En amont, c'est à partir d'une expérience de Cinda Asset Management, un des principaux gestionnaires d'actifs de l'empire du milieu, qui mit aux enchères deux prêts sur Taobao en mars 2015, que s'est ouverte une section florissante de cession de crédits non performants sur la plate-forme. Selon l'analyse de Macro Polo, Alibaba serait devenu un acteur majeur, avec un volume d'échanges atteignant 33 milliards de yuan (environ 4 milliards d'euros), pour un peu plus de 1 000 transactions, au quatrième trimestre 2017.
Naturellement, les actifs cédés sont des prêts commerciaux, à des organismes publics (pour une minorité), des entreprises immobilières et industrielles, ou des distributeurs. Le prix de vente moyen est estimé aux alentours de 44% de la valeur faciale. Une particularité des mises aux enchères sur Taobao est qu'elles sont plus transparentes que ne le sont habituellement les opérations de ce genre, révélant notamment des détails sur les garanties (photos à l'appui), sur l'emprunteur (dont sa localisation)…
L'article de Macro Polo ne parle pas du profil des acheteurs mais on peut aisément supposer qu'il s'agit d'institutions financières spécialisées. En effet, à la différence d'eBay, à laquelle la chinoise est souvent comparée, la place de marché d'Alibaba est fréquentée et utilisée autant par le grand public que par les entreprises, pour tous leurs besoins.
En complément des échanges de crédits, Taobao a également pris rapidement de l'ampleur dans un secteur adjacent : l'adjudication des garanties en cas de défaut de l'emprunteur. Approchée dès 2012 par les autorités de sa région d'origine, la plate-forme a progressivement vu son statut en la matière reconnu officiellement par quelques 3 500 cours de justice municipales et provinciales, dans l'ensemble du pays (un passage obligé car la liquidation ne peut être prononcée que par un tribunal).
En 5 ans, 430 000 ventes aux enchères ont ainsi été organisées, pour un montant total collecté de 270 milliards de yuan (34 milliards d'euros). Elles concernent toutes sortes d'« objets », véhicules (3 Boeing 747 étaient listés, récemment), maisons et appartements (voire des immeubles entiers), machines-outils, actions de sociétés…
Le recours au leader du commerce en ligne pour les ventes judiciaires, dorénavant validé par la cour suprême chinoise, permet de dépoussiérer les processus traditionnels – par enchères « physiques », conduites par un commissaire-priseur – avec tous les avantages connus des solutions web : transparence accrue, accélération des démarches, exposition à une audience démultipliée, frais réduits (l'équivalent d'un milliard d'euros aurait été économisé sur l'ensemble des transactions réalisées)…
Voilà un nouvel exemple d'innovation (double) qui ne peut naître que dans un pays émergent, peu entravé par des habitudes séculaires, qui peut prêter à sourire à ses débuts et qui se révèle finalement être extrêmement efficace et positive. Est-il seulement imaginable de voir un jour prochain arriver des ventes de créances douteuses et des adjudications légales sur les plates-formes d'Amazon, eBay ou PriceMinister ?
Actualité repérée grâce à Pascal Bouvier (merci !)