dernier. Dour a fait les choses en grand et pris en compte les considérations de ses festivaliers et indigènes raveurs depuis des années...
Comme à tout un chacun, les anniversaires symboliques tel qu'une 30e, annoncent toujours un grand moment où il est le bienvenue de marquer le coup. Et les organisateurs ne s'y sont pas dérobés. Comme annoncé par Mathieu, lors de l'interview: " Toutes les scènes vont changer. Pour les lecteurs habitués à Dour, qui pensent connaitre le festival sur le bout des doigts, préparez-vous à du gros changement. " Gros fait marquant, que nous n'avions pas interprété à la lecture de la nouvelle carte du site. Le festival n'est plus tout à fait au même endroit: plus de Balzaal sur le célèbre terril de la plaine de feu, plus de Petit Bois (au milieu des arbres comme son nom l'indique), plus de goulot d'étranglement entre les grandes stages, plus de camping à 30 min du site (après 5 jours de festival, ce dernier point fut d'une grande importance), fini les 5h passées sur le parking à faire la file pour sortir, Bref la map parle (encore plus) d'elle même (après coup)...
La terre promise de La Machine à Feu, n'était pour autant pas défigurée et a même arboré une revenante : la Roue de Feu qui a tant de fois servi de points de rendez-vous aux massives... Juste en contrebas des éoliennes qui furent l'un des gros fait marquant du paysage !
Coté artistique, cette année fut propice à la flânerie. " Dour est cool pour se perdre dans les dédales du festival et faire des découvertes mais c'est aussi sympa de pouvoir se rassembler sur des noms fédérateurs ". C'est exactement l'alchimie qui a pris de notre coté. L'alternance était de mise, du Labo (la scène plus intimiste) à la RedBull Elektropedia (où tout est permis) en passant par la boombox (aux accents black music), rien ne nous a laissé blême.
Les (re)découvertes
Qui dit " Découvertes " dit d'office le " Labo ". C'est toujours un régal de s'y arrêter quand le planning le permet. C'est dans ces instants que l'on tombe sur des pépites comme l'américainL'As des percussions et des textures. Au four et au moulin, il forme un groupe à lui tout seul, se démarquant par des sonorités électroniques classiques grâce à un mélange des genres né de ses multiples sources d'inspiration, notamment le jazz et hip-hop.
Sur la route des influences " Black Music ", nous avons aussi croisé les australiens du groupe et leur titre phare un concentré defunkys et languides, des chansons venues d'Australie via Berlin sur Miel Airlines. Des sonorités qui nous laissent à rappeler Nile Rodgers et les Daft Punk. Pas étonnant puisque, le titre est co-produit par Thomas Bangalter, Guy-Manuel de Homem-Christo.
On ne s'en lasse pas
Un festival est bercé par des moments forts, ceux qui te laissent scotché sur une même stage pendant des heures:
A l'Elektropedia (la scène 100% Electronique) bien évidement. Avec comme point d'orgue d'une belle après midi, la reine transgenre:Honey Dijon. Homme ou femme, classique disco ou techno industrielle, galerie d'art ou festival, pour l'américaine de Chicago tout n'est que " good vibes " à transmettre. Elle met tout le monde d'accord.
Vissé, on l'a été aussi vendredi soir à la Petite Maison dans la Prairie, avec le retour des enfants prodigues de ces dernières années: le pianiste surdoué et producteur multi-instrumentiste Nils Frahm, suivi par l'hollandais Fatima Yamaha, la riot girrrrl The Black Madona et le duo suédo-hispanique John Talabot et Axel Boman. Du groove, il y a eu. Tout comme des rythmiques plus lunaires, plus cloud.. Pour un voyage aux énergies entremêlées.
Mais c'est encore au Labo que, la plus longue régalade s'est opérée. Dans l'ordre se sont enchaînés pour un magnifique feu d'artifice: Mount Kimbie, Ross From Friends, Folamour et Moscoman! Pendant plus de 4h, une ambiance à la Soul Train a régnée sur les planches du chapitaux,
Toujours plus haut, toujours plus fort
Par une belle nuit paisible du 14 juillet, la foudre s'est abattue sur la plaine par deux fois. Non pas sur la Last Arena (la main stage), mais sur la Caverne (initialement la scène rock & métal). Le premier éclair a un nom ou plutôt une association: Paula Temple b2b Rebekah. La techno industrielle n'a pas fait de cadeaux aux festivaliers en ce jour 4 de Dour. À la façon d'un Perc ou d'une certaine frange dure de Jeff Mills, le Duo nous a rappelé que l'Angleterre n'existait pas sur la mapmonde de la musique juste pour son punk et sa pop. Telle l'alarme des pompiers du premier mercredi du mois, les anglaises ont rameuté tous les Dourois à la recherche d'un perchoir à la fin du live de Paul Kalkbrenner et de Boys Noise.
Boys Noise justement! Responsable du premier embrasement causé 1h plus tôt sur une magistrale Elektropedia (en atteste la captation par drone). L'allemand a littéralement tout fait péter sur la Balzaal, en alternant du très dark, du new beat acidulé jusqu'à nous rendre chèvre avec le classique de son ami Mr Oizo " Vous êtes des animaux "!
La Classe à l'international
Un peu de finesse dans ce monde brut. R+R=NOW (Reflect + Respond = NOW ) ou le projet génial du légendaire pianiste Robert Glasper, du producteur Terrace Martin, du bassiste Derrick Hodge, de l'excellant trompettiste Christian Scott et du batteur Justin Tyson. Un SuperGroupe de jazz, hip-hop, R&B, soul et reggae en somme. Une association aux allures de Hall of Fame. Ensemble, ils repensent, voir contournent les codes jazz, à grand coups de beats hip-hop, textures électro et groove R&B. Réunis par Robert Glasper pour une tournée unique, le collectif s'inspire des mots de Nina Simone : " le travail d'un artiste est de refléter son époque". Amis et collaborateurs de longue date, les six musiciens mettent en commun leur audace, leur vision et cette capacité instinctive à façonner le son d'une génération. Instrumentistes accomplis bien au-delà du jazz, ils ont collaboré avec Prince, Kendrick Lamar, Herbie Hancock, Quincy Jones, Stevie Wonder, Thom Yorke, Mos Def, Erykah Badu, Snoop Dogg... Excusez du peu ! Une chance de les avoirs sous la Boombox.
Pour une fois que l'une des grandes têtes d'affiches américaines, ne déçoit pas il faut le noter. Joey Bada$$, de Gucci vêtu, nous a certifié une prestation propre et proche d'une performance studio. Fait trop rare dans le rap game. De retour après un premier passage réussi en 2014, le MC new yorkais a posé son flow sur un mélange de ses tracks, allant de ses premières mixtapes très urbaines (1999, Rejex) aux derniers albums studios plus lyriques (B4.DA.$$, ALL-AMERIKKKAN BADA$$)
Dour Première
Dans la lignée de ses compatriotes américains, aux instru que nous qualifierons " à l'ancienne ", le Kid de l'Alabama Mick Jenkins a su avec sa voix de baryton et ses mélodies bien loin de la trap actuelle, comprendre et se jouer des codes du public connaisseur du festival, venu l'acclamer en masse sous la scène de la Boombox. A l'instar des De la Soul, Jurassic 5 ou Raekwon qui sont passés ces dernières années, Jayson Jenkins (de son vrai nom) est resté humble, ne restant pas cloisonné dans un ego-trip, très peu apprécié ici. Pour rappel, l'âme de Dour est imprégnée d'une histoire très rock, folk, reggae. Du partage en somme. Armé de ses pépites mélodiques, il a autant secoué son public qu'il lui a collé des frissons de son flow lent. Un must see absolu !
Les Belges, en champion du monde
Dour c'est surtout une grande famille d'acteurs du monde de la musique, festivaliers eux même. Artistes, qui grâce aux programmateurs, bénéficient d'une certaine hype dans le game francophone. Lefto, Black Syndicat, Mathieu Fonsny, Boudin Room, autant de noms qui ont participé à l'essor d'une scène massivement représentée (plus de 40 artistes belges cette année) et à juste titre. Bruxelles est bien arrivée (et pas qu'a Dour).
Succédant à Angèle (présente cette année), Damso, ou encore Romeo Elvis... Le duo féminin r'n'b Juicy a pressé le premier semestre 2018 comme un citron! Après s'être fait connaitre à Bruxelles en reprenant avec brio des tubes des années 90/00, Julie Rens et Sasha Vovk, sont en campagne depuis mars, et la sortie de leur tout premier EP "Cast a Spell". Sold out à l'AB Club, au Botanique et au Beurschouwburg, pour leur release party bruxelloises, Elles ont été logiquement programmées à Dour pour un concert aussi juteux que soyeux. Court certes, parce que basé sur un EP mais très réussi.
Bruxelles toujours, représentée encore une fois par le rappeur Swing samedi à la Boombox et la veille avec son groupe l'Or du Commun sur la Last Arena. Alors que les rayons de soleil assomment une main stage très bien fournie, L'ODC fait une entrée sur scène magistrale, sous les clameurs d'une foule déjà conquise. Interprétant un medley de morceaux de leur album fraîchement sorti, Swing, Loxley et Primero ont prouvé leur maîtrise de la scène et du public grâce à un show bien rodé, démontrant l'expérience du groupe à Dour. Les trois compères rayonnent d'une énergie communicative à laquelle il est difficile de rester insensible et on se surprend rapidement à bouger la tête inconsciemment sur les productions " groovy " de Vax1, qui mettent parfaitement en valeur les voix infatigables et entêtantes des trois rappeurs. Le groupe met la gomme (c'est le cas de le dire) et les spectateurs s'enflamment.
Idem pour La Smala, armée de son nouvel album " 11h59 " fraîchement sorti en 2018, qui est le fruit d'un an de travail aussi bien musical que visuel. Avec 13 nouveaux track, La Smala met l'accent sur sa capacité à exploiter son potentiel artistique sur tous les terrains, ainsi rap(boombap), trap, cloud, et pop mainstream se mélangent à travers la tracklist de ce nouvel opus tout en préservant l'identité du groupe. Les textes s'inspirent et décrivent la vie des 5 membres du groupe et s'alimentent des réussites et désillusions des Smaliens, qui parlent forcément au public de Dour, qui se reconnait dans des textes très terre à terre. Ce qui est sûr, c'est que Senamo, Rizla, F.L.O, ShauwnH et Seyté sont bel et bien de retour , puisqu'ils travaillent déjà sur de prochains projets en solos et en commun. Projet qui sera à coup sur performé à Dour l'année prochaine en compagnie de l'iné-galable DJ-XMEN toujours prêt à se jeter dans la foule !
Autres habitués du festival, , avec leur dernier opus Double Hélice 3 qui a fait énormément de bruit (plusieurs millions de vues pour chacune de leurs vidéos) et qui leur a permis de tourner partout en Belgique et en France, Caballero & JeanJass fusionnent à nouveau leurs talents pour le deuxième volet de leur album . Non, Non, non, c'est pas fini !!!
Bruxelles encore, coté rock/electro avec les non-moins habitués BRNS et les Soulwax, auteur de performances nickel-chrome comme les atomes de l'Atomium. Des valeurs sûres donc, que le publique et les programmateurs savent reconnaître.
Conclusion, SE FUT UN " BONDOUR " (tu l'as celle là?), qui a terminé aussi fort qu'il a commencé avec Tyler, The Creator en clôture de la Last Arena, Boris Brejcha à la Petite Maison et Ben Klock jusqu'à Lundi 3h du matin...
Les jours de repos après un tel marathon, ne sont pas du luxe. Mais mine de rien, la nouvelle implantation et les éoliennes auront eu des effets bénéfiques sur nos organismes. Comme si Dour était de nouveau apaisé et confiant sur sa cuvée 2018!
Crédit Photo/Video: Sourdoreille, Mathieu Drouet, Ludovic Heele, Frédéric Maciejewski, Eva Krins,